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Constructeurs

Toyota : Un constructeur au sang froid

Publié le 28 avril 2006

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
D'un petit dessin sur une mauvaise feuille de papier, le président de Toyota monde en 2003, Fujio Cho, fondait une stratégie. Quelques feuillets plus tard, le groupe japonais entrait dans la légende par sa capacité à capter les parts de marché dans des pays pourtant solidement solidaires de...

...leur propre industrie automobile. En France, Yaris et Rav 4 devraient emmener la marque au-delà des 100 000 ventes annuelles.


Du "Kaizen", Toyota a fait tout un monde. En s'appuyant sur une méthode dessinée comme un état d'esprit mais reposant sur des techniques très modernes de gestion de productivité ("l'amélioration continue"), le groupe japonais a réussi une gageure assez remarquable : la transcription des mystères ancestraux de l'Asie dans la genèse de la compétitivité mondiale. La méthode et l'organisation précèdent la responsabilité de chacun dans la chaîne de la réussite globale. Ce qui pourrait passer pour une revendication très "marketée" s'affranchirait alors mal de la représentation des résultats. En passe de devenir le numéro un de la construction automobile mondiale, Toyota caracole en tête des résultats financiers et en volume tandis que les géants américains peinent à se réveiller d'un sentiment de puissance étourdissant et que les européens commencent juste à élever des digues contre la déferlante de crises qui les attend. Et Toyota n'est que le fer de lance, le conquérant identifié d'un nouvel actionnariat automobile qui se fonde soit sur l'organisation comme Honda ou Mazda, soit sur une capacité de production à bas coûts comme ceux des constructeurs chinois, indiens ou coréens. Mais revenons à Toyota.

Presque 10 milliards d'euros d'investissements en 2006

Cela n'est pas encore officiel - puisqu'il faudra attendre la grand-messe des résultats annuels en mai - cependant le groupe Toyota, selon le journal Nikkei (repris par l'AFP), devrait investir 9,6 milliards d'euros pour accompagner sa croissance dans le monde en 2006. Les pays concernés seraient les Etats-Unis, le Canada, la Russie, la Thaïlande et l'Afrique du sud. Avec ce "petit" coup de pouce, Toyota devrait approcher les 9 millions de véhicules vendus et produits et ainsi détrôner General Motors. Sur l'ensemble des 5 continents, Toyota vend chaque année 7,4 millions de véhicules avec l'aide de 264 000 personnes et une commercialisation étendue à 140 pays. Quant aux ventes, elles se montaient en 2005 à 137 milliards d'euros, ventes comprenant les quatre marques, Toyota, Lexus, Daihatsu et Hino. Faut-il préciser que le magazine Fortune plaçait TMC (Toyota Motor Corporation) dans le Top Ten des 500 plus grosses entreprises mondiales (Fortune Global 500) ? En Europe, Toyota, arrivé dans les années soixante, affiche déjà 2 784 points de vente, 25 importateurs et quelque 56 000 collaborateurs, de quoi assurer une implantation solide sur l'ensemble du territoire qui devrait se traduire bientôt selon Michel Gardel, vice-président Toyota France par le million de véhicules vendus en 2006 (voir page 20). Quant à la France, elle s'apprête à dépasser les 100 000 voitures commercialisées sur l'année.

Une progression constante en France

Regrettant les quotas automobiles qui ont ralenti la progression de la marque en France, Michel Gardel multiplie cependant les records de croissance en France depuis quelques années. Certes, les produits sont là, efficaces et d'un bon rapport qualité/prix, mais le développement en France n'est pas si simple, face à la concurrence des opérateurs historiques que sont Renault, Peugeot et Citroën. Un analyste ne disait-il pas récemment que si le facteur affectif n'entrait pas à ce point dans l'intention d'achat des français, les constructeurs français auraient beaucoup de mal à contrer les avancées de Toyota ? Ceci mis à part, même pour vendre de bons produits, il faut savoir où les vendre. Hervé Forzani, le directeur des ventes et du réseau France en est convaincu : c'est lui qui affirme d'ailleurs (page 28) que "le dossier (de la couverture territoriale) est quasiment bouclé". En effet, au rythme de 30 créations de sites par an depuis 2000, le réseau a atteint 240 sites fin 2005 et devrait compter en plus "65 sites satellites d'ici à 2010". Un maillage complet qui autorise une politique de grands travaux sur le réseau Lexus, qui devrait être "complètement séparé" de celui de Toyota fin 2007, précise Michel Gardel en page 42. Qu'en pensent les acteurs du réseau ? Jérôme Guillon Verne, directeur de la concession Côte Ouest Auto à Nantes, semble euphorique : "A l'instar du développement de la marque dans l'Hexagone, la concession a su tirer profit du potentiel de Toyota sur sa zone de chalandise. Ce potentiel existait, il fallait le chercher", ou comment adapter le Kaizen en région (lire en page 46) ! Côté Lexus, le travail à accomplir reste important, la marque manquant encore de notoriété mais pas d'atouts, comme le souligne François Delvallée, directeur de Sivam Levallois, l'une des deux concessions exclusives Lexus en France : "il faut se différencier, être en route vers l'excellence et traiter. le client comme un invité. (…) Ce n'est qu'ainsi que Lexus prendra définitivement pied dans le paysage français. J'y crois". Et Daihatsu, alors ? Quid de Daihatsu qui vit sa vie à part de Toyota dont la marque est pourtant filiale et qui pourrait se présenter en fournisseur de petits 4x4 sur un segment que lâche progressivement le groupe ? Daihatsu, commercialisé par le groupe Frey, devrait atteindre les 10 000 ventes en France en 2010 alors que dans certains pays européens, la marque atteint déja ce chiffre, mais appuyé par Toyota. Lire notre commentaire en pages 54 et 55 et, bien sûr, l'essai de la Copen !

Un esprit et des produits, une stratégie et des services

L'un ne va pas sans l'autre. Et vice-versa. Autant le groupe Toyota a su fournir les bons produits sur les bons marchés - une stratégie totalement différente des grands groupes américains et qui porte ses fruits -, autant les directions nationales ont réussi à déployer les services et les offres complémentaires en fonction des attentes des pays. Il en est ainsi de l'assurance automobile qui présente des spécificités - contraintes ? - dans la législation française. L'interdiction d'en vendre directement en concession ne facilite pas le développement de Toyota Assurances. Pourtant en 2005, 8 % des ventes VN de la marque étaient assorties d'un contrat d'assurance automobile, ratio en progression de 25 % (lire l'interview de Jean-Pierre Valson, directeur général de Toyota Assurances).
A noter également, la poursuite de l'offensive du groupe japonais dans le secteur du VO, avec deux labels "Toyota Occasions" et en juin prochain "Lexus Préférence". Une offensive qui n'aura rien à envier à celle menée auprès des flottes, résultante d'un constat simplement énoncé par Laurent Balayer, chef du département Toyota Entreprises : "La moitié de la croissance de Toyota en France depuis cinq ans est à mettre au crédit des ventes aux sociétés". Question de confiance dans les valeurs résiduelles des produits de la marque ? Pour en être sûr, il faudrait voir comment on les fabrique : la visite de l'usine de Valenciennes est gratuite en page 30, laissez-vous guider…


 Hervé Daigueperce

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