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Constructeurs

Vincent Besson élu Homme de l’Année 2010 !

Publié le 25 février 2011

Par Alexandre Guillet
15 min de lecture
Alors qu’aucun grand favori n’émergeait vraiment du premier tour de délibérations, Vincent Besson, directeur de la stratégie produits et marchés de PSA, a finalement été largement élu Homme de l’Année 2010, avec la majorité absolue, fait suffisamment rare dans l’élection pour être signalé. Le jury tient ainsi à mettre en avant un dirigeant ancré dans la réalité du produit au même titre qu’un homme affable. Face à une vision large de l’automobile, au succès prometteur de la DS3, à la montée en gamme séduisante de Citroën et au nouveau souffle qui se fait sentir chez Peugeot, Alan Mulally et Vincent Bolloré n’ont pas pu inverser la tendance, surtout qu’ils avaient, eux, des détracteurs féroces. Récit.

Comme nous vous le révélions dans notre précédente édition, le premier tour de délibérations n’avait pas permis de distinguer véritablement de grands favoris et le jury avait mis en exergue un nombre très élevé de “candidats” à la distinction d’Homme de l’Année 2010. Le second tour, sanctionné par le vote final, s’est finalement révélé moins profus, les débats ne se concentrant que sur quelques noms et aucun “invité surprise” ne venant brouiller les pistes. Adrian Newey fut de nouveau cité, un membre du jury tenant à souligner “son côté enthousiasmant et les choses extraordinaires accomplies tout au long de sa carrière et l’an passé en particulier. Par ailleurs, il sait fouler aux pieds les idées reçues sur la Formule 1 et son cirque au sens propre”. Pour d’autres, c’est alors Sébastien Vettel, plus jeune champion du monde de l’histoire de la F1, qui mérite d’être honoré pour son talent et sa fraîcheur, mais plusieurs membres du jury lui reprochent un manque de charisme rédhibitoire.

Dans un registre différent, Donato Coco peut compter sur de fervents soutiens : “Cinq voitures en six mois, c’est du jamais vu ! Un vrai feu d’artifice ! Les nouvelles Lotus ont de surcroît le mérite d’être très séduisantes”. Mais d’aucuns objectent derechef que ces voitures ne roulent pas, que l’exercice relève plus de la variation que du feu d’artifice et qu’il est placé sous le signe d’un coup de communication. Selon d’autres membres du jury, si on doit s’en tenir au produit, le blockbuster 2010 est sans nul doute le Duster, qui vient prolonger dans une veine enfin attractive la saga Dacia. “Dacia fait des étincelles. Même si Georges Douin a déjà été élu en partie pour cela, il faut se souvenir qu’à l’époque, c’était un pari sur le concept, alors que la marque est aujourd’hui en plein boom. On parle bel et bien désormais d’un succès commercial et financier et le mérite en revient largement à Gérard Detourbet”.

Ne pas oublier les équipementiers et leurs dirigeants

Autre “buzz” de l’année 2010, le véhicule électrique, ce qui conduit un membre du jury à mettre sous les feux de la rampe le discret François Bancon, en charge du programme électrique chez Nissan : “C’est un ancien journaliste de Libération, très sympathique, et qui est vraiment l’une des têtes pensantes, très en amont, du programme électrique de Renault-Nissan. Nous ne sommes pas dans le registre de la communication parfois arrogante du VE à la française, mais nous évoquons la vraie cheville ouvrière d’un projet d’envergure pour l’Alliance, et pour l’automobile en général”. Rupert Stadler réunit aussi quelques suffrages, porté par le succès presque insolent d’Audi. “Produits, commerce, finances, sport automobile, communication… tout est là ! Mais en France, on a souvent du mal à récompenser les réussites immaculées… et peut-être que le dirigeant de la marque n’a pas assez d’aspérités…

Pourtant, Rupert Stadler est un patron de premier ordre, promis à un encore plus bel avenir”. Enfin, plusieurs membres du jury reviennent à la charge sur l’importance des équipementiers et de leurs dirigeants, trop souvent méconnus. “Même si c’est moins “glamour” et que la dimension du produit fini manque sans doute pour bien des gens, les équipementiers ont marqué l’année 2010. Et des dirigeants comme Laurent Burelle, Yann Delabrière, ou encore Franz Fehrenbach, sont ainsi emblématiques et peuvent prétendre à différents titres à la distinction d’Homme de l’Année”. Voilà pour la liste de ceux qui ont encore animé les débats, mais qui n’ont, au final, recueilli aucun vote…

Sébastien Loeb et Sergio Marchionne, des anciens lauréats encore aux avant-postes

