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Distribution

Le réseau Toyota à un tournant de son histoire

Publié le 5 juin 2015

Par Tanguy Merrien
13 min de lecture
Conscients de l’avancée technologique de la marque dans certains domaines, notamment celui de l’hybride, et ravis des nouveautés produits, les distributeurs se disent prêts à relever de nouveaux défis commerciaux. Si certains côtés, déplaisants, sont aussi corrigés…

Est-il besoin de rappeler que Toyota est plus que jamais un constructeur automobile global ? Numéro 1 dans le monde depuis 2012, le constructeur nippon a confirmé son statut l’an passé en écoulant aux quatre coins de la planète 10,23 millions de véhicules avec l’ensemble de ses marques (Toyota, Lexus, Daihatsu et Hino pour le poids lourd). S’il est désormais talonné par le groupe Volkswagen, le Japonais doit poursuivre ses efforts, et ce à plusieurs niveaux, pour rester au sommet de la hiérarchie planétaire. Et pour y arriver, l’Europe reste un marché incontournable.

Lors du dernier salon de Genève (JA n° 1221), Didier Leroy, le tout nouveau vice-président exécutif du constructeur, ne s’était d’ailleurs pas trompé en désignant le Vieux Continent comme un marché clé de la croissance mondiale du groupe. Avec 888 000 voitures vendues sur l’ensemble du continent, un marché couvrant 56 pays, en progression de 4,8 % par rapport à 2013, Toyota a de nouveau amélioré sa part de marché, laquelle s’établit à 4,8 %. En l’espace de quatre ans, les volumes de la marque ont ainsi progressé de 10 % pour une part de marché qui, de son côté, est passée dans le même temps de 4,2 % à 4,8 %. “Une performance, quand on sait que ces quatre dernières années, le marché européen a perdu un million de véhicules neufs, passant de 19,1 millions d’unités à 18,1 millions d’unités”, avait commenté Didier Leroy. Les trois régions européennes recensées par le Japonais sont ainsi en croissance en 2014 : + 4,2 % des ventes pour l’Europe occidentale, + 20 % pour l’Europe centrale et + 3 % pour l’Europe de l’Est. Deux raisons expliquent ces succès européens.

Gamme renouvelée et hybride déployé

La gamme de Toyota a rarement été aussi jeune. En effet, la marque peut aujourd’hui compter sur les nouvelles Auris, Yaris, Aygo, Avensis ou RAV4, toutes renouvelées ou reliftées, en attendant le RAV4 Hybride. L’hybride, justement, qui est devenu aujourd’hui l’autre fer de lance de la marque. En Europe, les ventes de la marque ont poursuivi leur progression de 13 % par rapport à 2013 et ont atteint 178 000 unités (20 % des ventes totales du Japonais). Et ce n’est pas fini : le constructeur espère atteindre la barre des 200 000 unités dès cette année. En France, troisième marché européen pour Toyota (avec en outre l’usine de Valenciennes ou le centre de Design à Sophia Antipolis), ces succès ne se démentent pas. Si la marque a reculé de 6,86 % sur l’ensemble de l’exercice 2014, à 66 774 unités, pour une pénétration hexagonale de 3,72 %, les nouveautés ont permis à Toyota de repartir de plus belle en 2015 : “Fin avril, nous enregistrons une progression à + 7,3 % (24 532 unités), soit des résultats au-dessus du marché (+ 5,6 %). Cela dit, si ce marché semble porteur, il progresse avant tout sur les canaux des entreprises quand Toyota, de son côté, améliore ses résultats sur le canal des particuliers, c’est la raison pour laquelle nous sommes satisfaits de nos performances depuis le début de l’année”, explique David Schotkosky, directeur des ventes et du réseau Toyota, lequel espère “atteindre l’objectif fixé de 4 % de pénétration en fin de cette année”. Des résultats, selon le dirigeant, dus essentiellement aux nouveautés de la marque et à la part dans la gamme des hybrides, dont les ventes pèsent aujourd’hui 35 à 40 % du total en France. De quoi faire plaisir au réseau de distribution dont certains membres se félicitent de la dynamique actuelle : “Nos prises de commandes depuis le début de l’année sont très bonnes et nous sentons un souffle porteur sur les produits de la gamme, aussi bien thermiques qu’hybrides”, confie un gros opérateur du réseau. “L’année 2014 ne fut pas excellente, mais nous avons pu malgré tout limiter les dégâts, aussi bien en volume qu’en rentabilité. Avec les nouveautés qui viennent renforcer notre gamme, qui a rarement été aussi complète, nous pouvons envisager l’année 2015 de manière très sereine”, espère pour sa part un autre opérateur de la région parisienne.

