Le Parking : "En fonction de leur orientation, Leboncoin et L'Argus pourraient devenir des concurrents"
Pour ceux qui ne connaissent pas votre entreprise, pouvez-vous nous présenter Le Parking ?
Fabrice Fournier. Nous sommes connus en tant qu'éditeur du site internet, leparking.fr, qui se veut le plus gros moteur de recherche de VO en Europe et sur les autres continents, hormis l'Asie. Nous présentons 15 millions d'annonces en temps réel grâce à l'agrégation d'environ 450 sites autour du globe, dont une quarantaine, en France. Il y a les sites que tout le monde connait et de plus petits, souvent de niche car nous souhaitons montrer la plus grande exhaustivité des annonces automobiles disponibles, quel que soit le type de produit. Nous classons toutes les informations pour faciliter la recherche la plus pertinente, puis nous basculons directement et gratuitement l'internaute vers le site qui publie l'annonce en question.
Devant la multitude de sites disponibles, quelle est votre propre méthode de filtre ?
FF. Nous listons toutes les plateformes, des plus volumiques à celles qui sont les plus représentatives d'un type de véhicule. A titre d'exemple, nous voyons des acteurs qui émergent sur le segment des véhicules électriques d'occasion. Nous avons la capacité de voir si une annonce est présente sur plusieurs plateformes et en listant les carrefours d'audience, nous suivons la vie de cette annonce, son évolution de prix, de kilométrage… Ce qui nous octroie beaucoup de travail, car certains sites, notamment les plus petits, sont réalisés avec des technologies vieillissantes.
Et sur le plan technique, comment cela se passe-t-il ?
FF. Nous ne les contactons pas, nous opérons comme les moteurs de recherche, à savoir que nous récupérons les principales caractéristiques des véhicules. Sur les 450 sites que nous référençons dans 70 pays, nous n'avons reçu que quelques demandes aux USA concernant notre méthodologie. Elle est somme toute classique sur le web. Nous ne prenons pas toutes les données techniques, ni toutes les photos, ni mêmes toutes les coordonnées pour ne pas voler la valeur substantielle des plateformes qui ont un modèle économique de facturation des professionnels et des particuliers. Nous sommes un annuaire, nous répertorions donc pour les internautes. Notre mission est de concentrer ce qui est public et si un professionnel ou un particulier s'oppose à figurer, alors nous le supprimons.
Quelles sont les réactions des plateformes de petites annonces ?
FF. Certaines d'entre elles comprennent le schéma et nous ouvrent des flux pour optimiser la récupération d'information, d'autres apprécient notre rôle de générateur de trafic et proposent des partenariats pour accroître leur visibilité. Il en existe toutefois certaines qui souhaitent être retirées.
Quel est votre modèle économique ?
FF. Nous ne facturons pas la visibilité. En six ans, nous n'avons jamais exigé d'un infomédiaire qu'il nous paie pour continuer d'apparaître, comme cela s'est vu dans l'univers du voyage. Nous tenons à cette gratuité de référencement. Nous gagnons de l'argent autrement : le modèle économique consiste à mettre en forme des métadonnées pour la valoriser auprès des professionnels, sous forme d'informations contribuant à piloter leur activité VO. Notre exhaustivité de référencement nous permet de livrer des éléments en temps réel à chaque instant. Dans une moindre mesure, nous générons des revenus par la publicité sur notre site. Les professionnels peuvent afficher des bannières ou apparaitre en tête de liste des résultats si tant est que le véhicule correspond aux critères de recherche de l'internaute.
Comment vous assurez-vous de la pertinence de ce que vous relayez ?
FF. Nos algorithmes sont définis pour repérer les incohérences, souvent liées à des erreurs humaines, comme le rapport entre un modèle et son millésime, entre un modèle et un prix. Nous effectuons ensuite un travail de vérification manuel, lorsqu'il y a des conflits. Chaque jour, ce sont ainsi 300 000 annonces de véhicules d'occasion qui sont éliminées. Une tâche qui a un coût évident.
Quelles sont les statistiques de visitorat ?
FF. Nous avons un peu plus de 2 millions de visiteurs uniques mensuels sur le périmètre constitué de la France, de la Belgique et de la Suisse. A ceux-ci s'ajoutent 1,5 million de visiteurs uniques sur la plaque Italie, Allemagne, Espagne, Angleterre, Etats-Unis et Canada. Dans chacun des cas, nous avons lancé une version locale du site Leparking.fr, par exemple Dasparking.de, en Allemagne. Chaque visiteur génère environ 5 clics extérieurs. Le mobile nous a aidé à la démocratisation. Au début nous réalisions 90 % de visites depuis un ordinateur, désormais, nous avons 60 % de surf depuis un mobile, dont 40 % grâce à un smartphone et 20 % via une tablette.
Par ailleurs, combien avez-vous de clients de votre service relatif aux données de marché ?
FF. Nous en comptons environ 1 300 clients, dont 1 000 aux Etats-Unis, 200 en Belgique et une centaine en France, sachant qu'un client représente plusieurs points de vente. Nous leur vendons des API ou des abonnements à un extranet. Nous assumons cette différence de maturité, car nous opérons la France avec nos moyens limités quand nous avons recours à des partenariats à l'étranger.
En tant qu'acteur du secteur, comment avez-vous accueilli l'annonce du rachat de L'Argus par Leboncoin ?
FF. D'un point de vue sectoriel, cette annonce ne me surprend pas. Une structure telle que celle de l'Argus, détenue par une personne privée, pose toujours la question du développement et de la continuité de l'entreprise. Leboncoin rencontre une réussite incroyable et affiche une volonté d'aller vite. Quand le leader incontesté du marché se porte acquéreur, alors les concurrents directs doivent se préparer à réagir. Pour nous, cela ne change rien.
