Électrification, business model, infrastructures : le secteur automobile à la croisée des chemins
Constructeurs et concessionnaires : un modèle en sursis ?
Depuis les années 1950 et la démocratisation de l’automobile, le secteur a trouvé son modèle de distribution. À quelques exceptions près, le concessionnaire achète au constructeur le véhicule, qu’il revend au client, en direct ou via un réseau d'agents locaux. Mais depuis peu, ce modèle est questionné par les constructeurs eux-mêmes, pour le remplacer à terme par un modèle agent, où les distributeurs n’achètent plus les véhicules mais ne font que les vendre au nom et pour le compte des constructeurs, en étant rémunérés sur les services rendus : apport d’affaire, préparation finale et livraison du véhicule.
De part et d’autre, les implications financières sont colossales : les constructeurs vendent à l’unité, et les ex-concessionnaires devenus agents ne facturent que le service de vente, et non plus l’ensemble du prix de la voiture. Les systèmes informatiques des constructeurs doivent se structurer autour du client, plus seulement autour du véhicule. Quant aux véhicules d’occasion, là aussi les constructeurs évoluent dans leur business model, et prennent une place de plus en plus importante sur le marché, avec par exemple la mise en place d’usines de reconditionnement et une revente en direct. Un rééquilibrage VN/VO qui semble logique, du point de vue des constructeurs, au vu des marges du marché VO.
Si l’entretien des véhicules demeure bien sûr dans le giron des distributeurs-agents, l’électrification progressive du parc des véhicules induit aussi une baisse sensible des interventions après-vente : les moteurs électriques réclament en effet une maintenance bien moindre que les moteurs thermiques. Dans ce contexte, la captation et la fidélisation clients sont plus que jamais un enjeu de développement commercial pour ces concessionnaires devenus agents, d’une ou plusieurs marques.
Un "multimarquisme" qui sera peut-être l’une des clés de survie de ces distributeurs, et qui prend d’autant plus de sens qu’une certaine uniformisation des plateformes (et donc des véhicules proches dans leur conception malgré des badges différents), déjà bien entamée avec le thermique, semble aujourd’hui s’intensifier avec l’électrique.
Véhicule électrique : vers une uniformisation des plateformes et une multiplication des constructeurs
En quelques années, l’amalgame s’est imposé : le véhicule électrique désigne unitairement le véhicule électrique à batterie. Il faut dire qu’en dehors de quelques tentatives de mise sur le marché de véhicules dotés d’une pile à combustible, la batterie est la technologie qui connaît, à ce stade, les plus importants débouchés industriels et commerciaux. Mais les innovations n’en sont qu’à leurs débuts et le moteur électrique sera sans aucun doute protéiforme dans les prochaines années.
En attendant, l’unicité du choix industriel et le besoin de rentabiliser des investissements importants orientent le marché vers une uniformisation des plateformes (ce qui favorise grandement les acteurs natifs de plus gros marchés mondiaux, comme la Chine ou les Etats-Unis). En d’autres termes, il s’agit d’utiliser l’ensemble du châssis et du groupe motopropulseur, et d’y associer une carrosserie spécifique, et bien sûr un logo !
Dès lors, la technologie constitue beaucoup moins qu’à l’heure du thermique l’élément différenciant : la gamme de véhicules, son design et l’image de marque orientent davantage le choix des consommateurs. Dans ce contexte d’ailleurs, on voit progressivement apparaître un peu partout dans le monde de jeunes constructeurs, positionnés sur des marchés de niche ou s’adressant à un segment de clientèle particulier. Ces néo-constructeurs achètent des plateformes "prêtes-à-l’emploi" aux grands constructeurs, et y apposent une carrosserie spécifique.
Ne nous y trompons toutefois pas : dans ce foisonnement tous azimuts, tous ne survivront pas, ou seront progressivement rachetés par leurs concurrents plus solides. Mais cette tendance confirme un paradoxe très présent sur le marché de l’automobile : une consolidation des "grands faiseurs de l’automobile" en apparence, en même temps qu’une multiplication des petits acteurs. Rapidement, et attendant les prochaines innovations de rupture, cette uniformisation technologique devrait profiter au consommateur final, en permettant de baisser considérablement les coûts de production et, avec eux, les prix de vente.
Technologies balbutiantes et mutations profondes du marché automobile
Malgré les progrès technologiques spectaculaires, et surtout le nombre de produits déjà mis sur le marché, la nouvelle révolution automobile ne semble en être qu’à ses débuts. Et se confronte, comme au début du XXe siècle, à la problématique du déploiement des infrastructures. En effet, comment proposer une expérience de conduite sereine et confortable aux conducteurs s’ils ne peuvent pas "faire le plein" (quelle que soit l’énergie considérée) rapidement, n’importe où et à n’importe quel moment ?
Un contexte dans lequel l’attentisme s’auto-alimente. D’une part, les consommateurs attendent de disposer d’infrastructures fiables et bien maillées sur les territoires. D’autre part, les bâtisseurs d’infrastructures attendent du marché qu’il soit suffisamment important pour rentabiliser rapidement les investissements colossaux que représentent ces infrastructures, et les besoins en recherche et développement associés : bornes de recharge, revêtements de route intelligents, etc. D’où l’importance d’une politique publique d’investissements, plus déterminante que jamais pour les toutes prochaines années, si l’Europe veut tirer son épingle du jeu.
En parallèle, de nouvelles évolutions voire révolutions technologiques pourraient venir heurter de plein fouet le marché automobile. Parmi lesquelles, l’intelligence artificielle, à qui on prédit déjà une grande place dans les mobilités de demain. Et pourquoi pas les voitures volantes, dont les drones sont les prémices : les premiers prototypes de kart flottant à quelques mètres du sol sont déjà en cours de développement.
Le projet de drone taxi de la société chinoise Ehang a obtenu l’aval des autorités nord-américaines pour effectuer des tests dans le Nevada. Le Volocity avait quant à lui effectué son premier décollage en région parisienne en novembre 2022. Et bien sûr, l’arrivée massive des nouveaux constructeurs chinois sur les autres continents pourraient aussi rebattre les cartes d’un marché déjà complexe.
Après déjà plus d’un siècle d’histoire, le marché automobile connaît donc de véritables et profonds bouleversements dont les issues et conséquences multiples ne sont pas encore visibles. Et les implications pour toutes les parties prenantes, incluant tous les acteurs de l’automobile, y compris les éditeurs de solutions logicielles DMS, CRM ou autres, restent encore à écrire. Un monde passionnant, riche d’opportunités !
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Tribune intéressante, merci. Un sujet technologie dont on parle moins qu'avant : véhicule autonome niveau 4. Remplacé par des drones ?