Volvo - “Reprendre la position qui était la nôtre sur le segment”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Même si l’expérience fut courte, quels enseignements tirez-vous de votre passage au sein du groupe Gemy ?
YVES PASQUIER-DESVIGNES. Dans toutes mes vies professionnelles, j’ai toujours été très attentif à la façon de travailler des distributeurs et j’ai toujours considéré qu’il était important d’entretenir de bonnes relations avec ces acteurs et de bien identifier leur façon de fonctionner, pour en tirer le maximum. Quand je suis arrivé chez Gemy, je me suis, certes, retrouvé de l’autre côté de la barrière, mais je n’ai pas eu à apprendre un nouveau métier car, d’une part, je connaissais déjà les problématiques, les préoccupations et les facilités d’un groupe de distribution et, d’autre part, je savais comment gérer les relations avec le constructeur. Le hasard de la vie a fait que j’ai pris une autre option au bout de huit mois, en aucun cas liée à un problème, une incompréhension ou une difficulté à gérer les problématiques du groupe. Au final, cette expérience n’a fait que conforter et confirmer ma perception des distributeurs, et la manière de travailler avec eux.
JA. Une récente étude de Cetelem pointait les différences de perception entre les constructeurs et les distributeurs sur les attentes, les besoins et les critères de choix de véhicules des automobilistes. L’approche du métier est-elle réellement différente lorsque l’on est de l’autre côté de la barrière ?
YP-D. Les cas sont très différents d’une marque à une autre, selon qu’elles sont généralistes, avec l’obligation d’aller chercher un volume très important pour être rentable, ou Premium et spécialistes, qui s’inscrivent davantage dans une logique de rentabilité et d’image de marque via des investissements spécifiques. Mais je pense qu’il s’agit avant tout d’une affaire d’hommes, et de communication de la stratégie, entre celui qui est à la tête de la marque et le dirigeant du groupe de distribution. Si le constructeur impose ses contraintes, ses normes sans explication et sans vision sur le long terme, il est certain que le courant ne passera pas. Tout ce qui est brutal et qui n’est pas expliqué va générer de la défiance, de la méfiance et de la tension entre un constructeur et son réseau, au détriment du business. Au contraire, si la marque explique, justifie, accompagne son réseau, tout se passera très bien. Certaines marques, soumises aux mêmes contraintes que les autres, s’en sortent très bien car elles savent faire passer des investissements, vendre un marché futur et entretenir une relation de proximité avec leur réseau.
JA. Vous présentez à Paris le très attendu XC90. Qu’est-ce que vous attendez de ce véhicule ?
YP-D. Le XC90 est vecteur de plusieurs messages : il est le vaisseau amiral de la marque, il dévoile sa nouvelle image et son nouveau logo, il préfigure les futurs modèles et il rassemble tous les éléments technologiques de la sécurité. De fait, en 2020, Volvo déclare qu’il n’y aura plus d’accidents mortels au volant ou à l’extérieur d’une voiture de la marque lorsqu’elle est impliquée. C’est un message très fort.
JA. Et sur le plan commercial ?
YP-D. Nous pensons que le nouveau XC90 peut rééditer la success-story de son prédécesseur, avec une volumétrie réduite car le segment, en France, est descendu de 30 000 à 13 000 unités par an. Dès lors, les places sont plus chères et les concurrents sérieux. Mais nous affichons une très forte ambition afin de reconquérir la position qui était la nôtre, à savoir revenir dans le trio de tête du segment. Nous ciblons 1 800 à 2 000 ventes, et ce dès 2015.
JA. La marque affichait une croissance de 12,4 % et une part de marché de 0,65 % à fin septembre. Quelle lecture faites-vous de ces résultats ?
YP-D. Il s’agit d’une progression qui est méritée dans le sens où nous n’avons lancé aucun nouveau produit au cours de l’année. Nous avons même perdu deux modèles à fort volume, la C30 et la C70, qui ne sont plus au catalogue depuis janvier. Notre croissance est soutenue par chacune de nos lignes de produits et s’est faite à la force du poignet avec ce que nous avions. Nous avons bien progressé sur les ventes à sociétés, nous avons également une excellente position sur le marché de la location longue durée, grâce au XC60. Concernant le marché des particuliers, notre mix de ventes reste toujours de 28 %. La pénétration de la V40, notre modèle le plus sensible au volume mais qui est encore très méconnu, reste encore figée à 0,35 point du marché des particuliers, par rapport à une part de marché globale de 0,7 % en septembre. Notre ambition est donc d’aller chercher des volumes et d’améliorer la position de la V40 sur le segment le plus concurrentiel. Pour cette fin d’année, notre objectif est de maintenir notre bonne part de marché autour de 0,7 %. En revanche, je ne garantis pas que nous allons conserver cette croissance des volumes de 12 %, par rapport à un dernier quadrimestre 2013 exceptionnel, qui avait sauvé l’année et la rentabilité des concessionnaires.
