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Constructeurs

Quelles explications à la hausse des émissions de CO2 en Europe ?

Publié le 24 avril 2018

Par Alice Thuot
5 min de lecture
Suite à l’annonce de l’augmentation du niveau moyen d’émissions de CO2 de véhicules particuliers neufs vendus en Europe, associations représentatives des constructeurs et organisations européennes s’affrontent sur les raisons de cette dégradation.
Suite à l’annonce de l’augmentation du niveau moyen d’émissions de CO2 de véhicules particuliers neufs vendus en Europe, associations représentatives des constructeurs et organisations européennes s’affrontent sur les raisons de cette dégradation.


Il s’agit d’une grande première : depuis 2010, échéance à partir de laquelle l’Europe a commencé à analyser le niveau moyen d’émissions de CO2 des VP neufs vendus, les nouvelles n’ont pas été favorables. En effet, selon l’Agence européenne pour l’environnement (EEA), ce taux d’émission moyen s’est accru de 0,4 g/km en 2017 pour atteindre 118,5 g/km. Ainsi, pour 17 des Etats membres de l’Union européenne, cette moyenne de CO2 des VP neufs vendus sur leur territoire en 2017 a connu une hausse y compris sur les marchés les plus importants, le Royaume-Uni (+0,8 %), la France (+0,6 %), l’Espagne (+0,5 %) et l’Allemagne (0,1 %).

 

Et selon l’EEA, WLTP ne peut pas – en tout cas pas pour le moment – expliquer cette hausse alors que seuls 7 300 modèles ont été homologués via ce cycle, soit 0,05 % des nouvelles immatriculations en 2017. Plusieurs faits expliquant en revanche cette hausse inédite ont été mis en avant par l’EEA. Premier d’entre eux, la montée en puissance des modèles essence, dont les ventes ont dépassé celles du diesel, une première depuis 2009. Ceux-ci ont représenté 53 % des ventes en Europe, contre 45 % pour les modèles diesel.


L’essence plus polluant que le diesel


Or, l’EEA montre bien que même si la différence de niveau de rejets moyen de CO2 entre diesel et essence a tendance à s’atténuer, ce n’est pas parce que les modèles essence deviennent plus vertueux. Mais plutôt parce que la moyenne des rejets des essence se stabilise et celle des diesel augmente. Ainsi, un VP neuf essence vendu en 2017 en Europe affichait un taux moyen de CO2 de 121 g/km, taux quasiment constant (-0,1 g/km), tandis que la moyenne d’un diesel atteignait 117,9 g/km, soit plus d’un gramme supplémentaire par rapport à 2016. Dans le même temps, la part de marché des véhicules électriques et hybrides rechargeables est restée confidentielle, à 1,5 %, et ce, malgré une hausse des ventes de 42 % en 2017.

 

Des tendances et données qui, selon l’Acea, poseront encore plus de difficultés aux constructeurs dans leur atteinte de leur fameux objectif personnalisé de 95 g/km à l'horizon 2020. L’association des constructeurs européens d’automobiles souligne les écueils encore nombreux à l’adoption massive des véhicules électrifiés, pourtant clés dans l’atteinte de cet objectif. "Les consommateurs envoient un signal clair : il y a encore trop de barrières – telles que le manque d'infrastructures, d'accessibilité financière et d’autonomie – pour permettre le développement des voitures électrifiées. La réduction des émissions de CO2 dépendra fortement de la hausse des ventes de véhicules électriques et autres véhicules à moteur alternatif. Ces obstacles doivent donc être résolus de toute urgence", souligne le secrétaire général de l’Acea, Erik Jonnaert.

 

T&E accuse les constructeurs de ne pas jouer le jeu

 

Des propos qui n’ont pas manqué de faire réagir l’association européenne Transport & Environment. Selon elle, les constructeurs poussent les ventes de modèles diesel plus lourds et plus grands, notamment des SUV, tout en différant au maximum le lancement des versions renouvelées de leurs best-sellers et de leurs modèles électriques. Le tout, afin de pouvoir négocier un délai pour l’atteinte des objectifs d’émission des fameux 95 g/km modulés par constructeurs ou groupes de marques. Pour Greg Archer, responsable des véhicules propres au sein de T&E, "les lancements de modèles thermiques plus efficients et de véhicules électrifiés prévus en 2019 permettront une forte baisse des émissions de CO2 des voitures neuves au cours de la période 2019-2022".

 

Des accusations que conteste l’Acea, en s’appuyant sur les données de l’EEA : le poids moyen des VP neufs vendus en 2017 en Europe s’est établit à 1 390 kg, soit un poids stable par rapport à 2016. Ce poids moyen d’un diesel est supérieur de 283 kg par rapport à un essence, mais s’est tout de même réduit de 20 kg, tandis que, sur la balance, un modèle essence accuse un embonpoint supplémentaire de 27 kg par rapport à 2016.

 

Vers une nouvelle manipulation du cycle WLTP ?

 

Les passes d’armes ne manqueront probablement pas dans les mois à venir alors que, hier lundi 23 avril, T&E publiait une étude selon laquelle les constructions auraient gagné environ 21 g/km en exploitant les failles du cycle d’homologation NEDC, creusant l'écart entre les tests et la performance réelle de 17 % à 42 %. "Les constructeurs automobiles prévoient également de réduire de moitié la rigueur des cibles de CO2 proposées pour 2025 en manipulant le nouveau test WLTP. Diverses tactiques sont déployées, notamment la déclaration des valeurs élevées des émissions de CO2 en utilisant ce nouveau cycle, afin de gonfler les émissions en 2021 et de produire une base de référence élevée à partir de laquelle la cible de 15 % proposée par la Commission est calculée. Les constructeurs d'automobiles jouent également la technologie, avec, à titre d’exemple, la désactivation des cylindres qui devrait permettre de réaliser des économies beaucoup plus importantes sur la route que lors des essais en laboratoire. Les constructeurs automobiles, à travers ces tests de manipulation, sont tous sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs 2020/21", conclut l’association.

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