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Constructeurs

Une histoire tchèque

Publié le 8 avril 2005

Par Christophe Jaussaud
8 min de lecture
Skoda Auto a 100 ans ! Depuis la Voiturette Laurin & Klement née en 1905, le constructeur tchèque n'a quasiment plus quitté la scène automobile européenne malgré une histoire politique mouvementée. De l'Empire austro-hongrois à la République tchèque en passant pour la Tchécoslovaquie,...

...retour sur l'histoire de Skoda Auto.


Alors que l'Empire austro-hongrois et François-Joseph dominent encore l'Europe centrale en 1895, Vaclav Laurin et Vaclav Klement jettent les bases de Skoda. Point de départ d'une formidable aventure, la société familiale Laurin & Klement se lance dans la fabrication de bicyclettes. Une activité qui sera vite complétée par la construction de motocyclettes. En effet, dès 1899, les "Vaclav" présentent leur première réalisation motorisée : la Slavia. La compétition devient un excellent vecteur de promotion grâce aux victoires qu'ils enregistrent dès 1901. Mais la jeune société ne se satisfait pas de cette réussite sur deux-roues et fait de l'automobile son nouveau défi. C'est ainsi que la première Laurin & Klement, la Voiturette, apparaît en 1905. Une date anniversaire qui marque le centenaire de Skoda Auto. Cette première automobile, biplace, est mue par un deux cylindres de 1 005 cm3, quatre temps, qui développe 7 ch. Ce coup d'essai se transforme rapidement en coup de maître puisque toutes les prévisions des deux associés explosent. Pour répondre à la demande et profiter au mieux de cet engouement, la marque développe de nouvelles versions, une 4 places, une fourgonnette ainsi que des motorisations plus puissantes. Adieu vélos et bicyclettes, Laurin & Klement devient un constructeur automobile à part entière. En 1907, l'unité de production demande des investissements et, afin d'assurer l'avenir, Laurin et Klement font de l'entreprise familiale une société par actions. Un changement de dimension que l'on perçoit immédiatement dans les produits. En effet, avec l'apparition du modèle FF en 1907, Laurin & Klement propose le premier huit cylindres d'Europe centrale. Le commerce est florissant, les modèles du constructeur sont connus à travers toute l'Europe et sont même exportés en Egypte, au Japon ou en Nouvelle-Zélande. La compétition, présente tout au long du siècle, vient consolider ce succès. Les Laurin & Klement battent des records de vitesse, gagnent de nombreuses courses telles que Saint-Peterbourg-Moscou, la course des Alpes, celle des Carpates, etc. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale vient briser cet élan.

La fusion entre Laurin & Klement et Skoda Plzen donne naissance à Skoda

Durant le premier conflit mondial, les automobiles quittent les chaînes de montage pour laisser place à "l'effort de guerre". Au sortir de la guerre, la toute jeune Tchécoslovaquie est exsangue et l'automobile n'est pas la priorité du moment. La société florissante d'avant-guerre doit alors son salut à la production de charrues à moteur. Toutefois, les dirigeants de l'entreprise n'ont jamais perdu de vue l'automobile. Il faudra cependant attendre 1923 pour voir le marché automobile redémarrer, mais d'une manière différente. En effet, à cette époque, le marché tchécoslovaque demande des véhicules bon marché, et la marque ne dispose pas d'un tel produit. De plus, elle ne possède pas les fonds nécessaires pour développer et lancer ce nouveau projet. La fusion avec Skoda Plzen sera la solution. C'est en 1925 que l'ère Laurin & Klement prend fin et que débute celle de Skoda. Comme bien souvent dans pareils cas, le logo trônant sur les véhicules est le premier élément visible du changement. La flèche ailée, qui est toujours le logo de Skoda Auto aujourd'hui, devient une réalité. Dans cette optique de faibles prix, qui sera encore renforcée par la crise économique des années 30, la marque tchécoslovaque lance la Skoda 420 Standard. Ce modèle, avec son concept de châssis central, jette les bases techniques des Skoda des trente années suivantes. Le premier dérivé, la Skoda Popular, sera une réussite commerciale et technique. En effet, cette petite voiture connaît un succès planétaire, notamment grâce à son prix, mais aussi à ses différentes versions appelées alors Tudor, Tudor-cabriolet, Roadster ou encore Fourgonnette. Skoda Auto vit à nouveau les joies de la croissance, que viennent renforcer des modèles comme la Rapid et la Favorit. Une bonne santé financière qui fait renaître des envies de luxe comme au début du siècle avec la FF et son moteur huit cylindres. La Skoda 640 Superb vient concrétiser cette volonté en 1934. Elle est alors équipée d'un 6 cylindres de 40 ch. Mais, une nouvelle fois, l'Histoire va s'en mêler.

