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Distribution

Entretien avec Jean-Jacques Adrian, président fondateur du groupe CFK : "C'est le flou artistique pour chiffrer la valeur d'une concession"

Publié le 17 septembre 2004

Par Alexandre Guillet
6 min de lecture
Le groupe CFK est un cabinet spécialisé dans les cessions-acquisitions. Il intervient auprès d'entreprises de taille et de secteur très divers, dont la distribution automobile. Son président, Jean-Jacques Adrian, nous décrit la démarche à suivre pour céder son affaire dans les meilleures conditions. ...
Le groupe CFK est un cabinet spécialisé dans les cessions-acquisitions. Il intervient auprès d'entreprises de taille et de secteur très divers, dont la distribution automobile. Son président, Jean-Jacques Adrian, nous décrit la démarche à suivre pour céder son affaire dans les meilleures conditions. ...

...Journal de l'Automobile. En tant que président du groupe CFK, quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui souhaite vendre son entreprise ?
Jean-Jacques Adrian. La cession d'une entreprise ne s'improvise pas. Elle nécessite une préparation très en amont, au moins deux ans à l'avance. En général, plus l'entreprise est de taille importante, plus le chef d'entreprise anticipe son départ. Il faut en effet prévoir un temps d'accompagnement du repreneur de un à trois ans. Celui-ci est rassuré et s'engage donc plus facilement dans la reprise. Le prix de cession s'en ressent alors positivement, quitte à définir une clause de complément de prix à la fin de la période.


JA. Quels types de problèmes peut-on rencontrer lors d'une cession ?
J-J A. Aujourd'hui, le cédant comme le repreneur est mieux informé. L'accompagnement évite les mauvaises surprises. La négociation sur le prix est moins problématique, à condition de bien détailler les conditions de l'opération au niveau des garanties de passif et d'insuffisance d'actif. Le premier élément est en général bien surveillé, mais le second est moins suivi. Si le stock n'a pas de valeur, si les commandes sont virtuelles ou les clients douteux, vous avez acheté une coquille vide. Aux Etats-Unis, pour éviter ces problèmes, la plupart des entreprises se vendent en fonds de commerce : les actifs sont déconnectés du passif qui demeure à la charge du cédant. En France, on achète des parts ou actions de société.


JA. Aujourd'hui, la fiscalité est-elle favorable à la cession ?
J-J A. En France, effectivement, des efforts sont faits sur la fiscalité depuis quatre à cinq ans, notamment sur les droits de mutation pour les entreprises exploitées en nom propre. Pêle-mêle, il y a des franchises nouvelles d'impôts et de taxes, des dispositions légales comme la donation stratégique de titres préalablement à leur vente et nombre de stratégies que nous ne pouvons détailler aujourd'hui qui permettent de minorer l'impact fiscal de la cession. Ces stratégies, les cédants peuvent les utiliser à condition, encore une fois, de s'y prendre suffisamment tôt, d'être prudents et bien accompagnés. En revanche, ces avantages fiscaux ne sont pas faits pour vendre son entreprise plus cher. Au contraire, ils sont là pour faciliter la transmission et doivent donc inciter le vendeur à accepter un prix éventuellement un peu moins élevé en contrepartie d'un accord signé avec le partenaire le plus adéquat pour l'entreprise. C'est toute une culture que nous Français avons du mal à intégrer.


JA. Quelle est votre rémunération sur les cessions ?
J-J A. Tout d'abord, je tiens à souligner qu'à la différence d'autres acteurs, notre activité ne consiste pas à vendre des petites annonces publicitaires dans des magazines. Nous conduisons l'opération de A à Z. Nous prenons des honoraires sur le prix de vente à un taux dégressif en fonction du montant.


