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Constructeurs

Un exercice de grand style pour Toyota

Publié le 28 mai 2004

Par Tanguy Merrien
11 min de lecture
Le bilan de l'année fiscale 2003/2004 de Toyota restera dans les annales du capitalisme japonais. Pour la première fois, une entreprise a enregistré un bénéfice net supérieur aux mille milliards de yens. En termes de vente et de finance, la firme menée par Fujio Cho a une nouvelle fois battu tous...
Le bilan de l'année fiscale 2003/2004 de Toyota restera dans les annales du capitalisme japonais. Pour la première fois, une entreprise a enregistré un bénéfice net supérieur aux mille milliards de yens. En termes de vente et de finance, la firme menée par Fujio Cho a une nouvelle fois battu tous...

...ses records. Selon les critères et les périmètres retenus, Toyota se classerait au deuxième rang des constructeurs mondiaux pour 2003. Retour sur quelques-unes des clés du succès de l'entreprise.


"La culture d'entreprise de Toyota se caractérise notamment par le culte du progrès permanent, du travail en équipe, de l'analyse fondée sur les faits. Il y a aussi une obsession de la qualité dans tous les domaines. C'est, je crois, l'un de nos grands avantages concurrentiels dans le monde. Toyota a réussi aux Etats-Unis car il a fait de la qualité son avantage concurrentiel numéro un, et j'ai la conviction que Toyota est en train de réussir en Europe pour les mêmes raisons", analysait récemment dans nos colonnes Thierry Dombreval, responsable des ventes et du marketing de Toyota Motor Marketing Europe.




Zoom

Chiffres d'affaires de Toyota (normes US GAAP)


  • 2001 : 12 955 milliards de yens
  • 2002 : 14 190 milliards de yens
  • 2003 : 15 501 milliards de yens (soit 120,1 milliards d'euros)
  • Cette politique, notamment basée sur la qualité, a permis au géant nippon de battre une fois de plus des records sur son exercice fiscal 2003/2004, achevé fin mars. Le constructeur peut se prévaloir d'une hausse de 54,8 % de son bénéfice net à 1 162 milliards de yens, soit 8,64 milliards d'euros. Ce chiffre demeurera dans les annales du capitalisme japonais. Il s'agit de la première société de ce pays à enregistrer un bénéfice dépassant le seuil des mille milliards de yens. S'affichant à 12,4 milliards d'euros, le bénéfice d'exploitation du groupe atteint également un niveau record. Il a enregistré une progression de 31,1 % sur l'exercice précédent. Selon Toyota, cette hausse s'explique par une amélioration des efforts de marketing, par la réduction des coûts et par le produit tiré du transfert à l'Etat d'une partie du fonds de retraite des salariés. Le chiffre d'affaires consolidé du constructeur japonais a pour sa part connu une augmentation de 11,6 % sur un an, à 128,5 milliards d'euros.

    Maintenir les niveaux actuels de bénéfices

    "Notre production a atteint sa pleine capacité, conduisant à une amélioration de la rentabilité de nos filiales. Dans l'ensemble, les bénéfices d'exploitation de nos filiales ont augmenté de près de 300 % sur les cinq dernières années, a assuré dans un communiqué le président de Toyota, Fujio Cho.




    FOCUS

    Toyota au Japon

    Sur l'exercice fiscal 2003/2004, et en incluant Daihatsu et Hino, Toyota a vendu sur son marché domestique 2,22 millions de véhicules, ce qui correspond à une part de marché de 38,5 %. Sans intégrer les mini-voitures, la part de marché de Toyota au Japon est de 42,3 %. Les ventes sur cet exercice sont similaires à celles de l'exercice précédent.

    Il apparaît clairement que nous bénéficions des efforts menés pour renforcer nos activités à l'étranger et créer un modèle de fonctionnement mondial plus résistant aux fluctuations du marché et aux risques de change." Le numéro un japonais de l'automobile a vendu, lors de son exercice 2003/2004, 6,719 millions de véhicules à travers le monde. L'ambition de la firme est de porter ce chiffre à 7,02 millions sur les douze mois achevés fin mars 2005. Sur l'exercice en cours, Toyota prévoit de vendre 2,33 millions de véhicules au Japon, 2,18 millions en Amérique du Nord et 970 000 sur le marché européen. Par contre, les dirigeants de Toyota n'ont pas souhaité donner de prévisions de résultats consolidés pour l'exercice en cours. Toutefois, le directeur général adjoint du groupe, Ryuji Araki, a affirmé au cours d'une conférence de presse que le constructeur entendait maintenir ses niveaux actuels de bénéfices. Les excellents résultats financiers de l'exercice 2003/2004 s'expliquent également par les réductions de coûts réalisées dans le cadre du plan CCC21 (Construction of cost competitiveness for the 21st century). Sur l'année fiscale 2003, ces économies se sont élevées à 2,2 milliards d'euros. Ces gains ont été réalisés en grande partie grâce à une redéfinition de certains process industriels. Ces succès commerciaux et financiers se concrétisent par une évolution, particulièrement symbolique, du rang de Toyota dans le classement mondial des constructeurs. L'entreprise japonaise est passée l'an dernier, sur les six mois achevés fin septembre, de la troisième à la deuxième place, devant Ford. A 3,17 millions d'unités (en comptabilisant les mini-véhicules Daihatsu et les poids lourds Hino), les ventes de Toyota ont dépassé sur cette période celles de Ford de 43 000 unités. Depuis 1930, GM et Ford avaient perpétuellement occupé les deux premiers rangs. Toutefois, il est à noter que, selon les critères et le périmètre pris en compte, Ford conserve sa deuxième place à la fin de l'année calendaire.