Poursuivre dans ce sens

En outre, ils sont nombreux à louer la stratégie du constructeur sur l’hybride, motorisation qui se déploie sur de nombreux modèles de la gamme. “C’est devenu une seconde nature pour nous que de proposer une gamme hybride à part entière et d’élargir nos possibilités vis-à-vis des clients. Certains d’entre nous arrivent même à atteindre un mix de ventes de près de 80 % dans certaines agglomérations. Encore inimaginable il y a peu”, s’enthousiasme un concessionnaire de la marque. “Toyota est largement leader dans ce domaine et doit le rester car, au train où vont les choses, l’hybride prendra encore plus d’importance dans nos showrooms et dans les habitudes des consommateurs”, suggère un autre opérateur. Comme l’explique David Schotkosky dans l’entretien page 30, l’expérience hybride ne fait que débuter et la marque va accentuer dans les concessions les standards et concepts destinés à démocratiser les moteurs propres. Tout comme la stratégie Customer One, laquelle doit “rameuter” dans le réseau tous les propriétaires d’une Toyota et faire ou refaire découvrir l’univers de la marque, et accélérer l’expérience client. Enfin, dans ce tableau quasiment “idyllique”, les opérateurs soulignent de concert la communication accrue de la marque et l’énergie déployée par le constructeur pour “mettre en avant ses produits, surtout ceux qui sont produits en France. Un argument de vente important pour nous”, répètent-ils. Mais dans ce concert de louanges, tout n’est pas aussi parfait.

Des critiques aussi

Si les distributeurs louent la stratégie hybride, bon nombre regrettent aussi que ces véhicules, “très fiables et nécessitant très peu d’entretien, ne se voient que trop peu en ateliers. Or, notre activité A-V est mise à mal depuis quelque temps avec un taux de couverture des frais fixes moyen assez faible (65 % en 2014, N.D.L.R.)”. Pour d’autres, “les marges VN ont tendance à être revues à la baisse, d’autant plus si on respecte à la lettre les opérations commerciales du constructeur. Sur une Yaris essence de base, on ne récupère que 100 euros par VN vendu”. En outre, certains ne manquent pas de souligner le côté “trop global du constructeur”, comme s’autorise à le faire ce distributeur pourtant très lié à la marque depuis de nombreuses années : “Je n’ai rien à reprocher à Toyota, mais disons que ce côté lisse, sans défaut, très technologique, met en exergue aussi un côté fade qui ne soulève pas forcément les foules, et c’est aussi le revers de la médaille.” “Tant que ces produits plaisent, les 4 % de pénétration seront atteignables, mais attention à la moindre baisse de volumes…”, prévient un autre.

Enfin, d’aucuns, plus perplexes, s’interrogent sur les récents mouvements au sein du réseau, lesquels auraient fait, selon eux, la part belle aux grands opérateurs, concentrant trop de sites de la marque au détriment des distributeurs indépendants. “Certains groupes se sont considérablement renforcés, accélérant la concentration du réseau sans que les petits aient leur chance”, s’inquiète un opérateur, qui se demande si le constructeur ne prépare pas “le réseau Toyota à la distribution automobile dans dix ans, comme je l’ai entendu dire…”. Si les reprises se sont multipliées ces derniers mois, le réseau de la marque japonaise n’est pas forcément le plus concentré de l’Hexagone (267 sites pour 118 investisseurs, soit 2,9 sites par investisseurs en 2014). En guise de conclusion, un distributeur tente d’apaiser les tensions : “Il existe encore beaucoup d’indépendants, voire plus que dans d’autres marques. Et si concentration il doit y avoir, elle semble aussi logique au regard de l’évolution du marché et du secteur. Le principal, quelle que soit la marque, reste de trouver un équilibre entre volumes et infrastructures”.

