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Distribution

Les bonnes pratiques du VO

Publié le 8 mai 2009

Par Tanguy Merrien
12 min de lecture
Moins médiatique mais aussi violente, la crise du VO frappe de plein fouet les professionnels qui s'appuient sur l'outil Internet pour sortir la tête de l'eau. Néanmoins, sur la toile, des règles de vie doivent être respectées....
...Les bonnes pratiques avec Eric Bataille.

Journal de l'Automobile. Vous apportez sans cesse à vos clients et au marché de nouveaux outils pour appréhender la vente sur Internet, pourtant Internet est intégré aujourd'hui ?
Eric bataille. Notre logique d'accompagnement du client part d'un constat simple : si les ventes sont au rendez-vous, cela signifie que les clients se sont appropriés les bonnes méthodes. A contrario, si cela ne fonctionne pas, ce sera toujours la faute du site Internet. Nous investissons donc très clairement sur la partie accompagnement.
 
JA. Certains de vos confrères privilégient cependant la notoriété du site et la placent en premier sur la liste des conditions de réussite ?
EB. Cela a son importance et je ne vais pas dire le contraire alors qu'Autoscout24 pourtant récent en France, compte trois millions de visiteurs, 60 millions de pages lues et 120 000 annonces en ligne. Mais je maintiens depuis le début que ce n'est pas suffisant. Pour réussir auprès des professionnels de l'automobile, il faut aller au-delà des notions de puissance comme le nombre de visiteurs ou de notoriété en essayant d'être présent partout. L'enjeu consiste à faire adhérer nos partenaires à la pleine utilisation des outils que nous mettons à leur disposition et à s'organiser de telle manière que cela fonctionne bien. Il est impératif également de bien faire comprendre à certains vendeurs qu'Internet n'est pas un concurrent mais un facilitateur, un peu à l'image des fiches Diac.

JA. Qu'entendez-vous par les fiches Diac ?
EB. Je suis issu de la distribution automobile et je n'ai pas oublié l'attrait que représentaient les fiches de fin de crédit que la captive de Renault communiquait aux vendeurs. Ils se précipitaient sur les fiches informatiques qui donnaient la date de fin de crédit, le type de véhicule, de contrat, toutes les informations utiles de l'acquéreur. Parce que derrière cette fiche, il y avait forcément un acquéreur comme derrière l'internaute qui a initié une recherche. Le contact qui vient d'Autoscout24 doit être identifié, à l'instar de la fiche crédit, comme quelqu'un désirant vraiment acheter, que le contact soit un appel téléphonique, un e-mail ou une visite. Il est primordial que le client soit capté immédiatement.

JA. Vous semblez dire qu'il y a un véritable potentiel pas suffisamment exploité ?
EB. Une récente étude a montré que dans 90 % des cas, sur une centaine d'appels téléphoniques, seuls 11 contacts peuvent être utilisés. Dans 30 % des cas, les appels n'aboutissent pas parce que le vendeur est en ligne, en clientèle, ou en déplacement. Sur les appels pris, là encore, il y a une déperdition énorme, les coordonnées ne sont pas prises, ni les raisons de l'appel comme l'endroit où a été vu le véhicule. Tout simplement parce qu'aucune démarche n'a été mise en place pour intégrer lnternet dans la concession ou le lieu de vente, faute de temps, d'information… Dès qu'il y a accompagnement, les ventes se font et les vendeurs s'approprient l'outil.
 
JA. Les vendeurs en concessions ne sont pas encore préparés à recevoir le client "Internet" ?
EB. Soyons clair : 66 % des gens qui sont venus sur notre site ont acheté un véhicule dans les six mois qui suivent. La démarche est donc forcément différente que celle d'une personne qui cherche une information. Si l'on pose la question "magique", "où est-ce que vous avez vu le véhicule" ? Et que l'on vous répond "sur Autoscout24", cela signifie que la personne cherche une voiture, qu'il a déterminé son budget, son type de véhicule, etc. Il a toutes les informations qu'il souhaitait et il vient, ou il appelle pour être rassuré sur un point ou pour discuter des conditions financières.
 
JA. Donc plus la fiche est renseignée sur le Net, plus le client est identifié ?
EB. Plus on est précis sur l'offre, plus on sait que la personne qui va appeler est acheteuse : elle n'a plus d'informations à demander. C'est pourquoi, nous avons mis en back-office six personnes pour aider, conseiller et suivre les clients, plus deux personnes directement sur le terrain, des conseillers techniques qui montrent aux clients la bonne manière de prendre les photos (nous avons un guide spécifique à ce sujet), comment encoder un véhicule sur le site, quelles sont les informations qu'il faut mettre, combien de photos, etc.

