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Constructeurs

Tunis à la croisée des marchés

Publié le 4 novembre 2005

Par David Paques
16 min de lecture
Malgré une croissance économique soutenue depuis plus de 15 ans, le marché automobile tunisien avait du mal à s'émanciper, sous le poids de la fiscalité. Depuis janvier 2003, les choses ont changé mais c'est désormais la concurrence des importations parallèles qui rend la vie des concessionnaires...
Malgré une croissance économique soutenue depuis plus de 15 ans, le marché automobile tunisien avait du mal à s'émanciper, sous le poids de la fiscalité. Depuis janvier 2003, les choses ont changé mais c'est désormais la concurrence des importations parallèles qui rend la vie des concessionnaires...

...locaux difficiles.


Dans la capitale tunisienne, ses ruelles, ses artères, les siècles d'histoire ont depuis longtemps marié le commerce aux fantasmes archéologiques. Et si l'industrie du tourisme cultive toujours le goût du folklore, l'économie n'en est pas moins importante. La Tunisie n'est pas de ces pays où l'or noir des terres arides remplit les poches de quelques riches industriels aux tuniques immaculées. Son développement n'est en rien fonction de la progression exponentielle et déraisonnable d'un baril en proie aux haros populaires. La Tunisie nouvelle s'est faite à coups de collectivisme, d'agitation sociale et de répartition. C'est au travers d'un libéralisme initiatique que le pays a lentement trouvé le chemin du progrès économique et social. Depuis 1987 et l'arrivée de Ben Ali à la présidence, le pays affiche ainsi une croissance annuelle, quasi constante, de 5 %. De quoi faire pâlir l'ensemble des anciennes colonies. Car la performance s'inscrit dans le temps et a surtout permis de rehausser considérablement le pouvoir d'achat des tunisiens. Un facteur évidemment déterminant dans la progression de la consommation.
Aujourd'hui, le marché automobile tunisien affiche encore les stigmates d'une économie trop longtemps marquée par l'étatisme azimuté des anciennes instances gouvernementales. Mais attisé par l'action présidentielle, le marché s'y affranchit de barrières législatives persistantes. Et aussi surprenants soient ces vestiges, la mutation orchestrée par Ben Ali transforme peu à peu la manière de concevoir le métier, d'organiser la distribution, de vendre, acheter, bref, de consommer. Pour les constructeurs, l'heure est donc à la communication, à la séduction. La sixième édition du Salon automobile tunisois apparaissait ainsi comme une aubaine aux yeux des concessionnaires. Une occasion que les constructeurs présents n'ont pas ratée pour mettre le tunisien dans la peau d'un acheteur.





FOCUS

La pièce fait son trou
Attisés par le développement du marché et brandis par les constructeurs comme une barrière aux importations FCR, les services après-vente se sont vus affublés d'une nouvelle importance ces dernières années. Du reste, l'organisation du Salon ne s'y est pas trompée. En mêlant les équipementiers et les acteurs de la rechange aux constructeurs, la Société des foires internationales de Tunis stigmatisait ainsi le caractère global de l'évolution automobile du pays. Du 30 novembre au 4 décembre prochain, "Auto +", un Salon dédié entièrement à la pièce de rechange se tiendra dans la capitale. Un 1er coup de fusil qui en appelle d'autres puisque, ce n'est pas un secret, d'autres organisateurs internationaux, européens et américains, s'intéressent eux aussi de près à ce type de manifestation en Tunisie. D'ailleurs, cet intérêt soudain n'est pas sans soulever quelques craintes quant au devenir de cette présente exposition. Face à l'arrivée prochaine d'un Salon exclusivement dédiée à la pièce de rechange et à la réparation, les exposants et les visiteurs professionnels du secteur ne risquent-ils pas, en effet, de fuir ce Salon de l'Automobile, à plus forte raison encore si celui-ci continue de ressembler à une foire commerciale ? Si tel était le cas, c'est tout le visitorat professionnel qui déserterait les lieux et laisserait derrière lui les constructeurs tenir Salon pour les particuliers. Cela renforcerait le caractère purement commercial de cette foire. La pièce va peut-être ainsi révéler la vraie nature de ce rendez-vous.

