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Garage du Pont de Bruay : quand la carrosserie garde le sourire !

Publié le 7 avril 2006

Par Alexandre Guillet
15 min de lecture
Implanté dans une zone terriblement concurrentielle, le garage du Pont de Bruay, à la fois agent Peugeot et adhérent Top Carrosserie, tire son épingle du jeu grâce à un dynamisme jamais démenti. Visite guidée avec le maître des lieux, Pietro Didio. "Le soleil, c'est...

...un italien qui l'a inventé !". Un dicton plein de malice que Pietro Didio, dirigeant du garage du Pont de Bruay, peut aisément reprendre à son compte, tant son discours contraste avec la morosité ambiante : "Nous faisons un métier formidable ! Il n'y a pas lieu de se plaindre, d'autant que gémir n'a jamais fait avancer les choses. Je ne nie pas que le marché est difficile, mais avec la volonté de prendre des initiatives, on peut trouver de nouvelles solutions et surtout, vivre de notre métier". Voix posée et regard franc, Pietro Didio n'a pourtant rien du naïf ni du hâbleur. Il est bien conscient que la profession souffre et que certains tombent sur le bas-côté, notamment grâce au dialogue qu'il a noué avec "son" distributeur Patrick Delahay (Delahay-Jean Petit-Drecq-Infrelec). Ce dernier ne cherchant pas à cacher que "son fichier de clients carrosserie s'est réduit de 30 % au cours des douze derniers mois. Certes, il n'y a pas que des fermetures d'entreprises, mais on ne peut cependant pas occulter que des professionnels mettent bel et bien la clef sous la porte". Il est aussi conscient que le salut passe dorénavant par un changement d'attitude qui se traduit, par exemple, par une nouvelle relation au client et par une aptitude à sortir de l'atelier pour aller à la rencontre des apporteurs d'affaires. Loin des poncifs vaporeux et de la morale de salon lambrissé, son chiffre d'affaires en témoigne : en hausse régulière depuis quelques années sur un marché pourtant en retrait.

Les différentes vies d'un carrossier nommé Pietro Didio

Il sait enfin que le sort fluctue, qu'un itinéraire est rarement rectiligne. Pour avoir travaillé chez Renault, Volkswagen. Et même en usine parce que "je voulais voir ce que c'était, comment fonctionnait une unité d'une telle ampleur, mais je me suis vite ennuyé", explique-t-il. Pour avoir été agent Peugeot, une première fois avec un associé, système qu'il déconseille volontiers mais sans rancœur : "Au bout d'un moment, je ne sais pas si on peut éviter les dérapages… Sauf peut-être si on sépare bien les activités et les responsabilités ? En tous cas, je ne voulais pas travailler pour les autres, pour certains autres disons, et je me souviens qu'un jour, un mercredi, j'ai décidé de tout quitter. Alors que je n'avais pas d'autre emploi en vue, ni le droit au chômage. Je suis d'ailleurs resté un an au chômage". Voilà qui situe la trempe et les valeurs de l'individu. Trempe forgée par l'expérience et la foi en son métier de carrossier. Valeurs de droiture et de fidélité qu'il refuse d'écorner. La souplesse et l'adaptation n'impliquent pas forcément des pratiques retorses. Trempe et valeurs confortées par l'indéfectible soutien de son épouse et de ses deux filles et qui lui ont permis de rebondir. Il y a cinq ans, il reprend ainsi le garage du Pont de Bruay, situé à Bruay sur l'Escaut, dans le Nord, à proximité de Valenciennes. Une reprise qui s'inscrit dans le cadre d'un départ à la retraite. "C'était une bonne opportunité car agent Peugeot, je maîtrisais. En plus, l'équipe en place était performante et je l'ai naturellement conservée, indique Pietro Didio tout en ajoutant : Toutefois, l'entreprise telle que vous la voyez aujourd'hui n'a plus grand-chose à voir avec celle d'hier, que ce soit au niveau des locaux ou de l'activité. On a remis du vent dans la voile". Ceci n'a rien d'une critique, ses rapports avec l'ancien propriétaire sont très bons, ce dernier passera d'ailleurs saluer les troupes entre sa partie de tennis et un déjeuner entre amis.

