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Distribution

La nouvelle course aux volumes des labels VO

Publié le 2 juillet 2025

Par Gredy Raffin
12 min de lecture
C’est bien connu, quand le VN va mal, on s’en remet au parc des occasions pour maintenir les concessions à flot. La pression monte sur les labels VO. Dans une volonté de séduire les clients, les initiatives se multiplient. Mais elles ne doivent pas masquer des problèmes conjoncturels obsédants.
labels VO
Les concessionnaires gardent un réel attachement aux labels VO des constructeurs pour ce qu’ils apportent en termes de réassurance. ©Cobredia

Sur les quatre premiers mois de 2025, le marché français de la voiture d’occasion a progressé de 2,4 %, avec près de 1,842 mil­lion de transactions, selon AAA DATA. Les professionnels ont réalisé plus de 648 000 ventes, en légère hausse (+1,5 %), représentant 35,2 % du total.

 

À l’échelle de douze mois glissants, 5,4 millions de VO ont été achetés par des particuliers (+2,5 %), dont près de 1,94 million via un profession­nel (+5,2 %), signe d’une confiance croissante envers les réseaux sous en­seigne. Un sondage récent conduit par Les Échos Études indique d’ailleurs que 56 % des acheteurs privilégient les concessionnaires et autres reven­deurs indépendants comme première source d’information.

 

Cette dynamique est soutenue par l’appétit des clients pour les VO ré­cents. Une situation favorable aux distributeurs qui, depuis janvier, re­vendiquent les deux tiers des ventes de VO de moins de 2 ans, soit plus de 125 000 unités.

 

À l’inverse, sur le long terme, comme le rappelle le ca­binet C‑Ways, seuls les exemplaires de plus de 15 ans progressent structu­rellement. Et là, le bât blesse pour les exploitants de labels VO de marque. Le gros de leur activité se concentre sur les VO de moins de 7 ans, dont les volumes ont glissé de 2,7 millions en 2021 à 2,25 millions en 2024.

 

Dans les diverses études, les acheteurs de VO placent les concessionnaires en tête des sources de confiance. ©Audi

 

Le négatif de la photographie

 

Dans ce contexte, les résultats 2024 sous label sont restés contrastés. Cer­tains ont atteint des volumes records, mais nombreux sont ceux qui ont subi de lourdes pertes en tentant d’ajuster une offre pléthorique à une demande insuffisante. D’ailleurs, les interlocu­teurs ont souvent préféré garder le si­lence sur la réalité.

 

Selon nos informations recueillies auprès d’un concessionnaire, Spoti­car aurait approché les 320 000 uni­tés, essentiellement composées de Peugeot, Citroën, Opel et Fiat. Avec Renew, les distributeurs Renault et Dacia ont écoulé environ 222 000 voi­tures d’occasion, soit une progression de 2 %, dans un marché en croissance de 3 %. La direction nationale visait 240 000 ventes en 2025. "Nous pen­sons que le marché va croître encore une fois. Il profitera de l’appétence pour les voitures de moins de 2 ans et de l’impact des normes CAFE", soutenait Pierre Joannes‑Grotz, directeur du département VO de Renault France, en février dernier.

 

Dans le même temps, les concession­naires du groupe Volkswagen ont ven­du 149 885 Volkswagen, Audi, Skoda, Seat, Cupra et Volkswagen Utilitaires d’occasion (à particulier et à société). À périmètre constant, cela représente une progression de 10,5 %, contre 4,7 % pour l’ensemble du marché français. Ils y ont ajouté quelque 23 000 reventes de véhicules hors marques du groupe.

 

Quant au réseau Toyota, il a battu ses propres records. Sous les labels Toyo­ta Occasions et Lexus Préférence, les vendeurs ont livré 75 224 véhicules (dont 85 % des marques du groupe), soit une progression de 11 % par rap­port à 2023, année jusque‑là de réfé­rence pour la filiale.

 

Les constructeurs et les concession­naires affiliés à des labels font face à de nombreux défis que la photographie du marché tricolore ne manque pas de révéler. Un enjeu volumétrique tout d’abord.

 

Comme les ventes de voitures neuves sont en déperdition, il est re­commandé aux concessionnaires de mettre l’emphase sur les voitures d’oc­casion pour compenser les pertes. "De­puis son arrivée aux commandes du VO [de Stellantis], David Guerin impulse une dynamique de vente. Il souhaite que nous allions plus haut car le commerce VN ne peut plus nous faire vivre en ce moment", confie un concessionnaire du réseau Spoticar.

 

Plusieurs de ses homologues du réseau Renault, à com­mencer par François‑Xavier Thivolle et Laurent Fabre, présidents respectifs des groupes de distribution Thivolle et Fabre, affirmaient, dans nos colonnes, œuvrer dorénavant pour afficher un ratio d’un VO pour un VN, voire plus.

 

Les constructeurs veulent que les fiches signalétiques des VE d’occasion indiquent l’état de santé de la batterie. ©Le Journal de l'Automobile

 

Rapprocher le VO du VN

 

Pour y parvenir, les constructeurs ré­visent leur approche. Ancien cadre du groupe Gueudet récemment passé dans le camp des consultants, Anthony Touffet a pu observer cette mutation dans les derniers mois de sa mission pour le distributeur.