Avec deux voix, Sébastien Loeb, pourtant déjà élu en 2005, fait mieux et compte sur des indéfectibles soutiens : “Il a certes déjà été distingué, mais ce qu’il fait est plus que remarquable. 7 titres consécutifs, c’est du jamais vu dans le sport automobile ! Et il est devenu un précieux porte-drapeau pour la marque. En outre, avec l’accident tragique de Kubica, on se rend mieux compte de ce que réalisent ces champions à longueur d’années, sans la sécurité du circuit. On a trop tendance à l’oublier, à banaliser l’exploit… Il faut bien entendu y associer Daniel Elena, car c’est un binôme. En outre, Sébastien Loeb est encore le sportif préféré des Français, malgré son caractère plutôt renfermé et on sait que Daniel Elena est lui très jovial et enjoué. Sébastien Loeb a mis le rallye devant la F1 en France. Parce qu’il n’y a pas de pilote français en F1 sans doute, mais cela n’en reste pas moins exceptionnel”. Bien qu’il ne suscite aucune inimitié ni aucune réserve, le fait qu’il ait déjà été élu lui est vraisemblablement préjudiciable à l’heure du vote.

Et certains membres du jury estiment que l’élire une nouvelle fois aujourd’hui ne consisterait qu’à ajouter une couronne de plus, alors que c’était un pari, une marque d’instinct sur des succès à venir il y a cinq ans. Lui aussi déjà élu, cette fois en 2006, Sergio Marchionne, administrateur délégué de Fiat, obtient encore deux voix : “pour l’audace prometteuse de la prise de contrôle de Chrysler, le montage effectué autour de la branche auto du groupe et des signes positifs dans le bilan financier”. Malgré un charisme et un pouvoir de séduction unanimement salués, Sergio Marchionne nourrit aussi une vaste école des sceptiques autour de l’opération Fiat-Chrysler et cela se révèle in fine insurmontable.

Bolloré séduit mais ne fait pas l’unanimité

Puisqu’il est question du véhicule électrique, qui a polarisé l’attention du monde automobile en 2010 en France, mais aussi en Europe et sur de nombreux marchés, Vincent Bolloré est mis sur le devant de la scène par plusieurs membres du jury. “Il va vraisemblablement connaître des difficultés, voire un échec, mais il ose, il fait bouger les lignes ! En France, il incarne les nouveaux entrants dans le secteur automobile. Bref, il faut aussi oser et distinguer la voiture électrique avant qu’elle ne soit une réalité”, lance un membre un jury, immédiatement relayé : “Vincent Bolloré séduit précisément par son côté nouvel arrivant qui peut venir bousculer les habitudes. Il n’y a qu’à voir la réaction de Renault à son égard !”.

Mais quand son orientation de parti-pris, faite d’audace et de prise de risque, plaît aux uns, d’autres stigmatisent un projet qui baigne encore dans un flou absolu. Manque de cohérence et de rigueur industrielles, prise de risque sous couvert de subventions et lobbying opaque sont dès lors pointés du doigt. En outre, eu égard à ses autres activités et à son positionnement sur l’échiquier du patronat, l’homme ne fait pas l’unanimité.

Quand Alan Mulally déchaîne les passions…

On retrouve une division similaire des jugements sur le président et CEO de Ford Motor Company, Alan Mulally. Pour les uns, il s’agit bel et bien du sauveur de Ford, d’un dirigeant qui a su gagner un coup d’avance pour éviter d’avoir recours aux perfusions de l’administration Obama. Concert de louanges : “Quand Alan Mulally est arrivé à la tête de Ford, le groupe était dans un sacré désordre. Il a su remettre les choses à plat rapidement et soulever des fonds avant la crise pour financer les projets. Il a un charisme évident ! De plus, comme il l’a déjà prouvé chez Boeing, il a une envergure plurisectorielle et mondiale” ; “Mulally s’impose à mes yeux. Pour les performances économiques et financières du groupe l’an passé, les meilleures depuis de longues années, mais aussi pour avoir su traverser la crise sans aides d’Etat et là, je ne pense pas uniquement aux constructeurs américains, mais aussi à d’autres… Il a su piloter dans les turbulences, restructurer ce qui devait l’être et redonner un dynamisme à son groupe et à ses salariés. Par exemple, le groupe va bientôt surprendre avec un modèle qui sera aussi déconcertant que la smart en son temps” ; ou encore : “Mulally a un parcours atypique et qu’on le veuille ou non, il incarne aujourd’hui le redressement de Ford. De surcroît, sa réforme du management, qui a un peu ébranlé l’Allemagne et les Européens en général au début, est prometteuse et porte les germes de succès à venir”.