14 établissements financiers pour 18 constructeurs

A quelques encablures du centre-ville, le palais des expositions du Kram accueillait, du 15 au 19 juin dernier, sa biennale automobile. Constructeurs, distributeurs, carrossiers, équipementiers, ils étaient cette année 12 000 professionnels à avoir fait le déplacement. Et ce sont près de 90 000 visiteurs qui se sont massés autour des stands tenus par les quelque 174 exposants. A Tunis, le Salon de l'Auto est un rendez-vous en passe d'institutionnalisation. Un showroom de cette taille attire forcément l'œil de l'automobiliste passionné. Et en Tunisie, l'ouverture du marché a suscité quelques vocations. "Le client tunisien est friand de nouveautés", témoigne Serge Prévot, directeur général de la Stafim, filiale Peugeot en Tunisie. "Par exemple, les gens nous parlent tous de la 1007. Nous savons pertinemment que nous n'allons pas en vendre 2000, mais cela plaît au public. Il est donc très important pour nous de jouer la carte du dynamisme", explique-t-il. Exposer ses modèles pour montrer sa vitalité et son savoir-faire, rien de bien nouveau en somme. Mais autour des ruines de Carthage, l'investissement des constructeurs pour proposer des modèles d'actualités est assurément gage de reconnaissance. Car, l'automobiliste local aspire à une consommation occidentale. "Le Tunisien se définit par rapport à sa voiture. Il devient donc de plus en plus exigeant", confirme Sadry Ben Taleb, directeur commercial d'Alpha Ford, importateur local de Ford. L'élément qui est sans doute le plus significatif de ces nouvelles velléités consuméristes est peut-être la présence massive d'organismes financiers dans les allées du Salon. Banques, société de leasing, de crédit, ils sont 14 au total. Un chiffre qui prend toute sa valeur quand on regarde le nombre de constructeurs présents sur ce Salon. Quatorze organismes pour 18 constructeurs ! Un ratio pour le moins étonnant qui montre combien les sociétés de crédit perçoivent la propension actuelle des Tunisiens à investir dans une automobile. Une propension bien plus importante qu'auparavant puisque ces mêmes sociétés n'étaient que cinq lors de la précédente édition du Salon.

"Le marché tunisien est bêtement sous motorisé"

En 1998, le taux d'équipement était de 68 voitures pour 1 000 habitants (contre 493 en France). L'an dernier, ce taux atteignait presque les 10 %. Une forte évolution à mettre à l'actif du gouvernement qui a supprimé d'importants freins à l'achat le 1er janvier 2003. Avant cette date, en effet, la Tunisie imposait une sévère taxation sur les véhicules au prorata de la puissance. Ainsi, de grosses cylindrées devaient parfois supporter des taxes de près de 300 % ! Et c'est l'ensemble du marché qui devait ainsi composer avec une fiscalité castratrice. "Le marché tunisien est bêtement sous-motorisé", regrette ainsi Serge Prévot. Le constat paraît sévère, mais il est pourtant bien réel. "Nous étions obligés de commercialiser nos Partner en 1,1 l", explique-t-il encore. Aujourd'hui, la situation a quelque peu évolué. Et si la pression fiscale imposée par l'Etat sur les automobilistes existe toujours, la conjoncture est sans commune mesure depuis que le gouvernement a entrepris un allégement des taxes. Une baisse des droits à la consommation effectuée en deux temps puisqu'une seconde vague de détaxation s'est déroulée en début d'année. Depuis l'instauration de ces mesures, les véhicules de 5, 6, et 7 CV ont ainsi vu leurs taxes baisser en moyenne de 45 %. En revanche, les 4 CV, étaient tout bonnement exonérés d'impôts depuis 1994, dans le souci présidentiel d'offrir aux classes moyennes une voiture populaire. Une décision qui avait d'ailleurs grandement contribué à la sous-motorisation du parc national. Aujourd'hui, nombreux sont les professionnels à se féliciter de l'ouverture du marché aux grosses cylindrées. Car au-delà des simples 4 CV, c'est l'ensemble des modèles qui voit leurs tarifs évoluer à la baisse. Ainsi, le cumul de la taxation sur les véhicules 5 CV passe de 85 % à 42,8 %, celui de 6 CV passe de 140 % à 73,2 % et celui des voitures affichant 7 CV passe quant à lui de 225 % à 115 %. De manière globale, les prix de ces véhicules ont ainsi baissé de 3 000 à 7 000 Dinars tunisiens, c'est-à-dire de 1 855 à 4 330 euros. "Il y a deux ans, nous n'aurions pas vendu une 407. Aujourd'hui, c'est un gros succès. Nous sommes même présents aujourd'hui avec une 407 1,4 l", se félicite Serge Prévot. Une avancée considérable pour les concessionnaires automobiles dont l'activité se voyait de plus en plus concurrencée par le marché parallèle des FCR (fin du changement de résidence). Un acronyme qui symbolise le marché des importations particulières réalisées par les Tunisiens résidents à l'étranger.

