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Constructeurs

Richard Tougeron, Nissan : "Il n’y aura pas de course aux volumes"

Publié le 15 février 2023

Par Christophe Jaussaud
9 min de lecture
Portée par ses nouveautés lancées en 2022, la marque Nissan a réussi à renouer avec la croissance en France. En 2023, Richard Tougeron, directeur général de Nissan West Europe, veut amplifier la dynamique enclenchée pour retrouver une position et une rentabilité plus en phase avec les ambitions du constructeur nippon.
Richard Tougeron
Richard Tougeron, directeur général de Nissan West Europe. ©Nissan

Le Journal de l’Automobile : Après une période difficile, Nissan a re­noué avec la croissance en 2022 dans l’Hexagone. De bon augure pour 2023 ?

 

Richard Tougeron : Avec une croissance de 2,9 % des immatricula­tions VP sur l’année calendaire 2022, nous faisons mieux que le marché (NDLR : ce dernier a baissé de 7,8 %). Il s’agit d’une bonne nouvelle, notre pénétration est proche de 1,8 %, en progression de 0,2 point. Mais notre performance est encore plus intéres­sante du point de vue des commandes, notamment en fin d’année 2022 où Nissan a vraiment fait la différence.

 

 

JA : Le nombre de commandes a chuté en fin d’année 2022. Ce n’était donc pas votre cas ?

 

R.T. : Après un premier semestre où nous avons progressé de 2 % sur un marché des commandes à ‑ 4 %, nous avons été portés par nos nouveautés au cours du deuxième. Entre juillet et décembre, nos prises d’ordre ont grim­pé de 7 % pendant qu’elles baissaient de 10 % toutes marques confondues. Notre accélération a été encore plus nette sur le dernier trimestre, malgré un contexte économique délicat no­tamment symbolisé par l’inflation. Ainsi, en octobre 2022, le niveau de nos commandes a grimpé de 19 % sur un marché global à ‑ 12 %. Même ten­dance en novembre avec + 4 %, alors que la baisse était de 10 %. Et enfin, en décembre, sur un marché toujours à ‑ 10 %, nous avons fait + 36 % ! Malgré des livraisons en hausse, notre car­net de commandes reste stable avec 15 000 véhicules en attente.

 

"Dans une ré­cente enquête auprès de nos acheteurs, 50 % nous ont indiqué être venus vers nous pour la technologie e‑Power."

 

JA : Allez‑vous avoir les volumes souhaités pour livrer ce portefeuille et encore gagner du terrain cette année ?

 

R.T. : Bien qu’il nous faille rester prudents, nous ne devrions pas avoir de contraintes de production en 2023, notamment sur les Qashqai et X‑Trail. Une bonne nouvelle pour ces modèles qui représentent 50 à 60 % de notre mix VP. De plus, notre technologie e‑Power, qui a déjà enre­gistré 5 000 commandes et qui est très largement majoritaire sur le Qashqai, va encore monter en puissance. Nous allons l’exploiter pour la première fois en année pleine. De fait, nous avons fait un pari, en quelque sorte, avec cette technologie. Et nous l’avons expliquée et même installée avant les modèles eux‑mêmes dans la communication et les clients l’ont comprise. Dans une ré­cente enquête auprès de nos acheteurs, 50 % nous ont indiqué être venus vers nous pour cette technologie e‑Power qui, dans une offre complexe, rassure avec sa grande autonomie.

 

©Nissan

 

JA : Quel est votre objectif de volume en France à moyen terme ?

 

R.T. : Notre feuille de route est claire. Nous sommes engagés dans une dé­marche de croissance maîtrisée et pé­renne pour nous et notre réseau. Il n’y aura pas de course aux volumes. À la fin de notre année fiscale, fin mars 2023, nous devrions être à un niveau proche de 40 000 immatriculations et envi­ron 1,8 % de part de marché et pour l’année fiscale suivante, nous visons 10 000 véhicules de plus et une part de marché de 2 %.

 

 

JA : Une croissance qui passe par une meil­leure performance sur le canal des par­ticuliers ?

 

R.T. : Effectivement, notre perfor­mance doit être meilleure sur ce canal. Nous avons déjà amélioré les choses mais nous devons encore gagner dix points en 2023. En 2022, ces ventes ne représentaient que 30 % pour nous, alors que la moyenne du marché est proche de 38 %. Mais nous n’allons pas négliger pour autant les flottes de proximité comme celles des petites en­treprises. Quant aux autres canaux, tels les VD ou les loueurs, nous allons natu­rellement les travailler, mais la priorité sera donnée aux particuliers.

 

"Nous avons pour objectif de continuer à augmenter cette rentabilité à + 1 % en 2023 et à + 1,5 % en 2024."

 

JA : Comment va votre réseau ? Quel va être son niveau de rentabilité ?

 

R.T. : Nous n’avons pas encore les chiffres définitifs, mais la moyenne de­vrait être à + 0,5 %. Compte tenu de la situation en 2022, avec notamment ce portefeuille de 15 000 voitures à livrer, ce chiffre progresse, même si natu­rellement, nous voulons faire mieux. Nous avons pour objectif de continuer à augmenter cette rentabilité à + 1 % en 2023 et à + 1,5 % en 2024. Au‑delà de ces données, nous avons amélioré les marges unitaires de toutes nos activités. Au cours des deux dernières années, nous avons réussi à réduire de 11 % les coûts fixes du réseau.

 

JA : Allez‑vous poursuivre cette réduction des coûts fixes ?

