Le commerce automobile, toujours dans l'expectative
Le couperet est tombé : la France entre, à partir de demain, vendredi 30 octobre 2020, dans une nouvelle phase de confinement, pour une durée qui pourrait atteindre jusqu’à 8 à 12 semaines. Un confinement toutefois réaménagé par rapport au premier épisode, puisque jusqu’au 1er décembre, a minima, les Français pourront sortir de chez eux, mais uniquement pour travailler, pour prendre un rendez-vous médical, porter assistance à un proche, faire leurs courses essentielles ou prendre l’air à proximité de leur domicile, avec, en toile de fond, le retour de la fameuse attestation.
Autre grande différence de taille, les services publics et un certain nombre d’entreprises pourront rester ouverts. "Les usines, les exploitations agricoles, les activités de bâtiment et de travaux publics continueront. L’économie ne doit ni s’arrêter, ni s’effondrer", a annoncé Emmanuel Macron. Dans le même temps, les commerces qui ont été définis au printemps comme non essentiels seront fermés, a poursuivi le président. A ce stade, faute d’actualisation, il faut donc se pencher sur l’arrêté du 15 mars 2020 pour connaître ces commerces définis comme essentiels. Parmi eux, ceux actifs dans l’entretien et la réparation de véhicules automobiles, les commerces spécialisés dans la vente d'équipements automobiles, les commerces et la réparation de motocycles et cycles, les stations-service, les loueurs ou encore les centres de contrôle technique.
Une première incompatibilité que n’a pas manqué de faire remarquer le CNPA au gouvernement. "Maintenir les usines ouvertes, comme l'a souligné le Président de la République, implique que la production puisse être commercialisée et livrée. Le CNPA considère ainsi que les points de vente du commerce automobile sont nécessairement habilités à ouvrir en garantissant le niveau le plus élevé de sécurité sanitaire dans le respect des protocoles en place. A minima, il est indispensable que les véhicules puissent être livrés pour assurer l'écoulement des stocks", avance l’organisation syndicale.
L’ouverture des showrooms en question
A la suite de ces annonces les distributeurs se trouvent dans l’expectative. Pour certains, laisser les usines tourner implique forcément de garder les showrooms ouverts, afin d’écouler les véhicules produits. "Lors du premier confinement, les fermetures d’usine avaient engendré énormément de coûts avec un recours massif au chômage partiel. Le gouvernement n’a pas voulu répéter ce scénario en maintenant les usines ouvertes. Toutefois, continuer la production suppose que nous, distributeurs, soyons en mesure de livrer derrière", souligne Robert-Claude Soria, pour qui l’espoir d’un impact moindre de ce nouveau confinement dans l’activité provient de cette décision clé. "Il n’y aura pas beaucoup de commandes de particuliers, mais peut-être davantage du côté des entreprises, puisque les renouvellements de parcs se décident en fin d’année. Si nous pouvons prendre des commandes en BtoB, cela nous aiderait à passer cette période", explique-t-il.
Tout l’intérêt de l’ouverture des showrooms a en tout cas été validé hier, à l’occasion d’un sondage de ParuVendu réalisé pour le Journal de l’Automobile. Ainsi, sur les 1 872 répondants, la perspective d'un retour au confinement a un impact concret sur leur projet d'achat automobile. Pour 33,5 % d'entre eux, ce scénario entraîne une accélération de la prise de décision, alors que 46,8 % des internautes ont déclaré reporter leur projet, tout en restant en recherche de leur future acquisition.
"Octobre est traditionnellement un mois important et beaucoup de nos carnets de commande sont pleins. Il est vital pour nous de pouvoir assurer les livraisons et honorer les rendez-vous à l’atelier. De même, il nous faut garder un minimum de réception, au moins téléphonique, pour rassurer les clients et les renseigner. Utiliser le levier du chômage partiel sera inévitable mais nous ne savons pas encore concrètement de quelle manière", assure Christophe Maurel, président de la branche des concessionnaires VP au CNPA.
"Pas question d’ouvrir les showrooms"
De fait, tous les distributeurs n’abordent pas de la même façon ce second confinement. "Honnêtement, ce qui arrive est dramatique. La situation est peut-être moins anxiogène qu’au premier confinement puisque nous savons ce qui nous attend, mais ce nouveau confinement est pour moi encore plus catastrophique que le premier. En mars, nous avions fermé alors que l'économie qui se portait bien, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui", souligne Jean-Charles Verbaere, dirigeant du groupe éponyme, qui ne compte pas non plus sur un nouveau plan de relance comme en mai dernier.