"Le concessionnaire a retrouvé sa vraie place"

"Avant, nous avions des problèmes de disponibilités à cause des soucis de douanes. Aujourd'hui, nous avons suffisamment de voitures et nous sommes dans un marché demandeur. C'est donc à nous d'être davantage agressifs à la vente", explique Ibrahim Debache, directeur commercial de Stafim-Peugeot. Une nécessité d'autant plus importante que le marché des importations parallèles est tout à fait prolifique dans le pays. Les ventes FCR réalisées en marge des circuits constructeurs sont en effet une des spécificités de la distribution locale. Nul besoin, par ailleurs, de chercher bien loin les raisons d'un tel phénomène. Un chiffre résume à lui seul la situation : les importateurs de ces véhicules ne payent que 25 % des droits de douanes ! De quoi rendre ce marché bien plus compétitif que celui des concessionnaires. Et c'est d'ailleurs ce qui effraye les professionnels de l'automobile. Car, quelle que soit la cylindrée du véhicule, le coût sera toujours inférieur en achetant par la filière parallèle. Même en renonçant à leurs marges, les concessionnaires ne pourraient pas s'aligner sur les tarifs FCR. "Le segment du luxe a été énormément touché par ces importations. Fort heureusement, il n'a plus aujourd'hui l'impact qu'il avait auparavant, notamment grâce à la baisse des droits à la consommation", témoigne ainsi Mohamed Ben Jemâa, directeur général de Ben Jemâa Motors, importateur de BMW en Tunisie.
Aujourd'hui, il est toujours difficile de quantifier la part des ventes FCR dans l'ensemble des transactions automobiles. Certains osent tout de même estimer qu'elle représente un tiers des ventes annuelles, soit 15 000 VN. Une chose est sûre pourtant, l'action du gouvernement sur la pression fiscale a eu pour effet de calmer les ardeurs des importateurs et les constructeurs ont désormais tous le loisir de développer leur réseau d'agents. Le service après-vente devient en effet un argument de poids. "Peu à peu, le concessionnaire a retrouvé sa vraie place", se félicite Serge Prévot. Cela peut paraître étonnant, mais son soulagement est tout à fait significatif. Car, cette lourde taxation était justement le véritable catalyseur de ce marché parallèle.
En marge de cette diminution des taxes, quelques doutes subsistent, notamment quant à l'avenir des grosses cylindrées. "Le marché parallèle travaillera encore sur des niches ou sur le haut de gamme", prévient d'ailleurs Lassad Ben Ammar, directeur général d'Artes, filiale Renault sur le sol tunisien. Mais aussi sur l'actualité produit : "Avec ce marché d'importation parallèle, on voit arriver de tous nouveaux véhicules trois jours après leur sortie en Europe", constate en effet Serge Prévot, "alors que nous devons attendre que le constructeur adapte le modèle à notre marché". Un délai qui peut s'avérer parfois très long, notamment parce que le constructeur doit ajuster le modèle aux attentes du public et aux conditions dans lesquelles ces véhicules vont évoluer. "Cette tropicalisation est donc assez pénalisante pour nous", conclut-il. Alors quand le Salon de l'Auto ouvre ses portes dans la capitale, on comprend rapidement l'intérêt des constructeurs à faire de ce rendez-vous une grande foire commerciale. Sur l'ensemble de la période, BMW reconnaîtra par exemple avoir effectué 10 % de son volume annuel. Et à l'image du constructeur allemand, c'est toute une profession qui profite de l'occasion pour remplir ses carnets de commandes.