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ZOOM

Activité VN
• CA VN moyen : 7,79 M€
• Contrat minimum : 101 VN
• Contrat maximum : 1 661 VN
• Valeur moyenne du stock VN : 77 jours

Activité VO
• CA VO moyen : 3,9 M€
• Volume VO moyen : 489
• Rotation moyenne du stock : 83 jours
• Part du réseau labellisé : 99 %

Activité APV
• Rotation moyenne du stock PR : 38 jours
• Taux de couverture des FF : 65 %

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ZOOM - Le réseau allemand résilié

Toyota a résilié son réseau de distribution allemand avec un préavis d’un an, soit au 31 mai 2016. Composé de deux niveaux, avec 223 gros faiseurs et 309 autres partenaires plus petits, le constructeur japonais a décidé de ne s’appuyer à l’avenir que sur un seul contrat, afin d’améliorer son niveau de qualité de service et d’augmenter la rentabilité de chaque point en réduisant sa capillarité. Tous les partenaires conservent par ailleurs leur statut de RA.

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QUESTIONS À… David Schotkosky, directeur des ventes et du réseau Toyota.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Depuis janvier, la marque semble connaître un début d’année satisfaisant ?
DAVID SCHOTKOSKY.
A fin avril, cela se poursuit puisque nous enregistrons une nouvelle progression de 7,3 % (24 532 unités), soit des résultats au-dessus du marché (+ 5,6 %). Ceci dit, si ce marché semble porteur, il progresse avant tout sur les canaux des entreprises quand Toyota, de son côté, améliore ses résultats sur le canal des particuliers, c’est la raison pour laquelle nous sommes satisfaits de nos performances depuis le début de l’année.

JA. Quels sont les points de satisfaction et, a contrario, les points négatifs ?
DS.
Il existe trois raisons d’être satisfait. La première concerne les performances en motorisations hybrides avec un mix de ventes qui reste stable par rapport à la fin de l’année dernière (entre 35 et 40 %), et ce malgré la baisse du bonus destiné à ces motorisations, ce qui prouve que, au-delà de l’avantage fiscal, l’hybride plaît aussi aux clients pour bien d’autres raisons : économies de carburant, faibles émissions de CO2, plaisir de conduire, peu de contraintes d’autonomie. Je retiendrai aussi les ventes de Yaris, toutes motorisations confondues, qui représentent aujourd’hui 40 % des ventes de la gamme. C’est un avantage pour nous de posséder dans notre offre un véhicule tel que la Yaris, produite en France rappelons-le, qui reste le seul sur le segment B à posséder une motorisation hybride. Enfin, nous poursuivons notre progression sur les ventes à sociétés, à + 0,2 % (y compris administrations et LLD), une croissance lente et solide qui se fait avec le réseau de concessionnaires sur un tissu de PME au niveau local. On voit à ce titre que les investissements réalisés par le réseau sur ce canal paient aujourd’hui. Quant aux améliorations, je pense que nous devons progresser dans le secteur touchant à l’expérience client afin de développer les liens qui existent entre le client et l’univers Toyota.

JA. Dans ce contexte, quels sont les objectifs commerciaux pour l’exercice 2015 ?
DS.
Notre objectif principal est toujours de progresser en volumes par rapport à 2014 (66 774 unités immatriculées, N.D.L.R.) et de rester très proches des 4 % de part de marché VP. Nous avons une actualité produits riche avec la nouvelle Auris (juin) et la nouvelle Avensis (septembre), puis le RAV4 Hybride (en 2016) qui devrait nous permettre d’atteindre cette pénétration à la fin de l’année.