JA. Etes-vous positionné sur le marché des concessions automobiles ?
J-J A. La distribution nous intéresse tout autant que l'industrie. La distribution automobile est un marché délicat. Au moment de céder, les concessionnaires ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent, ils sont dépendants de leur constructeur. Ils sont parfois contraints d'accepter une offre à 25 % de la valeur de leur affaire. Par ailleurs, certaines marques font leur marché auprès de leur réseau en achetant les murs des concessions afin de s'assurer le contrôle des emplacements prioritaires (comme certaines sous-préfectures) dans leur développement géographique. C'est le cas, par exemple, d'Audi. Beaucoup de concessionnaires se posent des questions sur leur avenir. A l'heure actuelle, ils ont tendance à rechercher un repreneur bien avant l'âge de la retraite. Le conseil que nous donnons, c'est de ne pas être pressé et de confier très tôt la mission a un cabinet pour lui laisser le temps d'approcher le plus d'opérateurs possibles et de profiter des changements de politique qui interviennent chez les constructeurs de manière à saisir les opportunités. Nous pouvons également faire des montages autour de plusieurs personnes salariées au sein de la concession pour lever le financement de l'acquisition, sous réserve encore une fois que le cédant s'en préoccupe suffisamment tôt.


JA. Quels types d'acquéreurs rencontrez-vous ?
J-J A. Certains investisseurs, souvent des étrangers, veulent profiter de l'emplacement pour faire autre chose parce qu'ils ont des activités complémentaires. Par notre implantation internationale, nous avons des acquéreurs potentiels venant d'Europe du Nord, indépendamment de l'automobile. Il y a également des concessionnaires allemands qui souhaitent se développer en zone transfrontalière, en Alsace par exemple.


JA. Et les fonds d'investissement, sont-ils attirés par le secteur ?
J-J A. Il y a quelques années, certains acceptaient de prendre des participations dans des concessions parce qu'on était dans une logique de développement. Aujourd'hui, ils se sont quasiment tous retirés car il y a peu de visibilité sur l'activité pour accompagner un manager mais surtout les marges sont étroites et le BFR important. Nous avons eu dans notre clientèle un très gros concessionnaire qui cherchait à céder partiellement son affaire. Nous avons approché différents opérateurs : 2 sur 180 ont accepté simplement d'ouvrir le dossier pour le lire, les autres ne voulaient même pas regarder. Quand les choses se seront clarifiées, ils reviendront, mais aujourd'hui il y a trop d'incertitudes. Ils veulent un retour des fonds investis sur cinq ans. Bien malin celui qui arrive à voir aussi loin. Ils sont dans l'attente d'une stabilisation du nouveau modèle de distribution.


JA. Que craignent ces investisseurs ?
J-J A. Les concessions multimarques, les supermarchés de l'automobile, le développement des succursales, mais aussi les concessions "sauvages" avec l'acception tacite de petits constructeurs d'être distribués dans des showrooms au rabais. Du coup, c'est le flou artistique pour chiffrer la valeur d'une concession. Aujourd'hui, une concession représente la cession du passé, pas du futur, devenu trop incertain. Zone de chalandise mise à part, la valeur est au plus égale à la situation nette de l'entreprise, soit le capital social plus les résultats non distribués. Mais l'enseigne joue aussi fortement, ainsi les marques allemandes haut de gamme restent-elles à fort potentiel.


Propos recueillis par Xavier Champagne





FOCUS

Le groupe CFK

Créé en 1996, le groupe CFK réunit trois structures positionnées en fonction de la taille des entreprises à vendre ou à acheter. Capital Conseil intervient au niveau des TPE dont le chiffre d'affaires se situe entre 400 000 euros et 2 millions d'euros. Entre 2 millions et 20 millions d'euros, c'est CFK Finance qui intervient sur le marché des PME-PMI. Et enfin, la troisième structure, La Financière de l'Orangerie, s'occupe des entreprises de taille moyenne (de 20 à 100 millions d'euros de CA) ou de montages financiers complexes nécessitant des spécialistes de haut niveau. Comme les deux premières structures, La Financière de l'Orangerie réalise des cessions, mais aussi tout type de montage financier : augmentation de capital, OBO, développement par croissance externe. Elle peut ainsi travailler sur mandat d'acheteurs français ou étrangers qui recherchent des affaires à acquérir. Au-delà de 100 millions d'euros, il ne reste que 500 entreprises françaises dont les opérations financières sont cette fois prises en charge directement par leurs banques d'affaires dans un cadre très confidentiel.

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