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Constructeurs

Renault : Un constructeur sous contrat

Publié le 24 février 2006

Par Tanguy Merrien
6 min de lecture
Carlos Ghosn a tenu tout le monde en haleine. En annonçant qu'il allait présenter un plan de développement plusieurs mois après son arrivée et une étude approfondie des ressources et des capacités du groupe, il a entretenu un suspense que d'aucuns, parmi ses employés, ont dû trouver saumâtre,...
Carlos Ghosn a tenu tout le monde en haleine. En annonçant qu'il allait présenter un plan de développement plusieurs mois après son arrivée et une étude approfondie des ressources et des capacités du groupe, il a entretenu un suspense que d'aucuns, parmi ses employés, ont dû trouver saumâtre,...

...mais qui a eu l'indiscutable effet de mettre sous pression Renault.


Parce que la marque Renault fait partie de notre paysage affectif au quotidien, on en oublierait presque qu'il s'agit d'un grand groupe industriel mondial. L'élément le plus significatif du discours de son président serait peut-être de l'avoir rappelé le 9 février dernier auprès de la presse internationale, et le 10 auprès de quelque 20 000 membres de l'entreprise ! En 2005, le groupe a dépassé les 2,5 millions de véhicules vendus par les trois marques Renault, Dacia et RSM, Renault Samsung Motors, pour un chiffre d'affaires de 41 338 millions d'euros. Quant à Nissan, ses ventes se sont montées l'an dernier à 3 597 748 véhicules. L'Alliance Renault-Nissan s'offre donc une quatrième place sur l'échiquier mondial des constructeurs automobiles avec une part de marché de 9,8 %, soit 4,04 % pour le groupe Renault et 5,74 % pour Nissan. En France, les ventes du seul groupe Renault ont atteint 704 779 véhicules dont 562 276 VP et 142 503 VU. Un grand groupe donc, mais qui n'est pas sans essuyer des revers, comme dans sa progression en Amérique par exemple, ou dans le renouvellement de ses modèles et qui peine à contenir une concurrence de plus en plus acharnée. De quoi fournir bien des sujets de réflexion à un Carlos Ghosn, toujours plus médiatique.

L'annonce faite à Renault

Accroître les ventes de 800 000 véhicules en sortant 26 modèles d'ici à 2009, atteindre une marge opérationnelle de 6 % tout en optimisant les investissements, et transformer les objectifs de croissance en autant d'engagements fermes en s'appuyant sur 5 grandes Régions, telles se définissent les grandes lignes du Plan Renault 2009 de Carlos Ghosn. Un plan accueilli diversement par les différents acteurs. La Bourse s'est montrée plutôt réceptive et les analystes financiers intéressés mais un peu inquiets. La récession de l'industrie automobile, face au caractère très ambitieux du plan et à l'importance de l'investissement qu'il implique, applique un sérieux bémol à l'enthousiasme soulevé par la visibilité au long terme qu'il sous tend par ailleurs comme on peut le lire en pages 28 et 29. Cela n'entame pas, cependant, la détermination des leaders de Régions ainsi que nous le précise Luc-Alexandre Ménard, leader de la Région Euromed (Europe orientale, Russie, CEI, Turquie, Maghreb, et Moyen-Orient) et aussi Président du Conseil d'administration de Dacia. Un leader, qui, tout en apparaissant comme dopé par la programmation Ghosn et aussi par les succès de la gamme Logan, apporte une explication à la notion d'engagement du groupe. En effet, les neuf mois qui ont précédé la déclaration du président, ont été employés à valider les chiffres, à tester les réductions de coût et à dresser la liste des modèles en s'appuyant sur les capacités d'ingénierie et de design du groupe. A noter, sur ce dernier plan, l'incertitude qui préside aux destinées de l'équipe en place, si l'on considère le retour à la planche à dessin de la nouvelle Twingo et de la Laguna (lire à ce sujet, nos commentaires en page 52).

Des taux et des modèles

L'un des gros points noirs du groupe réside indiscutablement dans la sous-exploitation de ses sites de production. Sur les 19 recensés dans le monde, le taux d'utilisation s'élève à 60 % seulement. Si l'engagement de Renault est d'atteindre les 78 % en 2009, même en recrutant 3 000 personnes à l'ingénierie, il n'est pas indécent de se poser la question de la survie des usines non rentables. Lorsqu'on sait que certaines arrivent péniblement à 40 % d'utilisation, le delta pour passer à 78, même dans la perspective d'une mutualisation des chiffres, semble bien large. Certes, avec 26 modèles en plus dont 13 nouveautés qui vont permettre d'élargir les gammes - autre point névralgique du groupe - les perspectives d'optimisation sont réelles. Cependant, il va falloir les vendre et ce, dans un contexte concurrentiel très dur, qui rend les nouveaux marchés assimilables à des champs de bataille, dont certains acteurs, nouveaux eux aussi, savent tirer parti. Pour revenir en France, Renault s'est vu tailler des croupières et a vécu, avec un certain soulagement, la vente de presque 10 000 Logan en 2005. C'est d'ailleurs ce qu'ont bien vu et dès l'origine, les membres du réseau qui ont été 450 à prendre les couleurs de Dacia et se félicitent de leur choix comme de la décision du groupe de lancer des versions diesel, break, VUL… de la marque. Des distributeurs, semble-t-il, confiants dans le plan qui leur a été proposé, par la prééminence donnée au service, et surtout par l'élargissement de la gamme vers les hauts de gamme, les SUV et les petites sportives (voir leurs commentaires en pages 36/37). L'année 2005 les avait laissés sur leur faim et ce n'est pas le relookage de la Mégane, malgré le coup de jeune opéré par la venue d'un 2 litres dCi 150 chevaux, qui aurait pu les satisfaire. Mais c'est désormais de l'histoire ancienne. Dans une autre perspective, on regardera de près l'évolution des véhicules produits et commercialisés sous marque Samsung en Corée comme dans les pays voisins. L'un d'entre eux, la SM5 ne nous a pas laissés indifférents et ses similitudes avec Nissan nous prouvent, s'il en était besoin, la réussite de l'Alliance Renault-Nissan, dans l'utilisation des plates-formes notamment.

Les paradoxes de la rechange

Secteur on ne peut plus disputé dans le milieu automobile en quête de marges, la rechange dans le groupe Renault offre bien des visages. Et bien des secrets. Il semblerait que les acteurs officiels de l'entreprise préfèrent garder un silence prudent plutôt que de monter au créneau quand on les interroge sur Motrio ou Renault Minute Carrosserie. Il est vrai que dans les deux cas, le positionnement soit loin de s'énoncer clairement. Quand Renault communique sur la valeur des pièces d'origine et sur la nécessité de venir en son réseau - et seulement en son réseau - faire réparer son automobile (le fameux "Qui mieux que Renault…"), Motrio, appartenant à la même marque, annonce vendre des pièces "adaptées". Une sémantique qui peut laisser pantois ou… muets. Quant à Renault Minute Carrosserie, dont l'atout principal est son appartenance à Renault et son handicap, sa proximité à Renault (sans doute plus cher que le "petit" carrossier du coin), sa cohabitation avec le réseau principal laisse perplexe. Sauf si l'on considère que la libéralisation des pièces de carrosserie est en marche… Décidément, il fallait bien un plan pour se sortir de tous ces pièges.


Hervé Daigueperce


"Retrouvez ce n° en kiosque jusqu'au 27 avril"

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