JA. Autrement dit, vous faites le travail du vendeur ?
EB. Nous le facilitons, en revanche, l'internaute, lui est intimement persuadé qu'il a accompli toutes les démarches, le plus dur. C'est pourquoi, il faut lui répondre immédiatement. Nous recommandons aux vendeurs d'avoir, comme les nôtres, des blackBerry pour prendre en charge tout de suite (en moins de trois heures) la demande de l'internaute et d'aller plus loin, de proposer tous les services qui sont liés à la vente.
 
JA. Quels types de services vend-on en VO ?
EB. On sait que la fidélisation dans le VO est particulièrement faible, de l'ordre de 40 % dans le meilleur des cas. C'est pourquoi, outre les différents contrats de garantie et maintenance, les assurances, etc. nous réfléchissons à des propositions du type, première révision gratuite au cours des trois à six mois, une remise sur le prochain train de pneus… tout ce qui peut faire revenir le client en concession. Il y a un autre intérêt à proposer des services et des garanties, le client est rassuré parce qu'il sait qu'il a un recours, un professionnel qu'il peut revenir voir bien qu'il ait commencé son acquisition en allant sur Internet.
 
JA. Comment faire pour ne pas manquer le client ?
EB. Pour ne pas manquer un contact, nous préconisons plusieurs types d'organisations. Soit la centralisation des appels via un call center afin de sélectionner, identifier et distribuer le contact au bon vendeur avec une obligation de retour. C'est ce que fait Mercedes-Benz avec son Lead Mangement System ou PGA avec Autosphère. Soit, il faut mettre en place une personne dédiée dans la concession, une personne "Internet" qui sera le point d'entrée pour l'acheteur de VO. Cette personne dispose d'un bloc de fiches post-it - nous en fournissons - avec les renseignements obligatoires à obtenir (date, nom, endroit où a été vu le véhicule, téléphone, e-mail, adresse, budget, etc.). C'est tout simple, mais l'expérience nous a montrés que c'était nécessaire. Nous proposons des formations pour cela et aussi pour la prise en mains de l'outil Internet.
 
JA. La mise en ligne est-elle difficile ?
EB. La mise en ligne des véhicules n'est pas difficile mais requiert un suivi. Souvent, en effet, la mise en ligne se fait automatiquement (via le DMS) et l'on ne va pas vérifier comment l'offre apparaît. Parfois, il suffit de peu de chose, de mettre 10 euros de moins pour passer de la 10e à la première page. Une autre fois, s'il n'y a pas beaucoup d'offres sur son territoire, il est alors intéressant de monter le prix du véhicule. Avec le système de géolocalisation qu'Autoscout24 propose, on arrive à cibler un rayon de 50 km autour de l'acheteur, dans son département. 70 % des achats de véhicules d'occasion se font dans le département, cela vaut le coup de cibler au plus juste. Et surtout, il faut faire vivre ses annonces.
 
JA. Comment améliorer ses annonces ?
EB. Comme nous l'évoquions, plus on donne d'informations, plus l'internaute est acheteur. Préciser que le véhicule est "non-fumeur" est un plus ou qu'il n'y a pas eu d'animaux aussi. Il convient aussi de mettre au moins trois photos du véhicule, les groupes les plus performants avec lesquels nous travaillons vont jusqu'à six ! C'est un premier niveau que nous évoquons en amont avec les directions des groupes pour lesquels nous proposons aussi formations et incentives afin de booster "les bonnes pratiques". Nous allons plus loin en instaurant des systèmes de veille qui consistent à relever à l'instant T qu'il n'y a pas de visuels. Nous nous apercevons que le bug vient généralement de l'interface du client et, ce faisant, nous lui apprenons aussi que ses autres applications d'export ne se font pas. Le problème est réglé tout de suite, c'est précieux.

JA. Travaillez-vous aussi avec les directions marketing des groupes ?
EB. Plusieurs directions marketing de groupes de concessions ont parfaitement intégré le média Internet et sont aujourd'hui très demandeurs d'améliorations "techniques" : comment acheter des mots clés, comment améliorer son référencement pour pousser le site Internet et comment pouvons-nous faire ensemble pour booster le site. Nous proposons donc des formules qui vont dans ce sens. Par exemple, chez Autoscout24, nous disposons d'un catalogue de 150 000 mots clés alors que le concessionnaire n'aura jamais besoin de tout cela, en revanche, il sera intéressé de connaître la méthode pour utiliser les bons leviers sur Internet, de déterminer le meilleur mix off et on line pour optimiser ses dépenses de communication. La communication traditionnelle comme les opérations de portes ouvertes, les déstockages peuvent être soutenus, etc.