"Le véritable défi asiatique, c'est le pick-up"

Tantôt clairsemées, tantôt bondées, les allées du Salon drainent un public de curieux. Pas d'euphorie ni de folie, le Salon tunisois n'a pas le goût des grands shows occidentaux. Ici, les constructeurs se posent, s'exposent. Sans fioritures et sans équivoques, les stands qui s'enchevêtrent sont assurément édifiés pour présenter les gammes. C'est en effet la sobriété qui prédomine chez les concessionnaires. Les stands les plus originaux font d'ailleurs partie de la délégation des équipementiers. Mobil avait par exemple installé une Mc Laren Mercedes de F1 pour attirer le regard des curieux. A quelques exceptions près, les constructeurs n'étaient donc visiblement pas là pour faire le spectacle. Seuls Ford et Mercedes firent défiler tout de même quelques douteuses naïades dont les chorégraphies tenaient davantage de la techno-parade que de la mélopée. Alors quand Renault affiche son Kangoo, le choix de la sobriété apparaît de suite bien mieux adapté. D'ailleurs, les constructeurs français pouvaient s'enorgueillir d'avoir les stands les plus fournis, mais aussi les plus visités, sans avoir eu besoin, pour autant, de faire de leurs stands de véritables boîtes de nuit. Peut-être précisément parce que les constructeurs hexagonaux bénéficient d'une certaine aura auprès de l'automobiliste tunisien. Avec sa gamme C4, Citroën a pu s'apercevoir par exemple que, malgré un succès mitigé sur le marché, la marque aux chevrons était très appréciée sur le sol tunisien. En face de lui, le stand Peugeot était également une des attractions du Salon. Avec 7 nouveautés sur douze véhicules exposés, les curieux ne manquaient pas sur la parcelle du Lion. D'ailleurs, Peugeot avait choisi Tunis pour présenter, en 1re mondiale, sa gamme de 307 restylées, accueillie, notons-le, avec un certain succès. Tout comme la Modus, côté Renault. En revanche, ce ne sont pas ces modèles qui avaient la faveur du public. Car en Tunisie, les voitures stars sont les trois volumes. "La Clio Classic fait 40 % de nos ventes. Quant à la Mégane, version Sedan, elle a plus ou moins pris la place de la 406 dans l'administration, alors qu'elle n'est pas sur le même segment", s'enthousiasme Lassad Ben Ammar. Une réussite qui fait de Renault le leader du marché tunisien depuis six ans maintenant. Avec 23 % de parts de marché, la marque au losange devance Peugeot de 5 points, lui même devant un Volkswagen qui truste 16 % du marché. Un trio de tête qui exclut pour l'heure les constructeurs asiatiques, à créditer d'un faible taux de pénétration dans le pays. En effet, la présence de ces marques sur le Salon et de manière générale sur le marché tunisien, n'est pas comparable à ce que l'on peut trouver dans les pays voisins, ou même dans les pays européens. Hyundai a commercialisé ses premiers VP au mois de décembre dernier, Nissan est totalement absent et Toyota n'a pas un franc succès sur les voitures particulières. Bref, la Tunisie pourrait presque paraître marginalisée tant elle ne semble pas touchée par la déferlante asiatique. En revanche, l'agressivité tarifaire des constructeurs orientaux se fait davantage sentir en ce qui concerne les utilitaires. "Le véritable enjeu asiatique, c'est le pick-up", annonce d'ailleurs Lassad Ben Ammar. Représentant approximativement 35 % du parc automobile national, les VUL continuent d'évoluer au même rythme que les voitures particulières. Les marques ont ainsi bien saisi l'intérêt de se positionner sur le segment. En témoignent l'intérêt soudain des constructeurs pour les infrastructures tunisiennes. Isuzu, leader sur le marché des utilitaires, grâce notamment à plus de 50 % de parts de marché sur les pick-up, possède déjà son site de production. Récemment, c'était au tour de Mitsubishi d'en faire autant. Après plus de 15 ans d'inactivité, la chaîne d'assemblage de la société tunisienne d'industrie et d'automobile reprenait en effet du service pour le compte du constructeur japonais. Et en novembre prochain, c'est Ford qui inaugurera son usine dédiée à la fabrication de son Ranger. En 2006, Renault fera même son come-back sur le segment. C'est pour cette raison que, quatre ans après sa sortie en Europe, le Trafic était présenté cette année au Salon tunisien. Dans les diverses allées de l'exposition, rien de surprenant donc à voir les VUL fleurir en masse. Chez Ford, notamment, où le constructeur affichait 4 utilitaires et deux 4x4 sur neuf modèles présentés. Chez d'autres, comme Mazda ou Mitsubishi, on ne présentait d'ailleurs que ce type de véhicules. Symbole que l'utilitaire devient l'un des enjeux majeurs du marché tunisien.