Mais un membre du jury vient ouvrir une première brèche : “Ford et Mulally ne sauraient faire l’unanimité… Chez les Américains, GM, certes avec l’aide massive de l’Etat, semble plus prometteur, au plan industriel comme au niveau des produits et des marchés. Son rôle de benchmark, voire de leader d’opinion en Chine, avec Volkswagen, en est une bonne illustration. Maintenant, ce n’est pas Akerson qui peut être présenté comme un magicien, loin de là…”. D’autres bémols ne se font pas attendre. “On peut tout de même être sceptique… Ford a aussi été soutenu et Alan Mulally faisait partie des réunions de crise avec les équipes d’Obama. En outre, le plan de compétitivité des usines et le plan produits actuels ont été définis avant son arrivée. Et puis, il a vendu les bijoux de famille. Il a défait ce que Nasser avait construit, parfois sans faire montre d’un sens des affaires très carnassier. Méditons sur Volvo par exemple…”, glisse un membre du jury avant qu’un autre ne poursuive : “Les résultats économiques sont meilleurs et le groupe sort de la faillite et de la banalité pour retrouver envergure et caractère. Reste à savoir si c’est vraiment l’œuvre de Mulally et si c’est vraiment aussi convaincant qu’on veut nous le faire croire…”. Et les objections de se muer en charge : “Elire Mulally, c’est élire un borgne au royaume des aveugles ! De plus, on en fait beaucoup sur son passage chez Boeing… On irait presque jusqu’à créer un mythe de sauveur alors qu’il est resté très peu de temps. C’est avant tout un mercenaire, âpre au gain comme en témoignent ses émoluments. C’est l’image de tout un système délité qu’il convient de combattre pour éviter de nouvelles dérives”. En somme Alan Mulally a encore trop de détracteurs pour établir un consensus et réunir un nombre de voix significatif.
 
Consensus autour de Vincent Besson et de la DS3

Ce consensus, Vincent Besson, régulièrement nominé ces dernières années, ne peine pas à l’obtenir. C’est presque la seule chose qu’un membre du jury trouve d’ailleurs à lui reprocher, et encore, sur un ton volontiers badin : “Vincent Besson est tellement agréable et intéressant qu’il en a presque un côté “gendre idéal” ou Michel Drucker… Cependant, ce consensus est aussi à son honneur”. Le succès de la DS3 constitue un argument de poids pour en faire l’Homme de l’Année 2010. “Beaucoup jouent les redresseurs de tort a posteriori en vantant soudain Christian Streiff pour le label DS. Certes, il l’a validé en tant que patron de PSA, mais c’est bien Vincent Besson qui a proposé le concept et qui l’a défendu. Déjà pour la Pluriel, qui n’a certes pas eu un grand succès commercial et qui portait en elle des choix discutables, c’est Vincent Besson qui en était à l’origine.

C’est le début du changement d’image, c’est même un succès d’image. Vincent Besson, c’est l’homme qui a cherché à élargir le spectre de possibilités de la marque. C’est celui qui voit loin et large pour Citroën et désormais pour Peugeot”, note un membre du jury. “DS, c’est vraiment son bébé. C’est d’ailleurs lui qui a choisi le nom. Jusqu’à il y a peu, la direction de Citroën refusait de faire référence à son passé, et notamment à la DS et Vincent Besson a dû travailler longtemps pour légitimer ce patrimoine. Jean-Pierre Ploué en est le parfait relais pour le langage formel et les deux hommes ont en plus de leur compétence spécifique une bonne maîtrise moderne du marketing”, renchérit un autre aussitôt soutenu : “Grâce à lui notamment, Citroën a su se réconcilier avec son passé, c’est vrai. Avant, c’était une histoire de “fils de”, pas à la hauteur. Mais maintenant que les produits sont de nouveau à la hauteur, la marque peut revisiter son passé et exploiter cette richesse longtemps délaissée”.

Pour beaucoup, l’intelligence de Vincent Besson et de ses équipes avec DS réside dans le fait de ne pas être allé chercher les Allemands sur leur terrain et d’avoir programmé une montée en gamme progressive et dénuée de prétention. En choisissant la voie d’une voiture à vivre, à la mode et bien dans son époque, c’est-à-dire lifestyle. “Avec DS, Citroën et Vincent Besson ont réussi une alchimie très originale. C’est plus complexe que les revivals Mini ou New Beetle. Et quel plan de communication, quelle maîtrise du teasing !”, souligne encore un membre du jury.