 

"Il y a un mouve­ment de fond des marques pour élever le VO au rang des VN en termes de qualité de traitement des clients. Cela ouvre une nouvelle ère, faite de professionnalisation et de transparence", partage‑t‑il.

 

Le chantier engagé par Toyota illustre à merveille ce propos. En 2025, la direc­tion nationale de la marque japonaise va lancer le déploiement de la Maison Toyota Occasions, une nouvelle norme architecturale et organisationnelle de l’espace dédié.

 

Disposition des véhi­cules, aménagements intérieurs, zones de livraison, présentation marketing : tout sera calqué sur les standards VN, jusqu’à troubler la perception client - de manière assumée.

 

En coulisses, Salesforce a été adapté. Son interface de gestion client intègre désormais un module VO. Les commerciaux peuvent suivre le parcours client dans la durée et activer des services, comme la garantie, à partir de la livraison.

 

Cette structuration a bien été reçue dans d’autres enseignes. Avec Nissan Intelligent Choice, la marque japonaise (41 000 ventes de VO l’an dernier, dont 8 % de véhicules électriques) a embar­qué son réseau dans une transforma­tion durant l’ère postCovid. Chez Stel­lantis, la marque Spoticar tient ses promesses.

 

En quatre ans et de lourds investissements marketing, à en croire les piges de Kantar Media, le concept a supplanté les panneaux Occasions de Peugeot, Citroën, Opel et Fiat de l’époque pour devenir "le média le plus consulté et générateur de leads qualitatifs", comme le rapporte un des membres de la commission Spoticar, satisfait de voir les distribu­teurs s’affranchir de l’emprise des info­médiaires généralistes.

 

Une structuration bien accueillie mais qui s’accompagne cependant d’un sen­timent de méfiance. "Comment ne pas y déceler une méthode de verrouillage, interpelle un directeur de plaque de distribution. Les constructeurs gagnent moins avec les VN et donnent l’impres­sion de vouloir mettre la main sur la seule zone de libre expression des conces­sionnaires." Dans la prise en charge des buy backs par les constructeurs, il y voit alors la menace de subir une marge supplémentaire. Un faux coup de pouce en somme.

 

Sous l’effet du leasing, les labels VO devront s’adapter aux enjeux de multicycle VO. ©Skoda

 

Imposer le leasing

 

Les buy backs, ce fléau qui inquiète le monde de la distribution dans son entièreté, mais sur lequel personne ne met de chiffre pour évaluer l’ampleur de la problématique à venir. La pre­mière vague frappe cette année. Ce que confirme le tableau des rentrées prévisionnelles accroché au mur du directeur VO d’un groupe de distri­bution dont les ventes sont nettement teintées de Renault.

 

Mais la tempête est attendue pour 2026 et 2027. Elle fera déferler des voitures d’occasion, majoritairement électriques, à la va­leur résiduelle trop élevée par rapport à la réalité commerciale. Un décalage avec lequel les concessionnaires vont devoir composer.

 

Les industriels sont attendus au tournant. "Des groupes de travail se sont constitués et nous cher­chons des solutions avec le construc­teur", relate ce distributeur Stellantis. Des groupes majeurs affronteraient, selon nos informations, de fortes tur­bulences. Certains parlent de dizaines de millions d’euros de pertes.

 

De l’avis des constructeurs, la solution se trouve dans la location. Et comme la souscription du financement se fait de plus en plus dans les showrooms direc­tement (57 %, soit +5 points en un an), les distributeurs ont une carte à jouer.

 

Jusqu’à présent, le taux de pénétration du leasing relève de l’anecdote, malgré une croissance continue depuis 2021, d’après la récente étude dévoilée par CGI Finance. Les taux de pénétration de LOA/LLD seraient de 16 % chez les acheteurs de voitures d’occasion de moins de 2 ans, de 9 % chez les clients de VO de 2‑5 ans et en dessous de 0,5 % pour les VO de 5‑10 ans.

 

La filiale de la Société Générale a étudié la situation au travers du prisme des énergies en limitant le périmètre aux VO de moins de 7 ans. Là, il apparaît que le leasing séduit 32 % des ache­teurs de VE, 15 % des acheteurs de HEV, 13 % des clients de PHEV, 8 % de ceux qui se tournent vers l’essence et 4 % des acquéreurs de modèles diesel.

 

Les cadres doivent au préalable convaincre et former les commerciaux à proposer des formules locatives. Ce qui n’est pas une mince affaire comme le déplore Anthony Touffet. "Les ven­deurs fuient le leasing qu’ils jugent glo­balement contraignant", résume‑t‑il ses observations sur le terrain.

 

Plus de multimarquisme

 

Les années s’écoulent et personne dans les points de vente ne remet en ques­tion l’intérêt majeur des labels déployés par les constructeurs. "Depuis des dé­cennies que je fais ce métier, j’ai compris que les plus malins tirent toujours profit des systèmes mis en place", salue un distributeur familier de Peugeot.