Il y a quand même l'aspect "données de marché"…
FF. Effectivement, en fonction de leur orientation, ils pourraient devenir des concurrents à ceci près que nous ne sommes pas focalisés sur le marché français et donc leur impact sur notre activité ne sera que limité. Nous avons une vision mondiale et prenons en ce moment des contacts sur les autres continents, dont l'Afrique et l'Amérique latine.
La concentration amène-t-elle le mieux ?
FF. Dans notre secteur d'activité, nous avons deux concurrents que sont Mitula et Trovit qui ne sont pas forcément connus en France. A l'image du site Leboncoin, ils couvrent plusieurs domaines générant des annonces, dont l'automobile, l'emploi et l'immobilier. Ces deux acteurs indépendants ont fini par se rapprocher au sein d'une société nommée Lifull Connect. J'ai le sentiment que leurs clients respectifs ne s'y retrouvent pas forcément. Dans le cas l'actualité récente, nous sommes en présence d'une société d'édition qui a plusieurs décennies, ce qui implique des arguments solides, mais aussi des lourdeurs.
Observez-vous d'autres mouvements significatifs ?
FF. Je pense que nous ne prêtons pas suffisamment attention à Heycar, la société de Volkswagen et Daimler, soutenue par la famille Porsche. En deux ans de service, ils ont déjà atteint la barre des 200 000 annonces référencées. Ils ont profité du fait que le véhicule d'occasion devient le relai de croissance pour les grands opérateurs habituels et les constructeurs. S'occuper du VO est devenu glorieux. On ne peut cependant pas lancer un infomédiaire sans valeur ajoutée, Heycar s'est donc positionné sur les produits récents garantis. En France, nous observons l'émergence, comme Zanzicar, Vivacar ou Zoomcar. De nouveaux acteurs vont continuer d'entrer sur le segment par souci de taille critique, d'autres vont devoir fusionner pour ne pas appartenir à la catégorie de ceux qui malheureusement vont disparaitre. Le consommateur influencera le sort.
Justement, qu'est-ce qui peut faire la différence aux yeux de l'internaute en position d'achat ?
FF. Nous défendons la transparence. Nous avons adopté une interface avec le prix initial barré, pour montrer aux consommateurs l'évolution de la tarification d'un VO. Une idée empruntée à d'autres marchés sur le Web pour laquelle nous avons été vivement critiqués, avant d'être copiés par un infomédiaire majeur. Il va falloir aussi apporter des services et de nouvelles solutions de consommation, telle que la LLD VO qui est promis à un bel avenir.
Du fait de votre ADN, pourriez-vous être aussi un agrégateur de ces types de services ?
FF. Nous voulons nouer un certain nombre de partenariats car nous avons l'humilité de reconnaitre que nous ne pouvons pas tout faire. Cela peut avoir attrait à du contenu informatif, à des propositions de financement, à des offres de rachat, à des solutions logistiques… soit nous basculerons les internautes vers leurs sites, soit nous les intégrerons à notre plateforme. C'est ainsi que nous avons ajouté le bouton "importer" pour l'achat des véhicules à l'étranger ou que nous avons signé un accord avec Allianz pour proposer de l'assurance.
En termes de développements quels sont les chantiers ouverts par Le Parking ?
FF. Nous avons un projet de grande envergure. Outre l'application pour mobile qui intégrera les services de manière fluide, Le Parking souhaite mettre en place une interface individuelle pour les utilisateurs du moteur de recherche, ainsi que de nouvelles rubriques dans notre offre data pour identifier les bonnes affaires et mieux appréhender le positionnement prix, via notre IA et le sourcing intelligent. Cela prendra en compte tous les paramètres du marché.
Quel est le but ?
FF. En indiquant votre véhicule et ses caractéristiques, par exemple, nous serons en mesure de vous apporter des conseils, de vous faire une estimation de valeur marché, de vous donner le niveau d'attractivité en fonction des statistiques de requêtes. Ainsi, un propriétaire pourra gérer la vie de son bien et prendre la décision de le revendre au moment le plus opportun pour en tirer le plus grand avantage. On pourrait même ainsi mettre l'internaute en relation avec un professionnel qui recherche un type de modèle qui correspond. Dans une logique comme celle d'Air France et de son système de Miles pour payer un voyage, nous souhaiterions inscrire notre client internaute dans une relation durable, aidé par nos partenaires.
A quelle échéance comptez-vous livrer cette interface ?
FF. Nous prévoyons un lancement en 2020.
Quel impact sur l'organisation de l'entreprise ?
FF. Nous avons des implantations en France, en Belgique, au Maroc, en Roumanie et au Canada. Elles nous facilitent les recrutements de compétences, notamment techniques. Nous cherchons des passionnés d'automobiles capables de sortir des informations depuis la masse de données que nous collectons.
Comment financez-vous une telle entreprise ?
FF. Pour le moment, nous sommes en auto-financement. Une indépendance à laquelle nous tenons et que nous défendrons aussi longtemps que possible. A titre de comparaison, Wikipédia est un modèle pour moi car ils vivent avec seulement 1 % de donateur. Faire entrer un investisseur pourrait avoir une influence sur notre méthode de fonctionnement et notre modèle économique. Pour nous situer, Le Parking a réalisé un chiffre d'affaires d'un million d'euros en 2018 et devrait achever 2019 à 1,5 voire 1,6 million d'euros. Une activité qui génère des bénéfices depuis les premiers temps.
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