Un gain de 200 euros en moyenne par VN…

La première décision prise par Pietro Didio fut de rénover les locaux, sans folie des grandeurs mais dans un souci de modernisation et de meilleure visibilité. Un espace showroom carrelé et vitré permet ainsi de mettre en évidence un véhicule de la gamme Peugeot. Même si l'activité "vente VN" ne figure pas au rang des priorités du garage. "D'une part, nous sommes placés à 2 km de la concession Peugeot donc la concurrence est directe avec un rapport de forces déséquilibré. D'autre part, nous ne harcelons pas les clients, nous n'avons pas le temps de les relancer sans relâche au téléphone. Enfin, il y a un petit dysfonctionnement dans le système en vigueur, puisque nous assumons l'approche client sans avoir le droit de réaliser la vente à proprement parler ou celle des services associés comme le financement… Et au final, nous ne gagnons en moyenne qu'à peu près 200 euros par VN…", explique Pietro Didio. Pas très lucratif,




Le garage du Pont de Bruay en bref

  • Superficie : 900 m2

  • Effectif : 8 salariés (dont 5 productifs)

  • Moyenne véhicule/semaine en carrosserie : 10

  • Coût Moyen de Réparation : 1 000 euros

  • Equipement atelier : marbre multirak 2000, postes de soudure semi auto & soudeuse par points, 2 cabines de peinture&labo de colorimétrie informatisé, aires de préparation, appareils infrarouges, réglage TA informatisé, pont 4 colonnes, pont 2 colonnes, aire de lavage, espace vitrage…

  • Equipement gestion informatisée : Sidexa, DAT, D'Arva, Visiocar, Phototel
  • rapporté au temps consacré à une vente. Cependant, le garage vend en moyenne 20 VN par an. Depuis le début de l'année, quatre transactions ont ainsi été conclues (206, 307, 407, et Partner). Cependant, l'entreprise joue le jeu en organisant par exemple une grande journée "portes ouvertes" début avril, dédiée à la nouvelle 207. En revanche, Pietro Didio accorde un soin particulier à l'activité VO, moins contraignante et plus généreuse en termes de marge. "En fait, on peut dire que nous manquons de véhicules ! Mais en même temps, comme nous travaillons sous enseigne Peugeot, nous refusons le mélange des genres et ne travaillons pas avec des mandataires. Nos VO sont essentiellement des véhicules de reprise ou en RSV (réparation supérieure à la valeur)", souligne-t-il. Dans le cadre de cette activité, les carrossiers exploitent souvent le débosselage sans peinture, "technique alors intéressante, mais insuffisante pour une réparation classique", dixit Pietro Didio.

    Mettre la carrosserie au premier plan

    Mais le changement de cap décisif du garage du Pont de Bruay fut décidé à l'issue d'un conciliabule entre Pietro Didio et Patrick Delahay. "Tous les deux, nous avons analysé l'activité du garage et nous nous sommes rendus compte que la carrosserie représentait plus de 50 % du chiffre d'affaires. Alors que rien ne signalait cette spécialité sur la façade… Décision fut donc prise d'accrocher un panneau "Carrosserie" sur la devanture du garage", expliquent-ils de concert. De panneau à enseigne, il n'y a parfois qu'un pas… Qui sera en l'occurrence vite franchi, car dès 2002, Pietro Didio étudie l'éventualité d'adhérer à un réseau indépendant. Considérant qu'il est un fidèle de la marque Sikkens, un courant naturel aurait pu le porter vers les rives d'Acoat selected. Que nenni ! Son premier réflexe est d'aller discuter avec des dirigeants de l'AD Carrosserie. Mais le contact ne prend pas : "Déjà, je voulais rester chez moi ! Ensuite, le réseau AD me demandait des sous pour tout… En fait, je pense que c'est un bon réseau, notamment sous l'angle des agréments, mais il prend trop d'argent". L'alternative Top Carrosserie, jeune réseau en devenir, se présente alors et Pietro Didio franchit le pas en 2003, séduit par "un réseau plutôt souple et qui ne ponctionne pas exagérément". Il affirme que ce choix a facilité son accès aux agréments. Aujourd'hui, le garage du Pont de Bruay arbore un totem relativement bien garni : Macif, Maaf-MMA, Reparmut, AGF, Generali, Assu 2000, et Aviva. En attendant GMF et la Matmut. "Nous travaillons aussi avec la Caisse d'Epargne et le Crédit Mutuel", précise Stéphanie Didio, responsable du back-office et des relations commerciales du garage. Actuellement, la Macif pèse lourd dans le chiffre d'affaires de la carrosserie, à hauteur de 40 %. Pietro Didio ne s'en émeut guère, confiant dans le développement du business avec MMA et surtout avec la Maaf. "Nous sommes passés de réparateur recommandé à Réparateur Sans Souci et la Maaf sera bientôt notre principal apporteur d'affaires", indique-t-il, avant de poursuivre : "Rien qu'avec l'EAD, nous avons déjà un apport intéressant. Nous en faisons entre 5 et 7 par semaine et ce n'est le début. Et nous comptons le généraliser vu que cela engendre plein de petits boulots". Toutefois, les négociations avec les apporteurs d'affaires demeurent difficiles et le garage du Pont de Bruay n'affiche qu'un T1 de 33,50 euros et un T2 de 37,50 euros, avec un euro d'augmentation conquis de haute lutte cette année.