Un as du produit et un homme fidèle et authentique

Mais les mérites de Vincent Besson ne sauraient être réductibles à la seule ligne DS. D’une manière générale, c’est d’ailleurs l’homme du produit au sens large qui séduit. “Il est véritablement ancré dans cette réalité et je pense que c’est une bonne chose de distinguer ce type de profil car la presse a trop souvent tendance à choisir les capitaines d’industrie ou les financiers. De surcroît, on pense toujours que ce sont des gens très installés, que leur parole est d’or, mais en réalité, ils doivent souvent se battre pour imposer leurs projets, avec le risque que cela comporte. Bref, c’est un second qui a toutes les qualités pour être un premier”, souligne ainsi un membre du jury. Et un confrère de renchérir dans le même ordre d’idée : “Avec Vincent Besson, c’est le succès du moment, mais aussi le succès solide du long terme, donc il n’y a pas d’erreur. Ce n’est pas un CEO, un leader d’opinion mondial, certes… Mais c’est aussi la spécificité de cette élection de ne pas se limiter aux grands noms, les cinq six capitaines d’industrie qu’on voit dans Forbes, et de distinguer des n-1 ou n-2.

Avec Vincent Besson, on a une forme de certitude, avec Philippe Varin, ce serait trop tôt, on paierait pour voir”. L’homme du produit et le dirigeant opérationnel sont ainsi plébiscités. Au chapitre des produits, l’année 2010 a été riche et plusieurs membres du jury tiennent à valoriser le travail effectué sur les produits de grande série, comme la nouvelle C4 par exemple. “Et les premiers projets que l’on devine chez Peugeot laissent augurer des réalisations tout aussi séduisantes”, ajoute encore un membre du jury. Un travail varié, car tout le monde attend avec impatience l’offensive “Essentiel” qui doit revisiter le low-cost sous un mode innovant et plus “sexy”. Un travail qui ne date pas d’hier : “N’oublions pas la refonte totale de la C5, refonte nécessaire mais très importante et fort réussie. Certains objecteront que c’était déjà lui aux commandes, entre guillemets, pour la première C5, mais les moins jeunes s’en souviennent, lors de la présentation, il avait du mal à y croire, il était gêné… les designers de l’avant n’avaient pas parlé à ceux de l’arrière et c’était à lui de faire l’article…

Cela prouve aussi qu’au fil du temps, il a pris de l’importance dans le groupe, sa dernière nomination transversale et “groupe” en témoigne”. Les progrès sur la qualité sont d’ailleurs salués, comme cette démarche globale visant à faire de Citroën et désormais de Peugeot “des Audi à la française”. En synthèse : “Vincent Besson est l’homme du moment, l’homme de l’année et c’est notre propos. Mais c’est aussi un homme qui a un passé qui parle pour lui et qui fait taire les gens qui voudront dire que c’est le choix “facile”, “à la mode”. Quand il était à la direction des achats de Citroën, il a fait partie de ceux qui ont su aider les fournisseurs à se moderniser, c’est-à-dire à avoir plusieurs clients grands comptes, à se structurer, à investir, etc. Et c’est un homme qui aime sa marque et son groupe, fidèle et authentique, ce qui n’est pas si fréquent”.

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FOCUS - Les membres du jury

• Astagneau Denis, France Inter
• Barbe Stéphane, L’Equipe
• Bazizin Luc, France 2
• Bellu Serge, Automobiles Classiques
• Bolle Héloïse, Challenges
• Botella Jean, Capital
• Boulanger Pascal, LCI
• Bourroux Christophe, RTL
• Calvez Laurent, France 3
• Chapatte Dominique, M6 Turbo
• David Christian, L’Expansion
• Decarre Olivier, free lance
• Duron Dominique, Marie Claire
• Fillon Laure, AFP
• Fréour Cédric, Les Echos
• Frost Laurence, Bloomberg News
• Gallard Philippe, free lance
• Gay Bertrand, Autostratinternational
• Genet Jean-Pierre, L’Argus
• Genet Philippe, La Revue du Vin de France
• Grenapin Stanislas, Europe 1
• Jouany Gérard, free lance
• Lagarde Jean-Pierre, free lance
• Macchia Jean-Rémy, France Info
• Marmet Jérôme, Le Journal des Finances
• Massy-Beresford Helen, Thomson Reuters
• Meunier Stéphane, L’Automobile Magazine
• Normand Jean-Michel, Le Monde/Le Monde 2
• Pennec Pascal, Auto Plus
• Péretié Olivier, Le Nouvel Observateur
• Robert Lionel, free lance
• Roubaudi Renaud, free lance
• Roy Jean-Luc, Motors TV
• Verdevoye Alain-Gabriel, La Tribune
• Zambaux Guillaume, Le Parisien

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