"Même si nous rouvrons au 1er décembre, l’année est pliée. C’est triste, nous étions en train de nous débattre pour sauver cette année et étions bien partis, avec des concessions et un groupe revenus dans le vert", regrette même le distributeur. Ce dernier n’entrevoit même pas dans la décision de laisser les usines ouvertes un salut pour le commerce automobile. "Et même si les commerces sont laissés ouverts, venir en concession ne sera de toute façon pas une raison valable de déplacement, observe-t-il. Il est n’est pas question d’ouvrir les showrooms, d’assurer 100 % des charges salariales, sans activer le chômage partiel, tout ça pour ne pas pouvoir accueillir des clients."
L’attente de la position des distributeurs
Pour les distributeurs, la clé réside donc bien dans la limpidité des informations données par le gouvernement. "Nous attendons plus de clarté sur ce que les Français ont le droit de faire ou non", appuie Robert-Claude Soria. On se souvient par exemple, lors du premier confinement, de clients verbalisés en apportant leur véhicule en atelier, alors que ces derniers avaient pourtant été classés en tant que commerces essentiels…
Outre cette incertitude, les distributeurs redoutent la pression qui pourrait provenir de leurs partenaires. "Les constructeurs ont eux aussi leur plan cash, vont devoir facturer des véhicules et donc pousser à la livraison", analyse Robert-Claude Soria. Peu de nouvelles pour l’instant de ces marques, qui restent, pour certaines, elles-mêmes tributaires de leur maison-mère. Les enjeux sont pourtant grands pour les distributeurs qui attendent, principalement, l’arrêt des facturations. L’enjeu des objectifs, lui, paraît presque anecdotique au regard de la situation. "Bien sûr, les objectifs ne seront pas atteints. Nous allons être rémunérés sur ce que nous allons livrer, sachant que les portefeuilles de commandes se sont écroulés, que la chute sera une nouvelle fois de l’ordre de 70 à 80 %. Cette rémunération sur le nombre de châssis ne nous permettra de toute façon absolument pas de dégager de la rentabilité", regrette Jean-Charles Verbaere.
Des distributeurs mieux préparés
Une chose est en tout cas certaine, et positive. Contrairement au premier confinement, le saut vers l’inconnu n’est pas total. Les process appliqués pour la livraison et l’après-vente seront réactivés lors de cette nouvelle phase qui pourrait durer jusqu’en 2021. Au sein du groupe Amplitude, un fonctionnement similaire à celui de mars sera mis en place avec des livraisons possibles et des services après-vente disponibles. "Le commerce sera très restreint, voire inexistant, nous n’aurons pas grand monde dans les showrooms. Nous allons de toute façon mettre en place une permanence pour traiter les leads", explique Jérémy Auribot, directeur marketing, digital et CRM du groupe. Le commerce sera maintenu à distance, dans quelques concessions choisies. "Nous sommes beaucoup mieux préparés, nous savons quelles sont les choses à mettre en place, notamment au niveau de communication que nous allons faire auprès de nos clients. Nous nous sommes toujours adaptés et continuerons à le faire", résume-t-il.
Si une des premières difficultés à surmonter, lors du premier confinement, avait été d’apprendre aux équipes d’être polyvalentes et souples, la chose semble aujourd’hui acquise. "Cette souplesse va nous permettre d’amortir le choc, limiter les coûts et être proche des clients. Nous allons faire mieux que la première fois, se veut, optimiste, Robert-Claude Soria. Les distributeurs retrouvent également tout l’intérêt des outils et process développés pendant la première période de confinement. "Nos usines de reconditionnement vont continuer de tourner puisque nous avons une charge de travail sur un mois et demi, poursuit le dirigeant. Des VO reconditionnés, qui vont pouvoir gagner les vitrines virtuelles du groupe, manouvellevoiture.com et sa déclinaison en application, en plein essor depuis le début de l’année. "Nous sommes très contents d’avoir investi dans ces outils qui n’ont fait que gagner en popularité depuis la fin du confinement."
Alice Thuot et Catherine Leroy