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Distribution

Centrale d'achats VO : les audacieux rafleront la mise

Publié le 28 mai 2025

Par Gredy Raffin
8 min de lecture
Le commerce de voitures d'occasion en BtoB a retrouvé de l’éclat : volumes en hausse, remises agressives et export en plein boom sont autant de signes encourageants pour les dirigeants. Mais entre des PureTech invendables et des véhicules diesel introuvables, les négociants manquent de quiétude.
Centrales d'achat VO BtoB
Depuis quelques mois, les centrales d'achats de voitures d'occasion ont repris confiance dans le marché français. ©Le Journal de l'Automobile

Au fil des mois, il a pris l’habitude d’amuser la galerie avec des vidéos décalées publiées sur ses réseaux sociaux. Cette fois‑ci, il avait déci­dé de surprendre son monde. Après avoir installé Milton Avenue dans le paysage de la distribution indépen­dante de voitures d’occasion, Benoît Cortot a fondé, en janvier 2025, une société sœur avec l’aide de Pierre Barthelemy, ancien patron de VO 360.

 

Sous la bannière Milton Avenue Pro, ils se lancent ensemble sur le marché du remarketing BtoB. Après un premier trimestre d’activi­té, la structure a écoulé 330 voitures. Une période durant laquelle Grand Est Automobiles, importante plaque Stellantis et Volkswagen le long de la frontière entre l’Alsace et l’Allemagne, a déployé la technolo­gie de la société Eloa pour créer une plateforme de revente directe de VO à des professionnels.

 

Des actualités qui, comme autant de signes, ne trompent pas sur la dyna­mique du marché des transactions BtoB. Les entreprises historiques le confirment. Elles ont mangé et di­géré leur pain noir. Leurs chiffres en attestent. Les directions de Starterre à Lyon et de Sofipel à Brest rap­portent des volumes de vente 2024 qui renvoient aux belles années de l’avant‑crise.

 

"Nous sommes à nouveau sur un rythme de croisière qui convient à la taille de notre structure. Désormais, nous compo­sons avec les fluctuations mensuelles en toute flexibilité", décrit Antoine Trébaol‑Pelleau, directeur com­mercial du groupe breton.

 

 

Des acteurs dont les relations avec les apporteurs d’affaires, que sont les constructeurs et les loueurs, sont re­devenues plus fructueuses. Et ce di­rigeant expérimenté va même jusqu’à soutenir que le rapport de force s’est inversé.

 

Il explique bénéfi­cier désormais de 30 % de remise sur des SUV de marque française contre à peine 15 %, l’an passé. "Nous fonc­tionnons beaucoup mieux car nous profitons de niveaux de prix négociés plus en adéquation avec les codes de l’avant‑Covid", rebondit Noémie Morvan, directrice gé­nérale de Distinxion et SHA.

 

Autre poids lourd du secteur, Au­tobuy a fait exploser ses résultats sur cette période. Sa place de mar­ché a traité 17 000 unités l’an passé. Et Didier Amilien, codirigeant de la société toulousaine, tente une explication : "Tous les contrats de LLD qui avaient été prolongés par les entreprises sont arrivés à échéance et, de fait, nous avons été sollicités par les loueurs pour trou­ver des portes de sortie. Cela nous a grandement réussi."

 

Une nouvelle ère dominée par les achats en masse

 

Mais pour jouer dans la cour des grands, les moyens doivent être de plus en plus conséquents. À la pé­riode où les voitures se négociaient au cas par cas, succède une autre ère. Les acheteurs sont appelés à se positionner sur des lots composés d’une centaine, voire de plusieurs centaines de pièces.

 

Cela se produit aussi bien à l’étranger que sur notre propre sol et pose des probléma­tiques de ressources relevant, en ré­sumé, des compétences humaines, financières et logistiques.

 

Une tendance émerge alors. Elle nous est décrite par Liliana Arim Chaussalet, responsable des achats d’Autopôle. Dans l’optique de gagner en capacité de négociation et en di­versité de produits, elle n’hésite plus à collaborer avec des homologues belges, allemands ou encore italiens. Ils soumettent une offre commune en écrasant les prix sous le poids du volume et partagent ensuite le stock obtenu.

 

 

Cette stratégie conviendrait davantage aux opérateurs de taille moyenne, tels que l’entreprise dijon­naise, qui sort 2 500 voitures par an. Les référents du secteur jugent avoir atteint la taille critique pour s’en passer jusqu’à présent. " Les groupe­ments d’intérêt favorisent les achats. Nous ne le pratiquons pas encore, mais nous ne sommes pas fermés au concept ", confie néanmoins l’un des mastodontes de la façade ouest.