    La prime à la flexibilité

    Si Pietro Didio se réjouit du développement de ses agréments, Frédéric Deroy, responsable des relations partenaires du réseau Top Carrosserie, tient à préciser : "Il ne faut pas croire que Pietro est venu au sein du réseau uniquement pour les agréments. De toutes façons, ça ne marche pas comme ça. Pietro avait un projet d'entreprise et une volonté de développement en phase avec la philosophie du réseau et c'est pour cela que tout a bien fonctionné. Pietro n'a rien à voir avec certains candidats qui viennent frapper à la porte en attendant que le réseau leur donne tout, tout de suite". Une attitude entrepreunariale et constructive, en somme. Comme vis-à-vis de son syndicat, la FNA : "J'estime que la FNA nous représente bien. Vous savez, il ne faut pas trop attendre d'un syndicat qui n'est pas là pour résoudre tous les problèmes, contrairement à ce que pensent certains. Il s'agit avant tout d'un canal privilégié pour de nombreuses informations". La volonté de développement du garage du Pont de Bruay, stigmatisée par Frédéric Deroy, se vérifie notamment à l'aune des investissements programmés par Pietro Didio. L'équipement de l'atelier est ainsi régulièrement remis à jour, au même titre que les outils de gestion informatisée (voir encadré). Actuellement, tout le monde est par exemple sur le pont pour le transfert à l'hydrodiluable qui interviendra courant avril. Et comme la formation est aussi l'un des dadas de Pietro Didio, les compétences de son équipe sont multiples : réparation des plastiques, réparation de l'aluminium, réparation rapide via les forfaits Top Carrosserie, débosselage sans peinture, réparation pare-brise, "activité à très grosse marge" dixit Pietro, réparation "clim"… sans oublier la mécanique. Avec une prime donnée à la flexibilité : "Je privilégie la polyvalence et chacun doit être capable d'intervenir en mécanique, en carrosserie, voire en peinture. Chacun a bien sûr sa spécialité, mais comme ça, si nous avons beaucoup de travail de mécanique et peu de carrosserie, on ne se retrouve pas avec des gens qui n'ont rien à faire", explique Pietro Didio, en guise de réponse à l'enjeu moderne de productivité. Flexibilité qui se retrouve aussi dans l'organisation du planning et de l'atelier calibrée pour que des véhicules puissent sortir tous les jours.

    Un parc de 20 VR comme symbole du souci du client

    En outre, Pietro Didio a compris que le développement d'une carrosserie passait désormais par une attitude dynamique vis-à-vis des apporteurs d'affaires. Le fameux credo "sortir de l'atelier et aller chercher le travail", rabâché par les responsables de réseau, est bien intégré. C'est Stéphanie, forte d'études de ventes et de gestion, qui pilote cette démarche. "Je crois que dans le secteur, nous avons été les premiers à mettre en œuvre une stratégie pour démarcher régulièrement les apporteurs d'affaires", s'enthousiasme-t-elle. Le business avec la Caisse d'Epargne ou le Crédit Mutuel est drainé par ce biais, de même que des contrats portant sur des petites flottes de taxis et d'ambulances. Le garage du Pont de Bruay a aussi noué des accords de sous-traitance avec des concessionnaires. C'est notamment le cas avec le distributeur Opel. "Et nous réparons aussi beaucoup de Toyota, car la concession Toyota n'a pas de carrosserie", ajoute Pietro Didio. Enfin, Pietro Didio place le client final au cœur de son dispositif. Avec un espace accueil simple mais complet (boissons, toilettes, magazines et prospectus…). Avec le devis gratuit et un point d'honneur mis sur le respect des délais de remise du véhicule. Avec, dans l'état actuel des choses, des devis établis sur la base de pièces d'origine avec un refus catégorique de l'adaptable. Avec un vaste parc de 20 VR, "pas forcément de moins de 2 ans et de moins de 60 000 km, mais en parfait état", et surtout gratuits. D'ailleurs, il s'est rué sur l'offre du réseau Top Carrosserie pour mesurer la satisfaction des clients. Ce qui fait dire à Frédéric Deroy : "Pietro, c'est un peu l'adhérent exemplaire, celui qui pousse un réseau vers le haut, même s'il peut encore perfectionner certaines choses. Mais il ne faut pas croire que c'est toujours aussi facile avec tous les carrossiers indépendants". Pietro Didio ne refuse pas le compliment. Ne s'en gargarise pas non plus. Il est avant tout content de faire son métier. Content d'imaginer que sa fille reprendra sans doute l'affaire, peut-être même avec sa sœur. "En fait, tous ça, c'est pour elles", sourit-il. Quand on vous dit que le soleil, c'est un italien qui l'a inventé !


