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Distribution

Le réseau Saab circonspect

Publié le 7 juin 2011

Par David Paques
5 min de lecture
Les distributeurs français de la marque suédoise observent avec méfiance les atermoiements autour de l’avenir capitalistique de leur constructeur. Alors que leur business est à l’arrêt, ils veulent croire au succès de l’alliance avec Pang Da, le distributeur chinois qui devrait finalement intégrer le capital de Saab.
Avec 574 immatriculations VN l’an dernier et un regain de vigueur en fin d’année, le réseau français de Saab pensait les difficultés de la marque derrière lui. Les distributeurs espèrent aujourd’hui un deuxième sauvetage de la marque un an à peine après le premier.

Alors qu’à Trollhättan, la production reprenait, le 27 mai dernier, grâce à l’avance de paiement de 30 millions d’euros sur la commande de véhicules par le distributeur chinois Pang Da, les opérateurs français oscillent encore entre fatalité et optimisme. “En 2009, c’était le chaos. En 2010, nous nous sommes accrochés tant bien que mal. Et là, tout retombe. La marque est de nouveau à l’arrêt ! Alors, forcément, je me pose des questions”, résumait l’un d’entre eux. Lui, comme bien d’autres, parmi les 40 investisseurs du réseau, est dans l’expectative. Tous regrettent d’autant plus cette situation que “depuis novembre, la marque se redressait tout doucement. Il y avait même un certain enthousiasme autour de la nouvelle 9.5”, nous dit un autre opérateur, à la veille de la remise en route du site de production suédois, à l’arrêt depuis le 6 avril dernier. L’usine va ainsi pouvoir mettre à la fabrication les 6 500 commandes en attente.

Alors, après la vaine approche du constructeur Hawtai, voir un autre chinois, fût-il distributeur comme eux, s’intéresser à leur marque, ne les rend finalement pas si résignés. “Aujourd’hui, s’il peut apporter de l’argent frais pour payer les fournisseurs et faire redémarrer les usines, il est le bienvenu, d’où qu’il vienne !”, nous confie un opérateur.

Une centaine de commandes bloquées dans les tuyaux ?

En attendant des jours meilleurs, en les espérant même rapidement, les distributeurs tentent surtout de rassurer la clientèle, “toujours passionnée, mais inquiète”. “Les clients sont dubitatifs. Cela nous fait rater des ventes. C’est évident”, nous dit un distributeur. Un manque à gagner qui s’ajoute à la position difficile des concessionnaires par rapport à leurs acheteurs. En France, on estime qu’il y aurait entre 50 et 100 commandes de véhicules “bloquées dans les tuyaux”. “Personnellement, j’ai une vingtaine de commandes en stand-by. Et voilà trois mois que je n’ai pas reçu de véhicule”, nous confie un membre du réseau. “Nous n’avons pas de souci sur l’approvisionnement des pièces de rechange, mais sur le VN, les difficultés sont réelles depuis près deux mois et le moment où nous n’avons plus rien eu en stock”, ajoute un autre. Tous les opérateurs ne sont pas dans ce cas. Certains ont en effet encore quelques véhicules sur leur parc. Mais ils sont peu nombreux. Comme ils sont de toute façon très peu à être distributeurs exclusifs. “Ce qui explique la patience de beaucoup d’entre nous” explique un opérateur.

Ce qui rend en revanche clairement inquiets les partenaires hexagonaux de la marque, c’est le manque d’information concernant la situation du constructeur. “La direction française tente bien de nous tenir au courant, mais on sent bien qu’ils n’en savent pas beaucoup plus que nous et se contentent de nous donner des infos “Google”. Ce n’est pas rassurant”, explique un important distributeur de la marque. Mais tous reconnaissent la complexité de la situation et la prudence dont il s’agit de faire preuve.

“Si dans six mois la situation n’a pas changé…”

“L’équipe de Saab France a une telle foi en la marque et en son avenir qu’ils arrivent à me convaincre alors que, sur le fond, le dossier est très inquiétant”, témoigne un opérateur pour expliquer l’état d’esprit du réseau. “Je ne sais plus trop quoi penser, mais j’ai l’impression que ça va s’arranger”, abonde un autre. Personne ne veut ainsi douter des opportunités engendrées par l’éventuelle arrivée de Pang Da au capital du constructeur. “S’il met des Saab dans chacun de ses points de vente, cela peut devenir une vraie locomotive pour la marque. Cela pourrait même engendrer des dizaines de milliers de commandes et rentabiliser, à terme, l’outil industriel”, pronostique un opérateur. “De toute façon, cela ne peut pas durer comme ça très longtemps. Economiquement, ce n’est viable pour personne. Un constructeur ne peut pas survivre avec une production de 50 000 véhicules par an. Encore moins en en vendant 30 000 comme l’an dernier”, confirme un autre distributeur. Ils sont donc nombreux aujourd’hui à scruter de près l’actualité de leur marque et à espérer que l’optimisme qui pointe le bout de son nez ne sera pas tué dans l’œuf. La patience des investisseurs et de leurs clients pourrait ne pas y survivre. Un partenaire fidèle de la marque résume à lui seul les états d’âme du réseau : “Si dans six mois, la situation n’a pas changé, peut-être que notre optimisme et notre engagement ne seront plus aussi francs.”

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ZOOM

L’accord entre Saab et Pang Da

Pang Qinshua, PDG de Pang Da, a d’ores et déjà versé la somme de 30 millions d’euros au constructeur suédois pour la commande de véhicules. Un second versement de 15 millions d’euros devrait suivre dans les jours qui viennent, au titre de commandes complémentaires. L’accord entre le distributeur et le constructeur, qui prévoit la création d’une joint-venture pour la fabrication de véhicules Saab en Chine ainsi que la création d’une marque commune, est quant à lui soumis à l’approbation des autorités chinoises. Par ailleurs, l’accord prévoit que l’investisseur chinois s’adjugera 24 % du capital de Spyker Cars - dont le nom deviendra prochainement Swedish Automobile NV - via l’achat de plus de 15,5 millions d’actions pour un montant de 65 millions d’euros. “L’achat d’actions par Pang Da va assurer le financement à moyen terme de Saab Automobile”, précise-t-on chez Spyker.

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