Entretien avec Eric Behra, P-dg de Behra Morangis et du groupe Behra : “Le financement est notre centre de profit numéro 1”
...Le Journal de l'Automobile : Vous avez adapté le concept IdéeFord, rebaptisé IdéeBehra, au sein de votre groupe. Qu'est-ce qui vous a séduit dans cette technique de financement ?
Eric Behra : En fait, il ne s'agit pas d'un crédit, mais d'un nouveau mode de consommation automobile auquel ont adhéré près de 58 % de nos clients particuliers en 2002.
Il s'agit de faire bénéficier le client de l'utilisation d'un véhicule neuf pendant une durée prévue d'avance (2 ou 3 ans), avec un kilométrage là aussi fixé d'avance, de lui enlever tout souci d'entretien, puisqu'il peut être compris, et surtout de lui garantir un prix de reprise de son véhicule au terme de l'échéance contractuelle. Libre à lui de le garder, de l'échanger ou de le restituer. Pour nous, c'est un centre de profit à part entière et je dirais même le centre de profit numéro 1, tant pour ce qu'il génère que pour le levier qu'il constitue dans l'optimisation des marges sur le VN. C'est également un merveilleux outil de fidélisation.
J.A. : En 2002, vous obtenez effectivement un taux de renouvellement de 80 % sur IdéeBehra. En revanche, vous n'avez pas un bon indice de satisfaction clientèle, comment expliquez-vous ce paradoxe ? Quelles mesures concrètes allez-vous mettre en œuvre pour l'améliorer ?
E.B. : Cela est essentiellement dû à deux facteurs. Tout d'abord, l'habitude. Les clients qui renouvellent leur véhicule sont considérés à tort par nos vendeurs comme étant de la famille. De ce fait, on prend moins de précautions et on se laisse aller avec eux. Or, les questionnaires Constructeurs sont implacables quand les clients répondent : "on ne m'a pas proposé d'essai", "on ne m'a pas présenté la garantie". Néanmoins, à la question, "Dans le cadre d'un rachat de véhicule, le rachèteriez-vous au même vendeur et dans cette concession ?", la réponse est oui à 95 % ! Ce sont les détails qui nous manquent et nous menons une vigilance de tous les instants pour combattre ce défaut.
Le second facteur est déterminé par les nouveaux vendeurs. Tout le monde connaît la difficulté des ressources humaines dans ce métier et la volatilité de la famille des vendeurs. En trouver un, c'est déjà très bien, en trouver un bon, c'est fantastique. Or, avoir la culture de la satisfaction client, ça s'apprend, il faut du temps, des efforts. Et pendant ce temps-là, les véhicules se vendent, se livrent, et pas toujours dans l'optima nécessaire. Il nous faut former, former, et encore former notre personnel, et lui faire comprendre la nécessité de satisfaire le client. Nous nous y attachons par des formations internes, par des formations prodiguées par le constructeur et une surveillance de tous les instants : tout l'encadrement du groupe y est sensibilisé.
J.A. : Vous avez un parcours atypique : vous avez quitté l'école à 15 ans et fait un début de carrière dans la chanson. Est-ce que votre absence de formation a été un handicap ?
E.B. : C'est vrai que c'est un parcours atypique. Je suis un autodidacte. Mais que penser des autodidactes, en dehors du fait qu'ils sont légion, connus ou inconnus ? Pour ma part, j'ai deux préférés. Le premier, c'est Henry Ford. Ce fils de fermier ambitieux a dit : "Je ferai une voiture assez petite pour être entretenue par une seule personne, mais assez grande pour transporter une famille." En 1879, à l'âge de 16 ans, il quitte l'école et sa famille pour aller travailler comme apprenti à Detroit et, après quelques années de dur labeur, crée la Ford Motor Company il y a tout juste un siècle, et on sait la suite… Le second, c'est André Malraux, dont on connaît le parcours atypique, mais qui, dans son livre "L'Obsidienne", dit : "L'homme est ce qu'il fait." C'est la réalité : on est ce que l'on est, mais on n'est que par ce que l'on réalise.
C'est vrai que d'être autodidacte, ça pourrait être un complexe, mais cela n'empêche pas d'avoir une intuition développée, une résistance à l'effort considérable et surtout l'intelligence de s'entourer. Cette question de l'autodidacte, on ne la pose, comme vous venez de le faire, qu'à ceux qui réussissent… En ce qui concerne la chanson, c'est autre chose, mais qui a eu pour moi un point commun avec l'automobile : la passion. Et je peux vous garantir que, comme dans l'automobile, ça demande beaucoup de travail, d'effort et de persévérance.
J.A. : Qu'est-ce qui vous plaît dans le métier de concessionnaire automobile ? Etes-vous confiant dans l'avenir ?
E.B. : Je vais être obligé de faire un peu d'humour noir pour vous répondre.
Que penser d'un métier où tous les mois vous remettez les compteurs à zéro, vous brassez des sommes d'argent phénoménales, où vous avez pléthore de personnel à gérer, et ceci pour une rentabilité très faible ? Un métier où vous êtes tributaire de tout et de tous, où vous êtes en permanence sous pression pour réaliser vos objectifs, dans un marché fluctuant, hyperconcurrentiel, avec un nouveau règlement qui risque d'affecter la distribution automobile ? Il faut vraiment être passionné ou fou pour exercer un tel métier. Je suis content et fier d'être cela.
En ce qui concerne l'avenir, je suis confiant. Le monde de l'automobile d'hier n'est pas celui d'aujourd'hui et ne sera certainement pas celui de demain. Il faut et faudra être vigilant, prévoyant, avoir une forte réactivité et s'adapter si besoin est. Il faut avoir la confiance de ses équipes et leur faire confiance. Sans le personnel et sans, bien entendu, l'appui des constructeurs, nous ne sommes rien.
Merci à tous ceux qui ont participé et participent à cette aventure quotidienne, et ceci à tous niveaux. Ce trophée, que je dédie d'abord à mon père puis à l'ensemble de mes collaborateurs et partenaires fidèles, est pour moi et pour toutes ces personnes un immense honneur et une formidable reconnaissance de tous leurs efforts.Merci en leur nom.
Propos recueillis par
Xavier Champagne
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