Affaire Chevrolet : la justice donne raison aux distributeurs
La justice a tranché. Assignée par douze de ses anciens distributeurs qui lui reprochaient de ne pas avoir permis une bonne exécution du préavis de deux ans consécutif à son retrait annoncé du marché européen, Chevrolet France connaît désormais la sanction. Le tribunal de commerce de Paris, qui avait entendu les deux parties le 30 janvier dernier, a rendu son verdict et celui-ci penche clairement du côté des plaignants. Dans leur rapport, les juges estiment en effet que la manière dont s’est orchestré ce départ “a créé un grave déséquilibre contractuel au détriment des distributeurs”. Ils expliquent ainsi que “l’annonce faite de ce retrait de la marque a eu un effet dévastateur sur la clientèle, qui s’est rapidement détournée” d’elle, justifiant ainsi la chute de 80 % des ventes entre les exercices 2013 et 2014. Une baisse qui ne semble donc pas imputable, comme le soutient le président de Chevrolet France, Ludovic Dirand, au manque d’investissement des distributeurs. Les juges notent d’ailleurs que ce retrait, conjugué aux faibles indemnités proposées par la marque, les a “inévitablement démobilisés” et que “dès lors, plus rien ne les incitait à investir dans les modèles 2015” que la marque leur reproche de ne pas avoir acquis. “La société Chevrolet France a agi exclusivement au mieux de ses intérêts”, note le jugement, sans se préoccuper “des conséquences fâcheuses de cette situation pour chacun des contractants, nécessairement différentes selon la situation de chacun”.
Exécution provisoire du jugement ordonnée
Etant “tenue de réparer le préjudice en lien avec sa faute”, Chevrolet est ainsi condamné à verser 7,8 millions d’euros de dommages et intérêts aux plaignants. Il s’agit là de la plus grosse condamnation jamais prononcée en France à l’égard d’un constructeur automobile, mais qui demeure cependant bien éloignée des 34,5 millions initialement réclamés par la défense. “C’est un sentiment un peu contrasté, explique Pierre Galvan, l’un des douze plaignants. Sur le plan financier, je m’attendais à une plus grosse condamnation. Personnellement, cela me permettra uniquement d’éponger mes dettes. Après, sur le fond, la morale est sauve et le verdict nous satisfait pleinement.” Nonobstant le montant de la somme, le tribunal a souhaité se montrer le plus ferme possible en ordonnant l’exécution provisoire du jugement, ce qui, en d’autres termes, signifie que la marque se trouve dans l’obligation de verser immédiatement la moitié des indemnités dues, sans qu’il lui soit possible de les récupérer en cas de jugement inverse en appel. Une décision qualifiée de “rarissime” par Maître Renaud Bertin, l’avocat des distributeurs, et que Pierre Galvan considère de son côté comme “un signal fort envoyé tout autant à General Motors (propriétaire de Chevrolet, N.D.L.R.) qu’à l’ensemble des constructeurs. Ce jugement doit les inciter à ne pas aller trop loin en pareil cas”.
Le CNPA débouté, mais satisfait
Premier à former un recours en justice, dès décembre 2013, et partie civile dans ce dossier, le Conseil national des professions de l’automobile (CNPA) n’a, à l’inverse, pas obtenu gain de cause. Alors qu’il réclamait un euro symbolique de dommages et intérêts, ce dernier a été débouté dans sa démarche. Si le tribunal a reconnu que son action était “recevable” et “légitime”, il considère que la pertinence de celle-ci a diminué à mesure que le réseau signait l’accord de sortie anticipée, accepté au final par 80 % des concessionnaires de la marque. Une décision similaire a été rendue quant à la demande de Chevrolet de voir le CNPA condamné pour “dénigrement” à son égard. Le rapport du tribunal précise ainsi que l’organisation était dans son bon droit en défendant les intérêts des concessionnaires et que “ses propos ou écrits émis […] n’excèdent pas ceux qu’autorise une légitime polémique et ne sont donc pas fautifs”. Le CNPA a d’ailleurs tenu à relativiser ces deux décisions, préférant ne retenir que l’essentiel en estimant que son action “se retrouve dans la condamnation individuelle” obtenue par les distributeurs. Conformément à la ligne de conduite adoptée depuis le début de cette affaire, la direction de Chevrolet s’est refusée au moindre commentaire. Un appel de sa part reste donc en suspens alors que Pierre Galvan se refuse, sans doute par superstition, “au moindre pronostic”.