Steve Faulkner, président de SsangYong France.
Journal de l'Automobile. En début d'année, nous avons appris la demande de mise sous administration judiciaire de SsangYong Motor. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Steve Faulkner. L'an dernier, nous avons tous eu de grandes difficultés. Je crois que les 15 premiers constructeurs du monde ont perdu 41 milliards d'euros en 2008. Le 1er trimestre 2009 a été encore pire. Nous avons tous décroché. Mais il est vrai que pour nous, l'année 2008 a été particulièrement mauvaise. Notamment avec l'effondrement du marché des SUV, mais aussi celui des ventes à l'export. L'Europe est traditionnellement forte pour le constructeur. Les difficultés rencontrées l'an dernier ont donc beaucoup fait souffrir l'usine. Le 5 janvier dernier, l'actionnaire majoritaire, qui est le chinois SAIC (Shanghai Automotive Industry Corporation), a ainsi demandé à la Cour centrale de Séoul que la marque soit mise sous administration judiciaire. Une demande acceptée en février. En avril, nous avons présenté un plan de continuation. Un plan qui a été audité par Price Waterhouse Coopers et qui a été accepté par le gouvernement coréen le 6 mai dernier. Ce qui veut donc dire que la vie continue.
JA. Quelles sont les grandes lignes de ce plan de continuation ?
SF. Celui-ci s'appuie sur trois éléments. D'abord, une baisse drastique du nombre des employés. Au début de l'année, nous étions 9 000 en Corée. Le plan social mis en place concerne 2 646 d'entre eux, dont 300 cadres. Ensuite, nous devons procéder à une baisse massive de l'ensemble de nos coûts. Enfin, nous devons moderniser notre outil de production. Le constructeur a d'ailleurs nommé son nouveau chairman. Il s'agit de M. Yu-II Lee, un ancien de Hyundai Motor. Je crois que sa mission est d'assurer la bonne tenue du plan, puis à terme, d'orchestrer la cession de SsangYong à un nouveau partenaire. Celle-ci pourrait d'ailleurs intervenir durant le 2e semestre 2009.
JA. Quelle pourrait être l'identité du repreneur ?
SF. Ce devrait être une cession coréo-coréenne. Car aujourd'hui, le souci provient du fait que le principal actionnaire est chinois. En ce moment il y a des rumeurs qui évoquent deux noms : Samsung Electronics et Hyundai. Mais je pense que Hyundai sera vraiment la dernière solution car cela poserait un problème au niveau concurrentiel. Principalement sur le marché intérieur coréen.
JA. Que représente aujourd'hui la marque au niveau mondial ?
SF. Fondé en 1954, SsangYong est le plus vieux constructeur coréen et jouit à ce titre d'une forte côte de popularité en Corée. Dans le monde, SsangYong affiche 3 milliards d'euros de chiffres d'affaires et représente 150 000 véhicules par an. Par le passé, nous sommes allés jusqu'à 250 000 unités par an. Spécifiquement des 4x4. En France, nous suivons ce mouvement et cela crée quelques soucis…
JA. Justement, vos distributeurs ne sont-ils pas inquiets ?
SF. Le groupe Frey soutient la marque et répète à son réseau que, même si l'avenir est incertain, nous soutenons le constructeur. En France, par exemple, nous perdons de l'argent, mais Monsieur Frey respecte ses clients. Il y a quelque temps, nous avons eu la même expérience avec Rover. Quand la marque a fait faillite, le groupe a pris la garantie des véhicules à sa charge afin de respecter sa clientèle. S'il faut en arriver là, nous le ferons. Mais aujourd'hui, les pertes sont d'autant plus soutenables que nos résultats s'améliorent.
JA. Vos concessionnaires vous ont-ils fait faux bond depuis ces difficultés ?
SF. Depuis fin 2008, nous n'avons perdu que 4 points de vente. D'ailleurs, nous en avons recruté deux nouveaux et deux autres sont envisagés. Il n'y a pas eu de grosse défaillance financière du réseau. Nous avons aujourd'hui 98 contrats de concessionnaires pour 115 points de vente et service en France. Tous sont multimarques et la moitié d'entre eux le sont avec Hyundai. Le réseau nous suit parce qu'un distributeur est toujours fidèle à une marque qui lui permet de gagner sa vie.