 

D’autres voient une limite. Dans cette nouvelle ère, le multimarquisme doit gagner en poids dans leurs conces­sions. "En 2024, j’avais 85 % de Re­nault, 10 % de Dacia et 5 % d’autres marques sur mon parc. Le hors marque se vend moins cher, mais il est une force pour capter de nouveaux clients", jure cet autre concessionnaire. Faut‑il miser sur des labels de groupe pour s’appro­prier pleinement le VO ?

 

 

Plus d’un se pose la question. "La mauvaise gestion de cette activité est à l’origine de 90 % des dépôts de bilan de concession, éva­lue Gilles Aubry, dirigeant-fondateur de Nova MS. Tout doit être fait avec le constructeur ou de manière autonome pour générer une profitabilité suffisante pour absorber les frais de structure de plus en plus élevés." Son cabinet se penche sur cette question et des an­nonces tomberont dans les mois à ve­nir au profit des concessionnaires.

 

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Hyundai et le pari de la vente en ligne

 

Hyundai France a dévoilé un concept novateur à Rivesaltes, près de Perpignan (66). Dans un local discret, dépourvu de fenêtres, se réin­vente la commercialisation des voitures d’occasion labellisées Hyundai Promise.

 

Accessible uniquement par visioconfé­rence, ce point de vente pionnier répond aux demandes en ligne des clients. L’initiative, fruit d’une collabo­ration étroite entre plusieurs dépar­tements de Hyundai France et d’un partenariat stratégique avec MeetDeal, aspire à renforcer la présence numé­rique de la marque, tout en complétant le réseau national de concessionnaires, impliqué dans le mécanisme. À travers une plateforme interactive développée par MeetDeal, les prospects consultent personnellement des conseillers pour découvrir des véhicules témoins. Des démarches telles que la réservation, le financement et la signature électro­nique se font entièrement en ligne.

 

Les véhicules d’occasion, issus du stock de Hyundai France et préparés par BCAuto Enchères, sont ensuite livrés par Pop Valet, spécialiste de la logistique à domicile. Dans certains cas, le finan­cement impose au client de se rendre en concession pour finaliser la transaction et prendre possession de la voiture. Ce projet, bien qu’encore expérimental, ouvre la voie à de nouvelles possibilités, notamment dans la vente en ligne de voitures neuves à l’avenir.

 

MG temporise

 

À la rentrée prochaine, MG Motor France devrait livrer sa 100 000e voiture neuve depuis son retour aux affaires. Un parc roulant et une fin de premier cycle de leasing qui interrogent sur la création d’un label VO chez les concessionnaires. Rien de tel n’est au programme de l’année 2025, d’après Sébastien Manczak, directeur des ventes BtoB et VO. "Nous y avons beaucoup réfléchi, admet‑il, pour par­venir à la conclusion qu’un label sert à garantir, or notre couverture d’ori­gine suffit encore largement."

 

À la première immatriculation, MG Mo­tor s’engage sur sept ans ou 150 000 km. "Nous préférons orienter ce budget marketing vers d’autres priorités", tranche le directeur. Comme le soutien aux points de vente, cite‑t‑il comme premier exemple. Les distributeurs le réclameront. Si MG Motor dit s’être organisé pour surveiller au plus près l’évolution des VR, il faudra certainement quelques soutiens finan­ciers pour corriger des trajectoires de prix. "Nous avons anticipé les sujets critiques, assure Sébastien Manczak, nous ne laisserons personne seul."

 

Sur une période de six mois, 2 000 à 3 000 retours de leasing social seront à gérer, soit l’équivalent d’à peine 10 à 15 voitures par concession tricolore. Le tout dans un contexte de forte croissance des volumes. En 2023, MG Motor a revendu 80 voitures d’occasion à son réseau. L’année d’après, ce total est passé à 1 200. Il avoisinera 3 000 unités en 2025, dont 70 % de VE et PHEV. "Ce n’est pas encore démesuré", soutient celui qui travaille à de nouvelles offres de financement sans pouvoir en dire davantage à ce stade.

 

Portes ouvertes aux spécialistes du SOH ?

 

La transparence sur l’au­tonomie des batteries des véhicules électriques, que chacun appelle de ses vœux, rime le plus souvent avec l’analyse de l’état de santé de la batterie (SOH). Tous les constructeurs majeurs ont en­trepris d’imposer, d’ici à la fin du premier semestre 2025, la réalisation d’un test et d’en pu­blier les résultats dans la fiche signalétique d’un véhicule d’occasion.

 

Les concession­naires n’ont pas toujours at­tendu cette mise à jour des la­bels. Moba, Aviloo ou encore Power Check Control ont les portes grandes ouvertes. Mais les constructeurs, comme à leur habitude, poussent pour leur solution de diagnostic. Certains observateurs leur donnent raison, car la puissance de la marque est un gage de fiabilité. D’autres militent pour les technologies tierces par souci d’objectivité et d’adaptation au multimarquisme.

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