    A.G.





    QUESTIONS À <<<

    Patrick Delahay, Groupe Delahay-Petit (Group Auto Union) - Directeur opérationnel du site Drecq


    "Pour l'hydro, les clients de plus de 15 000 euros par an sont prioritaires, logique économique oblige"


    Journal de l'Automobile. Quel regard portez-vous sur le marché de la carrosserie ?
    Patrick Delahay. A dire vrai, je ne suis pas à proprement parler un spécialiste de la carrosserie. C'est un marché que je découvre vraiment depuis 4-5 ans. Disons que j'ai l'impression qu'il y a encore trois ou quatre ans, les carrossiers, d'une manière générale, manquaient de reconnaissance, n'étaient vraiment pas satisfaits, et ne savaient pas trop où aller. Ils sortaient peu de leur entreprise, en clair, ils ne savaient pas "se vendre" comme on dit aujourd'hui. Depuis, les choses ont sensiblement évolué et plusieurs dirigeants mènent rondement leur entreprise. Mais sur l'ensemble, ils sont encore nombreux à se sentir un peu perdus.


    JA. Iriez-vous jusqu'à parler de crise pour les carrossiers ?
    PD. C'est délicat d'employer ce type de formule définitive quand on sait que certains d'entre eux ont un bon business et affichent des bilans positifs. Mais on ne peut pas occulter non plus la réalité. La preuve par l'exemple : notre fichier "clients carrosserie" s'est réduit de 30 % cette dernière année. Je ne dis pas que cette baisse correspond uniquement à des dépôts de bilan, mais force est de reconnaître qu'il y a bel et bien des fermetures de sites dans ce secteur d'activité.


    JA. En tant que distributeur de la marque Sikkens, on imagine aisément que le chantier du transfert à l'hydrodiluable vous accapare pleinement, où en êtes-vous ?
    PD. Le dossier est assurément accaparant, mais aujourd'hui, nous sommes très satisfaits car 78 % de nos clients sont d'ores et déjà convertis à la technologie hydrodiluable. Nous sommes même doublement satisfaits car nous nous situons au-dessus de la moyenne nationale de Sikkens. Il faut aussi avouer que Sikkens nous met une forte pression sur l'enjeu du transfert à l'hydrodiluable, notamment par le biais des nouvelles clauses de RFA.


    JA. L'engagement d'Akzo Nobel sur la reprise des stocks solvantés vous facilite-t-il la tâche ?
    PD. C'est indubitable. Mais attention, ce dispositif de soutien est limité dans le temps : la reprise des stocks solvantés au tarif produits 2004 n'interviendra que jusqu'au 30 juin. Il ne faut donc pas lambiner en chemin.


    JA. Existe-t-il une limite chiffrée à partir de laquelle on peut dire que le client "peinture" n'est pas une priorité dans le cadre du transfert à l'hydrodiluable ?
    PD. La ligne directrice stipule que les clients qui représentent plus de 15 000 euros par an en termes de peinture sont prioritaires pour les transferts. Attention, il ne faut y voir aucun ostracisme, c'est une simple logique économique.


    JA. Quelle est la part de la marque Lesonal dans votre activité ?
    PD. Lesonal représente aujourd'hui 22 % de notre activité "peinture".


    JA. D'un point de vue plus général, qui sont vos principaux concurrents sur votre zone de chalandise ?
    PD. Nous ne faisons pas vraiment exception à la règle dans ce domaine. Il y a une forte rivalité, quasiment historique, avec l'AD. Mais nos principaux concurrents, ne l'oublions pas, restent bien entendu les constructeurs !


    JA. Par ailleurs, à quel point de déploiement du nouveau catalogue électronique du Group Auto Union êtes-vous aujourd'hui parvenu ?
    PD. Dans un premier temps, nous l'intégrons chez nous, afin de bien comprendre et maîtriser cet outil. Nous tenons à savoir précisément de quoi nous parlons avant de le présenter aux autres. Dans un second temps, très proche, nous le proposerons à nos clients en leur demandant de l'essayer. Pour un outil de ce type, les grands discours ne servent à rien et seule l'utilisation empirique permet de prendre la juste mesure de ses atouts. Mais je suis confiant, car cet outil est vraiment très performant et n'a, à mon sens, pas d'équivalent sur le marché aujourd'hui. Il va devenir incontournable.

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