JA. Est-ce encore le cas aujourd'hui ?
SF. La première chose à faire était de soutenir le réseau, grâce à des prix, mais aussi en offrant des facilités pour stocker les véhicules sans engager trop de frais (Financement 240 jours). Ce que nous avons fait. Nous sommes agressifs sur le plan commercial, avec des remises de 15 à 25 % sur les prix publics, afin de soutenir nos distributeurs. Malgré de telles offres, les concessionnaires dégagent quand même environ 2 500 euros de marge sur nos véhicules. Ce n'est pas si mal. Actuellement, nous vendons des véhicules à des prix qui ne sont pas soutenables à long terme. Pour SsangYong France en tous les cas. En quelque sorte, nous laissons la marge à nos distributeurs.
JA. Quels sont vos objectifs commerciaux pour 2009 ?
SF. Cette année, nous allons vendre 700 voitures. C'est-à-dire à peu près la même chose que l'an dernier. C'est loin des presque 5 000 voitures par an que nous avons fait en France il y a quelques années et qui faisaient de notre marché le 3e plus important à l'export en Europe, après l'Italie et l'Espagne, mais ce n'est pas non plus si mauvais. C'est sûr, cette année, nous perdrons encore de l'argent. En 2010, je pense que l'objectif de SsangYong France sera donc d'être au point mort.
JA. Comment allez-vous vous y prendre ?
SF. Nous avons fait venir le client pour des petites voitures. La question, aujourd'hui, est de savoir comment lui en vendre des grosses. Nous arrivons au bout du système, peut-être même à un tournant historique. Nous ne pouvons pas continuer à travailler sur les bases actuelles pendant des années. Nous allons donc avoir une nouvelle génération de véhicules SsangYong. Des 2 ou 4 roues motrices, avec des niveaux d'émissions et de consommations inférieurs. Nous avons un vrai plan produit.
JA. Quand verrons-nous poindre celui-ci ?
SF. Le 1er sera le concept C200 dévoilé à Paris l'an dernier puis montré dans une version à 95 % identique au modèle de série en mai dernier à Barcelone. Ce sera le 1er véhicule de la marque à avoir une structure monocoque. Le C200, qui changera évidemment de nom, sera lancé à la rentrée sur le salon de Francfort. Le véhicule sera produit à partir de septembre pour la Corée, puis à partir de novembre pour l'export. Les premières unités devraient nous arriver début 2010. Pour l'an prochain, nous prévoyons d'écouler entre 1 300 et 1 400 véhicules sur le marché français, dont un petit millier de C200. Ensuite, SsangYong lancera sa première berline conventionnelle en 2011. Basé sur la même plate-forme que le C200, il s'agit d'un véhicule 5 portes, Diesel, 2 roues motrices, positionné sur le segment C. Suivront le Kyron (2011), puis le nouveau Rexton (2012).
ZOOMLe groupe Frey distribuera BYD en France Troisième plus important distributeur automobile au niveau européen et importateur en France des marques Hyundai, SsangYong et Daihatsu, le groupe Frey a signé durant le mois de mai un accord avec le constructeur chinois BYD, pour l'importation de ses produits dans l'Hexagone. Initialement fabricant de piles et de batteries, BYD s'est peu à peu introduit dans l'automobile jusqu'à créer un panel de véhicules électriques ou hybrides, que chacun a pu observer sur les salons européens depuis trois ans. En début d'année, BYD a d'ailleurs lancé sur son marché un véhicule tricorps avec une autonomie de 400 km en mode thermique, puis de 100 km en mode électrique. Une offre produit qui compte également un monospace full électrique, avec une autonomie de 400 km. Des produits intéressants, basés sur une technologie de batterie sans lithium, et qui pourraient arriver très rapidement sur le marché français. Emile Frey, devrait en effet commercialiser les premiers véhicules "courant 2010", nous indique-t-on, "probablement via le réseau dont dispose déjà le groupe". Notons par ailleurs que le groupe Frey a également signé un accord avec un autre constructeur chinois. |
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