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Distribution

Constructeurs et réseaux s’organisent face à la crise

Publié le 30 mars 2020

Par Alice Thuot
7 min de lecture
L’entrée en confinement de la France le 17 mars 2020 a signé l’arrêt pur et simple de l’activité des showrooms. Dans ce contexte, comment les constructeurs ont-ils réagi pour épauler les distributeurs ?

 

Presque quatre mois après le 1er cas de coronavirus à Wuhan, la France imposait le confinement, avec, pour conséquence, la fermeture des showrooms. Priorité pour les constructeurs : faire respecter la loi. « Nous avons décidé de fermer nos activités, n’étant pas en mesure de garantir la sécurité des collaborateurs, en contact avec des véhicules vecteur du virus », convient Lionel French Keogh, directeur de la marque Hyundai en France. Même son de cloche du côté de Mitsubishi, comme l'explique Patrick Gourvennec, président de Mitsubishi Motors France : « Notre première priorité a été de faire en sorte que tout le monde reste confiné, ce qui s’est matérialisé par l’arrêt des déplacements, des rendez-vous physiques, et par l’instauration du télétravail et de la protection des personnes. »

 

Seule activité subsistante, les points après-vente, placés en astreinte, au service des populations essentielles. Dans ce contexte, organiser les SAV et assurer la livraison des pièces dans des délais respectables a été une des premières actions des constructeurs. « Nous avons mis en oeuvre une procédure d'urgence pour les pièces de rechange, reprend Patrick Gourvennec. La partie logistique est perturbée, mais les quelques commandes que nous avons reçu on pu être livrées sous trois jours, un délais certes dégradé, mais raisonnable, compte tenu des circonstances. » Un cas de figure inédit pour les distributeurs, dont la situation aurait rapidement pu tourner au vinaigre, sans réaction rapide des constructeurs. « Fort heureusement, tous ont très rapidement réagi. Nous avons pu échanger sur les mesures d’urgence à prendre, en complément des annonces du gouvernement », témoigne Yann Lethimonnier, directeur administratif et financier du groupe Sipa.

 

Garder le lien avec le client

 

Les clients restent la priorité numéro 1. « Plusieurs mesures ont été prises en faveur des clients. Tout ceux arrivés en fin de contrat bénéficient d’un allongement de trois mois », cite Alain Manuel, dirigeant du groupe éponyme. Pour de nombreuses marques, la prolongation des échéances de contrats de service est aussi de mise. Au-delà de ces initiatives d’urgence, l’intérêt est bien de garder le contact avec le client ou prospect. « Nous maintenons des liens pour soutenir la continuité de l’activité et surtout préparer la reprise. Grace à nos canaux de communication digitalisés, les clients et prospects restent en contact avec les concessionnaires. Toutes les demandes restent traitées par notre centre d’appel, explique BMW. Nous avons des commandes entrantes quotidiennes. » Les équipes commerciales ont à leur disposition un outil de configuration et de commande à distance.

 

Certains concessionnaires ont aussi fait preuve d’imagination pour garder le lien. C’est le cas d’Evolution Autos, distributeur Kia et Mitsubishi à Saint-Etienne, qui met en place des rendez-vous en visioconférence pour le service commercial. Le client n’a qu’a contacter la concession afin de convenir d’un rendez-vous sur la plateforme de son choix comme Skype, WhatsApp, Zoom, Messenger ou encore Skype. « Nous faisons des propositions en achat, en location ou en crédit puis réalisons un bilan par mail pour préciser ou concrétiser le projet », explique le concessionnaire.

