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Constructeurs

Tata s’offre les joyaux de la couronne britannique

Publié le 4 avril 2008

Par Pierre Millet
5 min de lecture
Tata continue de tisser sa toile industrielle. Après avoir acheté en 2007 le sidérurgiste britannique Corus, le groupe indien a officiellement repris deux autres fleurons de l'industrie anglaise : Jaguar et Land Rover.Si la vente des deux...

...marques était devenue un secret de polichinelle, la sphère automobile et économique s'impatientait quant aux modalités du rachat. Le groupe indien va donc débourser 2,3 milliards de dollars (1,45 milliard d'euros) pour les deux marques anglaises. En reprenant Jaguar et Land Rover, l'indien met la main sur des usines modernes, un centre d'ingénierie mais aussi sur un réseau de distribution international. Certes, ce n'est pas demain que Tata vendra sa Nano dans des concessions Jaguar. Néanmoins, le groupe se crée l'opportunité de mettre un pied dans chacun des pays où Jaguar et Land Rover sont implantés. Le projet de reprise de Tata a été retenu par Ford et Unite, le puissant syndicat britannique, car le groupe indien a apporté plusieurs garanties sur l'avenir des marques. En effet, le nouveau propriétaire s'est engagé à ne pas revendre Jaguar, qui, malgré des investissements colossaux, n'est toujours pas rentable et à garder les usines britanniques pendant 5 ans. Rappelons que les sites anglais des deux marques emploient plus de 15 000 salariés directement et 40 000 avec les sous-traitants. De son côté, Ford n'a pas souhaité garder de participation au sein de ses ex-filiales. Le constructeur américain va cependant reverser 600 millions de dollars pour financer les fonds de retraite des deux marques. De plus le constructeur américain a indiqué que "dans le cadre de cette transaction, Ford continuera de fournir à Jaguar et Land Rover, des moteurs, des boîtes de vitesses, des pièces détachées, ainsi qu'un ensemble de technologies liées à l'environnement et aux plates-formes de véhicules. Ford s'est également engagé à fournir une aide spécifique en matière d'ingénierie, de recherche et de développement, de systèmes d'informations…" Par ailleurs, la Ford Motor Credit Company, assurera le financement des concessionnaires et des clients des deux marques, sur une période de transition, pouvant aller jusqu'à 12 mois, suivant les marchés. La vente définitive devrait être entérinée à la fin du prochain trimestre, une fois l'aval des institutions chargées de la concurrence obtenu et le transfert de propriété réalisé.

Un groupe automobile atypique

En début d'année, Tata Motors avait fait beaucoup de bruit en présentant la Nano, la voiture à 1 700 euros. Il est donc intéressant de voir ce même constructeur prendre le contrôle de deux marques de luxe. Cependant, la tendance actuelle du marché automobile tend à montrer que ce choix stratégique est pertinent. En effet, si le marché des voitures de gamme moyenne tend à stagner, ceux des voitures haut de gamme, des 4x4 et des modèles low-cost enregistrent les plus fortes progressions ces dernières années. Il suffit de regarder les résultats records des constructeurs allemands, spécialistes des modèles élitistes, ainsi que le succès avéré de la Logan à travers le monde. Tata possède donc un portefeuille de produits lui permettant de se positionner sur des marchés à forte croissance. Néanmoins, si Land Rover est une marque rentable, Tata devra rapidement redresser Jaguar. Les engagements pris auprès de Ford semblent difficilement conciliables avec un retour proche à la rentabilité.

Poursuivre le redressement du groupe

Ford, en proie à une crise profonde sur son marché domestique, a donc dû se résoudre à vendre ses deux joyaux. Cette transaction fait suite à la décision de Ford de redresser son activité d'Amérique du Nord et de ramener le groupe sur le chemin de la rentabilité. Déjà en 2006, le constructeur américain avait cédé, à des investisseurs koweïtiens, la marque Aston Martin, pour 925 millions de dollars. Une goutte d'eau, à côté de la perte record de 12,6 milliards dollars enregistrée la même année. Depuis, le groupe de Detroit a réduit sa production, fermé de nombreuses usines et opéré des coupes franches dans ses effectifs. En effet, Ford dévoilait, en septembre 2006, un plan social visant à supprimer près de 45 000 postes aux Etats-Unis. Cette année encore, Ford devrait supprimer 12 000 postes supplémentaires.

Un ticket pour l'inde

La somme déboursée par Tata pour s'offrir Jaguar et Land Rover semble quelque peu dérisoire au regard des investissements consentis par Ford pour ces deux marques. Certes, le constructeur américain a besoin de liquidités pour surmonter la crise qu'il traverse. Néanmoins, rappelons que le géant américain avait déboursé pas moins de 2,5 milliards de dollars pour l'achat de Jaguar et sensiblement la même somme, 2,75 milliards de dollars, pour celui de Land Rover. Par la suite, Ford a investi 10 milliards de dollars, en particulier pour Jaguar, afin de redresser la marque et moderniser les outils de production. Pourquoi brader ces deux marques ? Derrière cette transaction, il est fort probable que Ford ait monnayé son droit d'entrée sur le marché indien. Ces derniers mois, nombre de constructeurs, tels que Renault, General Motors, Toyota, se sont implantés en Inde. Ford pourrait alors bénéficier de certains sauf-conduits administratifs et s'appuyer sur l'outil industriel et le réseau de Tata pour se développer sur ce marché en pleine expansion.

Photo : Avec Jaguar, Land Rover et la Nano, Tata se positionne sur des segments en pleine croissance.

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