    Une production européenne en augmentation de 49 %

    Parmi les multiples facteurs propres à expliquer les performances de Toyota, la délocalisation de la production est une donnée clé. Produire des véhicules dans la zone même de commercialisation dispense de taxes d'importation, permet de supprimer les fluctuations des taux de change, facteur d'incertitude économique, et bien entendu limite grandement les coûts inhérents au transport. La production à l'étranger de Toyota, en incluant les marques Hino et Daihatsu, a progressé lors du dernier exercice fiscal de 23,6 %, avec un record de 2,77 millions d'unités. Selon le rapport annuel du constructeur, sa production a augmenté l'an dernier en Europe de 49,7 %, à 387 000 unités, de 11,4 % en Amérique du Nord, à 883 000 unités, et de 85,3 % dans les autres régions du monde (hors Japon), à 418 000 unités. Sur ce plan, Toyota est ambitieux. Le constructeur prévoit de porter la production de Yaris sur le site de Valenciennes à 240 000 unités cette année, contre 184 000 en 2003. Sur le site anglais de Burnaston, la production des modèles phares Avensis et Corolla devrait s'élever à 270 000 unités en 2004, contre 220 000 en 2003. Au global, la capacité de production de Toyota sur le Vieux Continent devrait progresser de 50 % cette année par rapport à l'an dernier. Aujourd'hui, le premier constructeur japonais compte 41 sites de production à l'étranger et 5 autres sont planifiés, dont une usine de moteurs en Pologne en 2005 et l'usine commune avec PSA de production en République tchèque la même année. En Europe, le rapport production/ventes est passé de 25 % en 1995 à près de 50 % l'an passé. La stratégie de délocalisation de Toyota s'est nettement accélérée depuis le début des années 90 puisque 25 de ses 41 sites hors Japon ont été construits depuis lors.

    Des performances similaires dans le monde entier

    Si cette stratégie s'avère payante en termes de rentabilité et de ventes, c'est parce que le constructeur est parvenu à transposer sa culture d'entreprise à ses équipes dans le monde entier. Il s'agit là d'un autre point essentiel de la réussite mondiale de Toyota. Grâce à l'adoption des principes du Toyota Way, les différentes usines du groupe affichent sensiblement les mêmes performances, qu'elles soient implantées au Japon ou à l'étranger. Dans le but de faire partager les valeurs fondatrices du Toyota Way, les grands axes de cette philosophie industrielle ont été rassemblés dans un livre et distribué à l'ensemble des salariés du groupe, soit plus de 200 000 personnes. De plus, afin de faciliter l'exportation des méthodes Toyota, le constructeur a mis en place un système de parrainage destiné à ce que chaque usine japonaise aide un site étranger à déployer efficacement et dans les règles de l'art le fameux TPS (Toyota Production System). Fujio Cho, le président du groupe, explique la philosophie du Toyota Way : "Le Toyota Way n'est pas qu'une série de procédures. C'est même plus qu'une culture d'entreprise, il s'agit d'un état d'esprit. C'est pour cette raison que cela ne se parachute pas facilement. Pour qu'il fonctionne vraiment, il doit remporter l'adhésion de tous les salariés sans exception et, surtout, être porté par la direction." Le marché nord-américain symbolise parfaitement la réussite de la stratégie industrielle et commerciale de Toyota. Selon Koji Endo, analyste automobile chez Crédit Suisse First Boston à Tokyo, environ 70 % des bénéfices de Toyota proviennent de cette zone géographique. L'an dernier, en nombre de véhicules, ce seul marché a représenté la moitié des ventes du constructeur en dehors de son marché domestique. A 200 000 unités près, il égale le niveau de ventes de Toyota au Japon. L'an dernier, en Amérique du Nord, le constructeur nippon a capté 11,3 % de parts de marché.