Meurtrie par la Seconde Guerre mondiale, Skoda goûte ensuite à la planification communiste

La Seconde Guerre mondiale n'est plus très loin et la Tchécoslovaquie est au centre de la crise. En effet, le 29 et le 30 septembre 1938, le IIIe Reich annexe la région des Sudètes après la conférence de Munich. Le premier effet sera de voir disparaître la production des voitures de tourisme dans l'usine de Mlada Boleslav. Quelques semaines après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Skoda reprend la production. Le premier véhicule à sortir des chaînes, malgré les dégâts, est un camion Skoda 256. Mais nouveau coup de théâtre : à l'automne 1945, l'usine est nationalisée et rebaptisée AZNP (Usine automobile, Entreprise nationale). L'Etat tchécoslovaque dirige maintenant les opérations et demande à cette entreprise nationale de se consacrer à la production de voitures de tourisme. Le premier résultat est la Skoda 1101 et ses dérivés qui reposent en fait sur la base technique améliorée de la Popular d'avant-guerre. En 1948, avec l'arrivée des communistes au pouvoir, le peu de liberté dont dispose Skoda disparaît. Tout est planifié, chaque décision devient politique. La Skoda 440, la Spartak, commercialisée en 1955, est le premier modèle de cette nouvelle ère. En 1959, elle évolue et devient l'Octavia. Une nouvelle appellation qui signifie en fait "huitième", c'est-à-dire le huitième modèle depuis la Skoda Popular des années 30. Une année 1959 riche puisque, à quelques mois d'intervalle, le Roadster 450, issu de la berline 440, évolue et change également de nom. Il devient la Skoda Felicia. Après ce cycle de renouvellement, il faut attendre 1964 et la Skoda 1000 MB pour voir le constructeur tchèque renouer avec l'innovation. En effet, avec ce nouveau modèle, Skoda lance un moteur avec un bloc en aluminium qui, avec des évolutions bien évidemment, restera sous le capot de six générations de modèles, jusqu'en 2003. C'est en quelque sorte, d'un point de vue longévité, le "Cléon tchèque". En 1964, le bloc alu de cette mécanique de 988 cm3 ne pèse, après façonnage, que 9,6 kg. La marque arrive à ce résultat grâce à la technologie du coulage sous pression de l'aluminium brevetée en 1922 par l'ingénieur tchèque Josef Polak. Skoda réussit donc à innover durant les années 60 mais, malheureusement, une nouvelle fois pourrait-on dire, la politique vient briser cet élan.

Après deux décennies chaotiques, Volkswagen relève le défi tchèque

En 1968, le Printemps de Prague ouvre une nouvelle période dans la vie mouvementée de l'entreprise tchèque. Les deux décennies suivantes, 70 et 80, mettent en exergue les limites du modèle économique socialiste. Bien que toujours relativement créatifs, malgré le manque de moyen, les hommes de Skoda voient leurs projets mis au placard par les décideurs du parti. Cependant, un modèle réussit à passer à travers les mailles du filet, le coupé sport Skoda 110 R. Il portera d'ailleurs bien haut les couleurs de Skoda dans divers championnats, notamment en rallye avec John Haugland au volant d'un coupé 130 RS. Les années 80, les dernières années de Skoda sous l'ère communiste, ne laisseront pas de grands souvenirs. Toutefois, en 1987, alors que le régime en place est déjà vacillant, notamment sous l'impulsion de Vaclav Havel, la marque réussit tout de même à sortir la Favorit. Vu le contexte dans lequel ce modèle a été développé puis fabriqué ainsi que les productions automobiles de l'époque dans le bloc de l'Est, la marque a véritablement réalisé une performance. En novembre 1989, la Révolution de Velours fait chuter le régime communiste et Vaclav Havel est élu président de la République. Skoda doit alors impérativement se restructurer et trouver des fonds pour continuer à exister, comme beaucoup d'entreprises du pays. Dès 1990, l'Etat tchécoslovaque accepte une coopération avec le groupe Volkswagen qui acquiert 30 % du capital de Skoda nouvellement transformée en société anonyme. Le constructeur allemand ira au bout de sa logique en 2000 en devenant propriétaire à 100 % de Skoda Auto. Une première décennie sous le contrôle de Volkswagen qui verra le pays, la Tchécoslovaquie, se scinder le 1er janvier 1993 en deux pays, la République tchèque et la Slovaquie. Un nouvel événement historique qui, contrairement aux précédents, ne va pas remettre en cause la progression de la marque. Depuis cette date, Skoda a changé de dimension, notamment industrielle, passant de 180 000 véhicules produits en 1990 à 450 000 quatorze ans plus tard. L'outil de production, les gammes, l'organisation, etc., tout a changé sauf l'essentiel finalement : les valeurs de Skoda. Au cours de son histoire, la marque tchèque aura été tour à tour l'ambassadrice du luxe tchèque, puis constructeur de voiture bon marché, deux visions de l'automobile toujours d'actualité avec la Superb et la Fabia.
Skoda est sur les bons rails, peut-être un peu trop rationnels. Comme l'avait souligné Jean-Luc Barbier, le chef du département produits et marketing de Skoda Auto, durant le Salon de Genève, "Skoda doit tendre vers des produits plus émotionnels. Ce sont ces types de produits dont la marque va accélérer le développement pour séduire un public plus jeune, plus féminin et plus urbain". Les premiers effets de cette volonté ne vont d'ailleurs pas tarder à être commercialisés puisque le Roomster sera lancé durant le Salon de Genève 2006 et que le Yéti devrait suivre un an plus tard.


 Christophe Jaussaud

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