 

R.T. : L’échéance de notre plan de ré­duction des coûts a été fixée à 2024 et nous visons une baisse de 20 % à cette date. L’inflation est à prendre en compte, mais dans tous les cas, la marge unitaire progressera encore.

 

"Sur le terrain, nous vivons sans doute la meilleure période de l’Alliance. nous coopé­rons et échangeons régulière­ment"

 

JA : Comment s’articule ce plan ? Sur quels leviers jouez‑vous ?

 

R.T. : D’abord, il ne s’agit pas d’un seul et même plan pour l’ensemble du ré­seau. Nous sommes obligés d’avoir de la granularité et dans tous les cas, nous restons pragmatiques. Ce pro­gramme ARC, pour Amélioration de la Rentabilité du Concessionnaire, est gratuit et sur la base du volontariat. Des experts en conseil de gestion dé­cortiquent tous les postes pour savoir où sont les points bloquants et ils font ensuite des propositions. Depuis un an, vingt concessionnaires se sont en­gagés dans ce programme. Et la bonne nouvelle est que leur rentabilité 2022 a progressé deux fois plus vite que les autres. Quelquefois, des ajustements ne suffisent pas. Et notre approche est alors plus structurelle, en réfléchissant parfois à redimensionner le site, à le rendre multimarque ou encore à le re­localiser. Mais ce travail se fait toujours avec le concessionnaire et lorsque c’est possible en s’appuyant sur le réseau Renault pour trouver des synergies.

 

 

JA : Justement, à l’heure où l’Alliance cherche à se redéfinir, est‑elle une réalité sur le terrain ?

 

R.T. : Sur le terrain, nous vivons sans doute la meilleure période de l’Alliance. Nous coopérons et échangeons régu­lièrement. Il faut noter que nous avons 60 % d’investisseurs communs avec Re­nault et partageons des sites dans 25 % des cas. Une fois de plus, nous restons très pragmatiques, nous jugeons des opportunités, notamment dans notre volonté de réduire les coûts fixes, mais toujours dans un intérêt commun.

 

 

JA : Dans votre ancien poste, au Japon, vous avez mené une réflexion sur les contrats d’agent. Que pensez‑vous de cette autre forme de distribution ?

 

R.T. : Ces contrats d’agent ont pour fi­nalité principale de réduire les coûts de distribution. Mais on peut aussi les faire baisser par d’autres moyens. Si nous ne vendions que des GT‑R, cela pourrait peut‑être fonctionner, mais en l’état ac­tuel des choses, je pense que l’on perdrait des volumes. Je ne suis pas convain­cu par ce modèle. D’ailleurs, comme d’autres, Nissan reste sur une distribu­tion classique. Notre réseau a été et de­meure un facteur clé de notre réussite et parfois, il nous a aussi permis de tenir dans des périodes plus compliquées.

 

 Richard Tougeron

©Nissan

 

JA : La mobilité prend une place de plus en plus importante dans les réseaux et chez les constructeurs. Que vous inspire cette montée en puissance ?

 

R.T. : Les initiatives fleurissent, mais il est encore difficile de trouver le bon business model. Pour autant, faut‑il s’engager dans cette voie ? Bien sûr, car il s’agit d’une demande du consom­mateur qui sera de plus en plus forte à l’avenir.

 

 

JA : Mobilize pourrait‑elle aussi trouver sa place chez Nissan ?

 

R.T. : C’est une discussion que nous avons lancée il y a peu, notamment autour des solutions du dernier kilo­mètre. Mais il est encore trop tôt pour répondre à votre question. Cependant, nous travaillons déjà avec Mobilize, via Nissan Finance, et nous venons de lancer, en décembre 2022, Nissan Pass, une offre de location sans contraintes. Avec elle, nous pouvons à la fois ras­surer nos clients, sur la technologie e‑Power par exemple, offrir une so­lution de mobilité et générer d’ici quelque temps des VO pour renforcer notre activité.

 

Il est trop tôt pour savoir si Mobilize peut trouver sa place chez Nissan.

 

JA : Votre Nissan Pass peut‑il être décliné dans le VO ?

 

R.T. : Pour l’heure, il est seulement disponible sur le neuf. Mais nous tra­vaillons pour pouvoir gérer un véhi­cule tout au long de son cycle de vie, le louer plusieurs fois par exemple, avec, au fil des années, des tarifs adaptés pour toujours mieux répondre aux attentes des clients et aller au‑delà des seules offres VN et VO. Pour conclure plus largement sur cette activité VO, nous sommes montés en compétence. Et nous avons, dans la mesure du possible, calé nos offres VO sur celles du VN pour donner un levier supplémentaire à nos vendeurs. Les résultats sont au ren­dez‑vous. De plus, nous avons renforcé nos équipes sur le terrain avec 4 chefs de région VO.

 

 

JA : Richard Tougeron, vous semblez donc bien armés pour 2023…

 

R.T. : Tous les voyants sont au vert et nous pouvons compter sur un réseau motivé et engagé. Notre opération portes ouvertes de janvier 2023 a confirmé notre fin d’année. Nous avions envisagé 600 commandes, contre 400 réalisées un an plus tôt, et nous en avons finalement enregistré plus de 700 ! Je dis souvent au réseau que 2023 est l’année Nissan, car 2 et 3 se prononcent ni et san en japonais (rire). Plus sérieusement, nous avons su enclencher une vraie dynamique. Le réseau et la marque sont intimement liés pour une réussite commune.

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