    Des efforts qui commencent à porter leurs fruits

    Outre l'adaptation de ses modèles au goût de la clientèle locale, la grande force de Toyota sur le marché nord-américain est de dépenser moins de la moitié en rabais et autres avantages clients que les constructeurs nationaux, GM, Ford et Chrysler n'ayant pas d'autres choix que de chercher des bénéfices à très court terme.




    FOCUS

    Les analystes apprécient Toyota

    L'agence de cotation Moody's vient d'accorder sa plus haute note à la dette à long terme de Toyota. "Moody's s'attend à ce que Toyota continue d'obtenir d'excellents résultats d'exploitation et une structure financière exceptionnelle. La décision de relever la note de Toyota reflète également sa capacité à poursuivre sa politique de réduction des coûts et ses programmes de diversification des gammes".

    De ce fait, ils se voient dans l'obligation de réduire très sensiblement leurs investissements, à l'inverse de Toyota. Selon certains analystes, cette différence de stratégie devrait se faire nettement sentir à partir de 2005, date à laquelle le retard pris par les constructeurs américains devrait commencer à être visible. Si les efforts de Toyota sur le marché européen commencent à porter leurs fruits, ce dernier aura nettement moins contribué que le marché nord-américain aux bons résultats globaux de la firme. Sur l'exercice fiscal 2003/2004, les ventes de Toyota (incluant Lexus, Daihatsu et Hino) ont connu une progression de 6,7 %, à 776 000 unités. Cette augmentation peut s'assimiler à une vraie performance dans un marché pour le moins morose où la grande majorité des constructeurs ont enregistré une baisse de leur vente sur la même période. Toyota applique les mêmes recettes en Europe que celles qui ont fait son succès aux Etats-Unis. De la petite citadine à la berline de luxe, avec sa marque Lexus, en passant par le 4x4, Toyota couvre l'ensemble des segments. Le constructeur est parvenu à s'adapter aux désiratas de la clientèle européenne, notamment grâce à l'implantation de bureaux de style sur le continent. A titre d'exemple, la version européenne de la Yaris a été dessinée par le centre de design de Sophia Antipolis.

    Une stratégie qui devrait se révéler payante à partir de 2005

    Mais en Europe, Toyota, comme les autres constructeurs japonais, doit faire face à une concurrence autrement plus vive que celle qui sévit outre-Atlantique. "Aux Etats-Unis, les constructeurs nationaux sont faibles, alors qu'en Europe, ils sont solides et inventifs. Cela laisse moins de marge à l'implantation des Japonais. En outre, alors que les motorisations Diesel sont très développées en Europe, les Japonais, en avance sur les techniques de l'environnement, souffrent d'un retard sur ce secteur. C'est pourquoi Toyota s'efforce depuis quelque temps de développer son offre Diesel. Cela devrait être payant à compter de 2005, qui devrait être une année charnière pour Toyota en Europe", analyse Noriaki Hirakata, consultant et spécialiste automobile chez Morgan Stanley. Le retard de Toyota sur le Diesel, motorisations fondamentales pour engranger des parts de marché en Europe, devrait être rapidement comblé grâce à la production de ce type de moteurs sur les sites de Valenciennes et de Burnaston depuis janvier 2003. A partir de la fin de cette année, l'usine polonaise de Toyota va débuter une production annuelle de 250 000 moteurs Diesel notamment destinés à équiper les voitures produites par le site tchèque de Toyota et PSA. La production de cette dernière usine devrait permettre au premier constructeur japonais de conquérir encore quelques parts de marché en Europe. A l'horizon 2010, l'ambition de Toyota est de détenir 15 % de parts de marché mondial. Pour atteindre cet objectif, le constructeur japonais sait qu'il va devoir massivement investir des marchés encore considérés comme émergents tels que la Chine, l'Inde ou encore la Russie. Toyota, qui ne détient aujourd'hui que 2 % de parts de marché en Chine, compte porter ce chiffre à 10 % d'ici la fin de la décennie.


    Cyril André





    FOCUS

    Le Kaizen

    Le Kaizen, qui constitue avant tout un état d'esprit, peut être considéré comme la véritable pierre angulaire du "Toyota Way". Littéralement, ce vocable signifie "remettre à plat (kai) pour aller mieux (zen)". Dans les faits, il s'agit de faire en sorte que chaque fois qu'il est possible d'améliorer un process, cela soit fait. Cette philosophie d'amélioration continue se concrétise notamment par un système de suggestion de la part de l'ensemble des salariés. Si le Kaizen touche par essence même le système de production, cette méthode est également appliquée à l'ensemble des divisions de l'entreprise, de l'administratif, au commercial en passant par la distribution.

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