JA. L'accompagnement prend plusieurs formes !
EB. Nous sommes convaincus que sans accompagnement, on ne réussit pas sur Internet, c'est aussi pourquoi nous sommes un des rares sites à être installés en France, qu'on investit massivement sur le service - d'ici à la fin de l'année nous allons passer de 25 à 30 personnes - et que nous allons encore investir davantage dans l'évolution des moteurs de recherche, dans la technologie. C'est surtout en période de crise que les clients ont besoin de sentir que nous sommes des partenaires à leurs côtés, que nous avons plusieurs métiers à mettre en œuvre ensemble.
 
JA. Quelles sont les nouveautés que vous préparez ?
EB. Avant tout, il y a la formation des vendeurs à laquelle je suis très attachée parce qu'elle n'existe pas. Il y a des formations vendeurs (Anfa) mais il n'y a pas encore de formations pour les vendeurs VO sur Internet. Nous souhaitons mettre en place ce type de formation mais pas seuls, nous voulons que ce soit vraiment une formation de la profession. C'est une idée que nous développons avec Pierre Kosciusco-Morizet qui est à la tête de l'Acsel. Nous avons déjà des modules de formation disponibles qui permettent d'intervenir auprès des vendeurs ou des responsables VO, des directions marketing ou de concessions mais aussi auprès des indépendants.
 
JA. Et en dehors de la formation ?
EB. Courant mai, début juin, nous aurons l'application iPhone. Elle est unique et actuellement en test. On pourra surfer et accéder directement sur Autoscout24. Nous testons encore de nouvelles fonctionnalités pour notre moteur de recherche qui seront disponibles au second semestre. Et puis, bientôt arrivera le "call manager system" : c'est-à-dire l'externalisation pour les clients de la gestion des appels et aussi de leurs stocks. Un modèle plus intuitif dont nous reparlerons.

JA. Vous ne manquez pas d'ambitions, sur un marché en crise…
EB. Le marché va continuer à se structurer parce qu'il y a trop d'intervenants aujourd'hui. Ce n'est pas acheter des parts de marché qui va faire la différence, c'est être cohérent dans le discours, dans les actes, et être vraiment partenaires sera déterminant. C'est pourquoi, nous avons fait la table ronde sur le VO pour apporter davantage d'informations à nos clients, c'est aussi pourquoi nous ne ferons pas de véhicules neufs. Beaucoup de nos concurrents se sont mis aux véhicules neufs, nous nous y refusons. De même que nous ne mettrons pas d'accessoires en vente, encore moins d'accessoires discountés. Nous avons des règles très précises qui sauront faire la différence.

JA. Vous évoquez les conditions générales d'abonnements ?
EB. Nos clients doivent savoir qui nous sommes et comment nous travaillons, doivent pouvoir nous faire confiance. C'est ainsi que dans les conditions générales d'abonnement, il est stipulé que ne sont acceptées que des sociétés immatriculées en France, que les stocks soient physiques et visibles en France, que nous ne communiquons pas sur des véhicules qui ne sont pas visibles chez l'annonceur ou encore que nous refusons les mandataires à l'exception de ceux qui ont un stock VO visible. Ce sont des engagements forts qui nous ont permis de prendre la troisième place sur le marché français en deux ans et de compter 250 clients aujourd'hui.

JA. Pourquoi ne pas céder à la tentation du VN ?
EB. Tout d'abord parce que ce n'est pas notre métier et que nous ne voulons pas faire celui de nos clients. Nous ne changerons pas de modèle. D'ailleurs, nous commençons à assister à un phénomène discret d'exclusion de certains sites par les constructeurs auprès de leurs réseaux, des sites qui se sont mis sur le VN. Par ailleurs, le renouvellement ou non du nouveau règlement va attiser une crise psychologique déjà présente dans l'automobile. Nous sommes prêts à organiser des lieux d'échanges entre les acteurs, et cela ne sera possible que parce que nous sommes neutres et respectueux de nos engagements.
 
JA. Les sites Internet subissent aussi la crise, quels sont ceux qui vont souffrir le plus ?
EB. Le critère principal aujourd'hui, c'est la taille. Si l'on n'a pas la taille suffisante, on n'est pas en mesure d'être représentatif du marché, donc on ne fait pas venir suffisamment d'internautes sur son site et on ne peut pas investir non plus. L'investissement est toujours plus lourd dès lors que l'on augmente les connexions et que les serveurs doivent être encore plus importants. Il faut aussi investir davantage en publicité parce que les tarifs des mots clés s'envolent. C'est un métier d'enchères, rappelons-le. Nous ne sommes plus à l'époque des débuts d'Internet dans les années 2000 qui amenaient de nouveaux modèles économiques. Nous sommes désormais sur des modèles économiques purs et durs. Un euro investi doit rapporter 15 % à 20 % de rentabilité à l'investisseur. Si l'on n'a pas la capacité aujourd'hui de poursuivre sa politique, le problème se posera. La crise va peut-être accélérer la restructuration des sites sur Internet.

Photo : Eric Bataille, directeur général Autoscout24

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