JA. Combien de sites Volvo doit-il comptabiliser en France pour respecter votre ambition de 1 % de part de marché à l’horizon 2020 ?
YP-D. Traditionnellement, on affirme qu’une marque correctement installée sur le marché, avec un volume intermédiaire, a besoin de 150 points de vente en France. Aujourd’hui, nous en totalisons 110. Pour une marque Premium, qui vise entre 19 000 et 20 000 unités à horizon 2020, j’estime que le réseau pourra vivre et surtout être rentable avec une couverture de 120 à 125 points de vente. C’est réaliste. En revanche, la barre des 150 sites est trop élevée car elle nous obligerait à aller dans de trop petites villes. Nous venons d’ouvrir, en septembre, une concession à Calais, qui affiche un potentiel immédiat de 60 à 70 voitures. C’est le premier cas concret d’ouverture. Nous avons reçu six candidatures sur des villes très ciblées où nous souhaitons nous installer. Mais le travail de fond ne fait que démarrer.
JA. Pensez-vous pouvoir atteindre cette rentabilité de 1,4 % qui était celle du réseau Volvo à fin 2013 ?
YP-D. Si la rentabilité du réseau affichait effectivement 1,4 % à la fin de l’exercice passé, il faut savoir qu’elle était très fortement dans le rouge à la fin du premier trimestre 2013. C’était d’ailleurs encore le cas à la fin du premier semestre et c’est véritablement la deuxième partie de l’année qui a sauvé l’ensemble. A la fin du premier trimestre 2014, le réseau était rentable, rentabilité qui s’est confirmée, voire améliorée, à la fin du premier semestre. Cependant, je ne peux pas encore parler de l’atterrissage pour cette fin d’année. De plus, le pourcentage n’est pas ma seule préoccupation. C’est-à-dire qu’une rentabilité de 1,4 % rapportée à un chiffre d’affaires trop faible ne représente pas une garantie suffisante pour créer une confiance dans les investissements futurs. Je suis satisfait du pourcentage, mais je ne suis pas satisfait de la valeur absolue de ce chiffre de rentabilité, qui devrait se situer en valeur moyenne entre 50 000 et 70 000 euros. Nous devons développer le chiffre d’affaires, c’est la clé du succès.
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QUESTIONS À… Thomas Ingenlath, vice-président senior en charge du design de Volvo Car Group.
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Comment expliquez-vous cette différence esthétique notable entre les prototypes dévoilés lors de nombreux salons et le XC90, que vous présentez à Paris ?
THOMAS INGENLATH. Nous avons effectivement dévoilé trois concept-cars distincts à Détroit, Francfort et Genève, qui préfiguraient la nouvelle direction du design de Volvo. Nous avons toujours affirmé que ces concept-cars représentaient le futur du plan produits de la marque. Evidemment, l’expression de dynamisme qui caractérisait ces modèles apparaît différemment et de manière moins prononcée sur le XC90, mais ce dernier n’en reste pas moins le modèle le plus sophistiqué à ce jour sur le segment des SUV. Je pense que ce produit est tout sauf conventionnel. L’idée n’a jamais été de développer un produit qui se démarque par son caractère sportif, cela n’aurait pas eu de sens pour un véhicule sept places.
JA. Quels sont les principaux éléments développés sur le XC90 que l’on retrouvera sur les prochains modèles de la gamme ?
TI. A l’extérieur, les phares en forme de T sont une première signature que l’on retrouvera sur la future génération de véhicules. L’aérodynamisme procuré par les proportions de la voiture, à travers les roues avant, l’habitacle, le capot, est un autre élément clé qui caractérisera la future génération. Enfin, l’écran tactile en format portrait sera également une pièce centrale commune à tous les futurs véhicules.
JA. Comment concilier ce style et cet ADN scandinaves et les demandes des acheteurs chinois, européens et américains, qui sont vos trois principaux clients ?
TI. L’écueil est justement de vouloir mixer ces diverses cultures. Je pense que nous surestimons les différences de goût entre les continents. Quels que soient les pays, notre ambition est de véhiculer cet univers, ce style de vie scandinave, c’est précisément ce que les clients attendent, et c’est ce qui fait l’attractivité de notre marque. Que ce soit en Chine ou aux Etats-Unis, nos clients recherchent l’univers du Premium, une expérience de vie. Notre mission est de répondre aux attentes des consommateurs, en particulier en termes de confort, et à leurs habitudes de conduite. A ce niveau, je pense que nous avons franchi une étape importante chez Volvo ces trois dernières années.
Toutefois, nous pouvons observer des différences dans la manière d’appréhender le produit. Ainsi, en Europe, la plupart des acheteurs jugent la voiture après avoir pris position derrière le volant et l’avoir testée. Les Chinois ont plutôt tendance à s’installer à l’arrière pour avoir un aperçu et un ressenti global de la voiture et de l’ensemble de ses fonctionnalités.
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