Pierre Loing, directeur du produit Nissan West Europe
Journal de l'Automobile. L'an dernier, vous nous disiez être inquiet pour 2009 et 2010. Finalement, comment analysez-vous l'année écoulée et quels sont vos sentiments sur l'exercice en cours ?
Pierre Loing. Nous étions effectivement très inquiets l'an dernier. J'avais même dit que si nous réalisions 500 000 ventes, nous serions à Lourdes. Au final, cela a été plutôt bon puisque nous avons dépassé ce seuil et avons même gagné des parts de marché alors que ce dernier s'est rétracté. Au niveau européen, nous avons bon espoir de terminer à + 3 % de PDM et + 2 % pour les marchés français et allemands.
Pour cette année, nous craignons tout de même un retournement du marché. Notamment sur ces deux pays.
JA. Quels ont été vos résultats en Russie et sur les Pays de l'Est et quel rôle ont-ils joué dans l'évolution constatée en 2009 ?
PL. Depuis 2003, le marché russe tirait nos performances à la hausse et compensait grandement le déficit de l'Ouest. Aujourd'hui, c'est l'inverse. La situation s'est retournée et ce sont désormais les pays de l'Ouest qui compensent les pertes accumulées en Russie. L'an dernier, nous y avons chuté de 62 %. Cela s'explique par la crise, bien évidemment, mais aussi par la dégradation du Rouble. Ce qui a forcé les acteurs à augmenter les prix. Ce qui n'a pas été une bonne chose. La Russie était devenue, en 2008, notre 1er marché européen devant l'Angleterre. L'an dernier, elle est repassée derrière. Nos ventes sur le marché russe sont, en effet, passées de 135 000 unités à environ 65 000. Aujourd'hui, la zone Russie, Ukraine, Kazakhstan va contribuer à hauteur de 15 à 16 % de nos ventes européennes.
JA. Côté produits, l'actualité est plutôt dense chez Nissan. Même si l'on considère, comme vous le disiez récemment, un nombre de lancements réduits de 60 à 48 sur la période 2008-2013…
PL. Nous n'avons pas changé de point de vue et conservons ce rythme de lancements. Même réduit, ce plan produits reste important. Nous n'avons en fait, perdu qu'un véhicule mondial qui aurait pu être vraiment sympathique. Mais en temps de crise, il faut bien arbitrer… Toujours est-il que nous ne manquons pas de nouveaux produits. C'est, en effet, un salon extrêmement riche pour nous, avec trois nouveautés majeures : la nouvelle Micra, la Leaf et le Juke.
JA. Justement, au sujet de Juke, quelles sont vos ambitions pour ce modèle et n'y a-t-il pas un léger risque de cannibalisation avec Qashqai ?
PL. Le Qashqai en est à sa troisième année de commercialisation et ses ventes sont toujours en croissance. Nous en avons déjà écoulé plus d'un million depuis sa sortie, et il n'est pas prévu que nous baissions. Avec Juke, nous voulons dupliquer ce succès. Notre philosophie est simple. Nous estimions que sur le segment B, il y avait sans doute un petit manque d'émotion. Nous avons donc donné naissance à un bébé Qashqai, ou un mini FX, pour le pallier. Après, il y a effectivement une légère cannibalisation à prévoir. Mais au fond, il y en a toujours un peu sur chaque modèle. Il est en réalité plus dans la même veine que Qashqai qu'autre chose. D'ailleurs, comme lui, il sera produit à Sunderland. La production démarrera à la mi-août pour une commercialisation en septembre outre Manche, puis fin septembre début octobre sur le continent. Quant à son positionnement tarifaire, il est volontairement agressif. Nous avons communiqué une fourchette de prix allant de 17 000 à 25 000 euros. Nous ne voulons pas en faire un véhicule de niche. C'est évident. Nous voulons faire du volume. Le Juke doit devenir l'un des trois véhicules les plus vendus de la gamme.
JA. La Leaf va, elle aussi, débarquer prochainement. Avez-vous déjà défini le pricing et le modèle commercial ?
PL. Ce qui a piloté le développement de la Leaf, c'est que ce véhicule soit en tous points comparables à un véhicule classique du segment C. Le seul inconvénient, ou trade Off, que le client doit accepter, c'est l'autonomie.
La Leaf sera lancée simultanément dans les trois grands marchés à la fin de cette année. A savoir les Etats-Unis, le Japon et l'Europe. Dans le détail, nous nous attellerons d'abord à proposer le véhicule aux marchés les plus réceptifs, puis nous déploierons le modèle l'année suivante, pour atteindre une véritable commercialisation en masse en 2012. En volume, nous devrions ainsi écouler quelques semaines de Leaf en 2010, quelques milliers en 2011, puis quelques dizaines de milliers en 2012. Quant au modèle et à la tarification, nous avons plusieurs hypothèses.
JA. Avec des produits aussi porteurs, quelle est selon vous la place que doit occuper Nissan dans les années à venir ?
PL. Nous sommes longtemps restés à 2 % de parts de marché. Alors si on atteint les 3 % de pénétration, ce n'est pas pour régresser maintenant. Nous continuerons à nous situer entre les grands généralistes, généralement entre 7 et 11 %, et les petits acteurs qui sont à 1 %. Dans cet espace, j'estime que nous pouvons encore progresser à moyen ou long terme. Pour 2010, si nous pouvons rééditer notre performance de l'an dernier, ce sera très bien, surtout sur un marché en recul.
Photo : Attendu dans les concessions françaises pour le dernier trimestre 2010, le Juke offrira trois motorisations : un moteur 1,6 l essence de 117 ch, une variante turbo compressée de 190 ch (qui accueillera la seule version 4X4 de la gamme), ainsi qu'un bloc 1,5 l dCi 110 ch.
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