 

Sauvegarder la trésorerie

 

Deuxième priorité pour les constructeurs, sauvegarder la trésorerie de leurs partenaires, en l’absence de chiffre d’affaires. Et (presque) toutes les marques, aidées de leur captive ou de leurs partenaires financiers, ont annoncé des mesures exceptionnelles dans cette optique, au grand soulagement des réseaux. Tandis que les approvisionnements ont été adaptés au repli conjoncturel de la demande, chaque marque a décidé de l’allongement des délais de portages pour les PR, VN, VD et VO achetés chez le constructeur, délai allant de 30 à 120 jours. « L’idée est que les distributeurs ne se retrouvent pas à payer des véhicules et des pièces alors qu’il est impossible de les vendre », souligne Jean-Paul Thivolle, dirigeant du groupe éponyme. « La crainte numéro un du réseau est le manque de liquidité. Nous exerçons un métier nécessitant beaucoup de capitaux et une forte trésorerie », explique Jean-Charles Verbaere, directeur du groupe éponyme et président du conseil de marque Seat. Plus que n’importe quel domaine d’activité, nous avions besoin d’un message clair de la part des marques. »

 

Toujours dans l’optique de préserver la trésorerie, certaines ont décidé de procéder par anticipation au paiement de primes, comme celles de fin d’année. A l’aide des constructeurs s’ajoute celle des prestataires. « Plusieurs infomédiaires et prestataires proposent leur service gratuitement pendant cette période difficile. C’est également un soutien très précieux », tient à souligne ce concessionnaire Hyundai et FCA. Mitsubishi a été de ces constructeurs, prompt à la réaction« Nous essayons de rendre plus rapide et fluide possible le paiement de ce que nous devons au réseau, encore une fois, dans le but de préserver la trésorerie, et permettre de maintenir un minimum d’équipe en place. »

 

Objectifs en question

 

Reste une problématique centrale : celle de l’ajustement des objectifs. « Le marché pourrait plonger de plus de 20 %. Dans ce contexte, c’est tout le modèle qui s’effondre », reprend Jean-Paul Thivolle. Les constructeurs en ont bien conscience, procédant à une révision des objectifs fixés pour le premier trimestre. Alors que tous ont logiquement suspendu les audits qualité, certains ont déjà acté des aménagements, même si la discrétion est de mise sur ce sujet. « Tous les plans commerciaux mensuels et trimestriels en cours ont été revus ensemble et corrigés pour que l'ensemble du réseau toiuche ses primes, rien n'est resté sans aménagement. J'ai vraiment senti un constructeur à nos côtés, moblisé pour passer cette crise. Le mort partenariat n'a jamais eu autant de sens que ces derniers jours », témoigne Michel Maggi, nouveau président du groupement des concessionnaires Opel.

 

 

A titre d’exemple, les distributeurs Renault bénéficieront d’un paiement moyen sur le résultat du premier trimestre, avec une rémunération de 300 euros par véhicule. Le principe d’une rémunération moyenne s’applique également côté qualité. Autre ajustement : une prime VO accessible dès l’atteinte de 23 % de l’objectif annuel sur le premier trimestre. « Nous devions initialement atteindre 28 % », souligne Alain Manuel. « Nous avons levé l’incertitude sur les objectifs primables, explique pour sa part président de Volvo France, Yves Pasquier-Desvignes. Les compteurs ont été arrêté le 16 mars pour les VN et l’après-vente. » Et le dirigeant se veut rassurant pour le reste de l’année. « Nous demanderons des objectifs jouables tenant compte de la production, des disponibilités, du rythme de reprise du marché. » Hyundai amorce la discussion avec le groupement pour ajuster les objectifs, une vraie gageure dans ce contexte incertain. « Nous devons déjà mesurer l’impact économique sur notre propre entreprise et gérer l’atterrissage du 1er trimestre », explique Lionel French Keogh.

 

Préparer l'après

 

Mais s’il est facile de connaître le portefeuille de commandes aujourd’hui, la vraie question est de savoir quel sera le niveau en mai et juin. « Va-t-il y avoir un rebond en sortie de confinement ? Beaucoup de questions et peu de réponses. Le vrai sujet est surtout de nous projeter sur les prochains trimestres et fixer au réseau des objectifs cohérents avec le marché. »

 

Les mêmes questons que se posent, en somme, les distributeurs. « Nous devons à présent trouver des réponses à des problématiques auxquelles nous n'avons jamais été confrontés : financement des stocks dans les prochains mois, gel des standards, accompagnement financier pour les plus fragiles, relance de l'activité, sont autant de sujets que la marque et son groupement doivent traiter dans les semaines qui viennent », détaille Jean-Charles Verbaere. 

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