JA. La place de première marque asiatique sur le marché français est-elle pour vous une obsession ?
DS.
Notre préoccupation ne concerne pas le classement, mais plutôt le lien entre le volume, la rentabilité du réseau, le mix de ventes… Notre souci reste de réaliser des ventes rentables, aussi bien auprès des particuliers que des professionnels, et de créer une chaîne de valeur faisant vivre aussi bien le constructeur que son réseau. Nous préférons nous attacher à ces valeurs plutôt que d’alimenter certains artifices faisant augmenter les volumes et la hiérarchie.

JA. La rentabilité moyenne du réseau fut de 0,79 % en 2014 contre 1 % un an plus tôt. Ce recul est-il dû essentiellement à la chute des ventes VN ou d’autres secteurs d’activité ont-ils aussi grevé cette rentabilité ?
DS.
Entre 2013 et 2014, les volumes livrés par le réseau sont restés stables. En revanche, les marges sur la partie VN furent plus serrées. Ceci est lié à la baisse du bonus écologique qui a affecté la rentabilité des ventes hybrides. En outre, l’an passé, nous avons connu une baisse de la rentabilité après-vente, surtout sur la partie PR principalement liée à une concurrence, et il a fallu pour cela remettre le focus sur les ventes à l’extérieur. Quant au VO, il est resté stable en termes de marges comme en volumes. Le réseau reste sain même si environ 25 % des concessionnaires ne sont pas encore rentables.

JA. Sur quelles activités (VN, VO, APV…) comptez-vous mettre l’accent cette année avec le réseau ?
DS.
Nous avons lancé en décembre dernier, en collaboration avec le réseau, la stratégie Customer One, laquelle consiste à faire revenir en concession les possesseurs de Toyota qui ne sont plus forcément en contact avec la marque. Notre but est de les capter et de les reconnecter avec le réseau afin de pouvoir retravailler leur mobilité. Pour ce faire, nous avons développé toute une série d’activités transverses à tous les secteurs d’une concession. C’est une façon aussi de les fidéliser sur le long terme. Par ailleurs, nous sommes passés de la satisfaction client à la recommandation client : un nouveau repère qui permet de nous faire progresser et de valider tous les plans d’actions mis en place dans le réseau.

JA. La part des motorisations hybrides prend de plus en plus d’importance. Comment cela se traduit-il dans le réseau et dans l’adaptation des distributeurs par rapport à cette évolution ? Ceux-ci doivent-ils d’ailleurs pousser leurs ventes sur ces motorisations ?
DS.
La poussée se fait naturellement. Si on remonte quelques années en arrière, les disparités de ventes sur le mix étaient beaucoup plus importantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. Ce mix est de 40 % actuellement et progressera encore dans les années à venir au regard des nouveautés prévues. Toutefois, nous vendons toujours une majorité de véhicules en motorisation thermique et, si nous voulons maintenir nos parts de marché, nous nous devons d’être présents aussi sur ce type de motorisations. Notre souhait est d’adapter nos produits à la façon de rouler du client et que celui-ci soit satisfait. En outre, nous demandons à notre réseau d’être le relais du leadership de Toyota dans l’hybride. Pour y arriver, nous avons développé quelques programmes (expérience hybride, spécialistes en concession, centres experts hybrides…).

JA. Le réseau Toyota n’a pas changé d’image, voire de standards, depuis quelque temps. Existe-t-il un projet dans ce sens ?
DS.
C’est en cours. Nous avons commencé en janvier un déploiement pour la nouvelle identité intérieure des concessions. Cela consiste plus en une rénovation et un changement de mobilier. Ce déploiement devrait arriver à terme fin 2016. Avec cette nouvelle identité intérieure, nous en profitons pour digitaliser les showrooms et accélérer l’interactivité entre les clients et la marque, ce qui va dans le sens de notre expérience client.
 

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