 

Mais à qui revendre le fruit de cette quête ? Les exploitants des diffé­rentes plateformes jurent enregistrer de nouvelles inscriptions chaque jour. Pourtant, ils décrivent en même temps un environnement dans lequel les agents et les petits marchands ferment tour à tour, plombés par la situation commerciale ou rattrapés par les échéances des PGE contractés durant les confinements.

 

 

Les clients BtoB sont soignés. " Nous proposons un portage à 60 jours pour les encourager à prendre le risque de stocker. Ce service ne date pas d’hier, mais le contexte nous force à communiquer réellement sur cette disposition ", intervient Benjamin Reillat, président d’InterVO.

 

Une autre piste conduit vers l’ac­croissement des ventes à l’export. Le carnet d’adresses de clients in­ternationaux devient un élément du starter pack des commerciaux exerçant chez les négociants. " Je suis convaincu que nous devons jouer à l’échelle européenne, partage Ben­jamin Fernandez, nouvel homme fort de MC Automobiles. Il y a de nouveaux flux qui se créent en prove­nance ou à destination de la France. " Cela devient d’autant plus indispen­sable pour évacuer dans un délai rai­sonnable les exemplaires de PHEV et, encore plus, les modèles de Stel­lantis équipés de moteurs PureTech.

 

Puretech : casse‑tête commercial ou opportunité maîtrisée ?

 

Comment parler des négociants automobiles sans aborder l’épineux sujet de ces motorisa­tions qui sont l’objet de toutes les critiques ? "C’est difficile, témoigne Christophe Delteil, patron de Centre VO@Pro, filiale du groupe DMD. Le volume à absorber est im­portant et il faut constamment se placer 20 ou 25 % en dessous de la concurrence pour les revendre."

 

 

Un de ses confrères se montre discret sur les mesures prises. Il se limite à expliquer qu’il ajuste les prix pour laisser à ses clients la marge suffi­sante pour provisionner le risque : "Stellantis facture environ 35 % de moins les frais de réparation en cas de casse. Nous savons que trois à quatre mo­teurs sur dix poseront un problème. Nous recommandons donc de prendre ce fait en considération et, au bout du compte, nos clients s’en sortent gagnants."

 

Tout le monde ne partage pas cet optimisme. "Stellantis traîne dans toutes les démarches de prise en charge. Il faut attendre plusieurs mois pour chaque dossier. Nous avons donc pris la décision de re­vendre notre stock dans des pays moins réticents et de ne plus faire commerce de PureTech ", nous ex­plique‑t‑on chez ce spécialiste du "zéro kil’". Renault‑Dacia et des marques allemandes sont utilisées pour compenser.

 

 

Pour ne pas dégrader les relations, Pierre Guinault, président‑fonda­teur d’Appro Automobiles, travaille à 90 % avec des PureTech de 2024, "les seuls étant couverts par une garantie de 8 ans chez le construc­teur". Et le négociant d’ajouter : " Il faut savoir argumenter autour de cette sécurité. Je trouve dommage que Stellantis n’ait pas mieux com­muniqué auprès de ses réseaux, car ils ont fini par se fermer à nos pro­positions."

 

Le diesel reprend l’avantage

 

Lorsque le gouvernement a rétro­pédalé sur le déploiement des ZFE, un signal a été envoyé aux consom­mateurs. Depuis ce moment, la de­mande de modèles diesel est repar­tie à la hausse. "Nous ne cherchons pas à trouver des électriques car nos clients n’en revendent pas aux consommateurs. Nos fournisseurs ne nous forcent pas la main. Ils ont com­pris que nous demandons surtout des véhicules diesel", décrit la situation Delphine Chevillot, directrice de la stratégie chez ATB Auto, branche du groupe Chopard.

 

Une course à l’échalote que ce di­recteur VO d’un groupe nordiste ne dément pas. " Nous n’en trou­vons pas à mettre dans nos conces­sions et, de fait, les prix grimpent en flèche ", se dit‑il préoccupé. Auto1 Group, qui édite chaque mois un baromètre des tarifs BtoB fondé sur les données de sa plateforme, a mis les premiers chiffres sur ce nouvel équilibre entre l’offre et la demande.

 

En prenant le mois de janvier 2019 pour base 100, les voitures d’occa­sion diesel se monnayaient fin mars à l’indice 112,2 en BtoB. En compa­raison, les VO essence pointaient à 115,7, les hybrides à 108,8 et les électriques à 102,5. Ce sera l’une des tendances à observer de près dans les semaines à venir.

 

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