Un Salon trop intime

VUL, tricorps, le Salon s'est naturellement fait à l'image des attentes du marché local. Malheureusement, en dépit de ces données représentatives et de la parfaite organisation du rendez-vous, nous pourrions regretter tout de même que certains acteurs n'aient pas voulu jouer le jeu à fond. Avec un tel attrait pour les trois volumes, comment ne pas s'étonner, en effet, de voir la Logan écartée du marché tunisien ? Un étonnement d'autant plus conséquent que la médiatique Dacia est déjà disponible de l'autre côté de la frontière algérienne. "Nous travaillons sur le dossier", confie Lassad Ben Ammar. Mais, au fond, cette absence est loin d'être la plus remarquée. Opel, Fiat, Isuzu manquaient, eux, totalement à l'appel. Que dire alors du peu d'intérêt relevé sur le stand de Volkswagen. Point de nouvelle Polo, point de Golf plus, de Fox, de Jetta, point de responsables nationaux pour communiquer. A peine y avait-il quelques commerciaux pour enregistrer les commandes. Une attitude tout à fait symbolique de l'utilité première que semblait revêtir le Salon pour certains constructeurs. Le palais du Kram s'apparentait en effet davantage à une concession multimarque, avec ses gammes, ses commerciaux et ses "financial managers", qu'à une véritable vitrine. Mais au fond, un parc qui compte aux environs de 700 000 VP et qui s'enrichit de 45 000 unités chaque année est-il vraiment intéressant pour un constructeur ?


David Paques





ZOOM

Coopération industrielle
Subtile, légère, un rien sournoise, l'obligation ne porte pas son nom. On la dira protectionniste, ou d'intérêt national, dans un langage plus politiquement acceptable. Mais cet engagement imposé par le gouvernement tunisien à tous les constructeurs automobiles est loin de laisser libre cours à la circulation des marchandises. En effet, à toute marque qui souhaite importer ses modèles sur le sol tunisien, il est demandé de se sentir concernée par la balance commerciale nationale. Plus clairement, pour écouler des véhicules dans le pays, les constructeurs doivent faire marcher les entreprises du pays. Le deal est simple, clair, et même si personne ne souhaite s'étendre sur le sujet, il n'en est pas moins à l'opposé des élans libéraux que l'Etat tunisien désire afficher. "Le cahier des charges pour les transactions automobiles en Tunisie stipule qu'il faut accepter la coopération industrielle", témoigne Mohamed Ben Jemâa, directeur général de Ben Jemâa Motors, importateur de BMW. Et cet accord tacite, accepté par tous, ne semble d'ailleurs pas soulevé de ressentiments chez les constructeurs. "Nous avons développé nos fabrications de pièces en Tunisie pour créer une contrepartie", reconnaît par exemple Ibrahim Debache, directeur commercial de la Stafim-Peugeot, le plus naturellement du monde. "Il ne s'agit pas de quotas mais d'une enveloppe. Nous sommes autorisés à importer autant que nous voulons. Le seul impératif, c'est que le constructeur réalise des transactions avec des équipementiers présents en Tunisie", précise ainsi Mohamed Ben Jemâa. Une entente commerciale réalisée en bonne intelligence, qui, au fond, ne semble déranger personne ou presque. Car, si ce gentleman agreement est volontiers accepté par les marques en place, ceux qui souhaitent aujourd'hui intégrer le marché tunisien peuvent davantage le percevoir comme une difficulté. Précisons que, dans une certaine mesure, la coopération industrielle préserve le marché tunisien de l'affluence massive des constructeurs chinois ou asiatiques, dont la main d'œuvre compétitive n'incite pas vraiment à accepter un tel accord. S'agit-il donc de s'offusquer si chacun des acteurs du marché semble s'entendre sur pareille obligation ? Se pose donc une question : pour qui cette mesure est la plus protectionniste ?

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