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Constructeurs

Pierre Joannes-Grotz, Renault : "Faire évoluer Renew pour couvrir un spectre plus large"

Publié le 29 novembre 2023

Par Gredy Raffin
10 min de lecture
En provenance de Retail Renault Group, Pierre Joannes-Grotz a pris la succession, en juillet 2023, de Nicolas Lemaignen à la tête du département véhicules d'occasion de Renault France. Après une phase d'adaptation, il se livre pour la toute première fois sur le contexte de marché et les projets.
Renault va faire évoluer le label Renew
Pierre Joannes-Grotz, directeur des activités véhicules d'occasion de Renault France.

Le Journal de l'Automobile : Après avoir repris les rênes de l'activité VO de Renault, quelle a été votre première action ?

Pierre Joannes-Grotz : J'étais très curieux d'aller à la rencontre des concessionnaires. Il me fallait comprendre leurs problématiques et les stratégies mises en place pour performer sur le marché des voitures d'occasion. Force est de constater que le métier du VO est identique chez RRG et les distributeurs privés : le succès dépend de la rigueur presque militaire dont il faut faire preuve. Le réseau Renault est une machine bien rôdée qui laisse toujours place à l'innovation.

 

J.A. : Et quel a été votre constat ? 

P. J.-G. : J'ai pu m'apercevoir qu'il y a une bienveillance mutuelle entre le constructeur et les concessionnaires, malgré les ambitions que nous affichons des deux côtés. Ce n'est pas une surprise dans le fond, mais il fallait le vérifier sur le terrain. Les scores obtenus lors de la Cote d'amour des constructeurs en attestent également. Il y a une véritable relation de confiance entre nous.

 

L'arrivée des véhicules de la génération Renaulution va permettre d'élargir et de rafraîchir l'offre de voitures d'occasion

 

J.A. : Considérant le contexte de marché, quelles opportunités se présentent à vous et de quoi faudra-t-il vous méfier ?

P. J.-G. : Le marché est en perte de vitesse et le stock de voitures d'occasion augmente au point de se rapprocher des niveaux d'avant Covid. Il n'y a pas encore matière à tirer la sonnette d'alarme, mais les frais financiers sont en hausse constante, voire exponentielle. J'ai pu le constater en tant que directeur de la succursale de Caen (14) lors du premier semestre et je dois gérer ce paramètre en tant que constructeur désormais. Les frais ont été multipliés par quatre en quelques mois et le portage de stock VO coûte donc bien plus cher qu'en début d'année. En conséquence, les concessionnaires ont tendance à baisser légèrement les prix depuis la fin du premier semestre.

 

J.A. : Derrière ce tableau bien sombre, y'a-t-il quand même des lueurs d'espoir ?

P. J.-G. : Il y a des opportunités. Je pense que le segment des voitures de moins de deux ans va repartir à la hausse l'année prochaine. Je suis aussi intimement convaincu que l'arrivée des véhicules de la génération Renaulution va permettre d'élargir et de rafraîchir l'offre de voitures d'occasion. Les véhicules électriques resteront aussi un pilier important, entre la Renault Zoe, la Dacia Spring et les véhicules d'autres marques.

 

J.A. : Vous dites que le marché des moins de deux ans va rebondir. Quels sont vos arguments ?

P. J.-G. : Nous avions moins d'offres pendant plusieurs mois, en partie à cause des tensions sur le marché du VN. D'ailleurs, il y avait une demande de la part de clients qui ne pouvaient pas être livrés dans des délais raisonnables. Mais il était difficile de les satisfaire. Clairement, les concessionnaires vont travailler dans un environnement plus stable sur le terrain des VO de moins de deux ans, puisque la production a redémarré.

 

J.A. : Avant d'évoquer plus largement l'avenir, quelles sont les projections pour 2023 ?

P. J.-G. : Sans tirer de plan sur la comète, nous pensons que nous finirons l'année avec un total avoisinant 215 000 ventes à particuliers dans le réseau Renew. Ce qui représente une baisse de l'ordre de 7 %. Mais quand on regarde le marché, on note que le réseau résiste en suivant la tendance générale qui devrait être de -6 %.

 

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J.A. : Cette prévision s'applique-t-elle aux VP et aux VUL ?

P. J.-G. : Les VP s'en sortent mieux que les VUL. Nous avons moins d'utilitaires à proposer et donc les chiffres reflètent les difficultés conjoncturelles de ce segment.

 

J.A. : Et vos propres ventes au réseau…

P. J.-G. : Nous ne préférons pas communiquer sur les chiffres, mais il n'y a pas forcément de friction. Cela se passe plutôt bien.

 

J.A. : Comment ont évolué des indicateurs de référence comme la segmentation, le prix de transaction, la rotation, le mix de financement ou encore la répartition des approvisionnements ?

P. J.-G. : Il y a une baisse des prix depuis avril 2023 et elle a été plus perceptible ces derniers mois. Le réajustement a été de l'ordre de 2 à 3 %, et je m'attendais néanmoins à ce qu'elle soit plus brutale. En ce qui concerne la rotation, elle a ralenti un peu. Pour le financement, le contexte financier a joué contre notre secteur. La location avec option d'achat (LOA) n'a pas progressé comme nous le souhaitions. En 2023, la pénétration restera donc stable, à 13 %, alors que nous espérions gagner du terrain.

 

Nous allons ouvrir l'intégralité du parc exposé en ligne à la réservation

 

J.A. : Maintenant que vous maîtrisez mieux les dossiers, comment cela va-t-il se traduire en termes de projets ?

P. J-G. : Il y a un peu de travail tant les enjeux sont forts pour 2024. Une remise en question continue de nos organisations sera l'une des clefs de nos réussites. Le premier sujet a trait à la promesse client. La segmentation ayant évolué au profit d'un marché des VO de plus de 5 ans, notre label ne correspond plus à 100 % aux réalités. En 2024, nous allons faire évoluer Renew pour couvrir un spectre plus large, comprenant des voitures plus âgées et plus kilométrées. En parallèle, nous allons allonger à 30 jours ou 1 000 km la durée de la période "Satisfait ou remboursé", cela pour mieux accompagner la digitalisation des ventes.

 

J.A. : Que veut dire plus âgé et plus kilométré ?

P. J.-G. : Nous avons mené des négociations avec des partenaires pour savoir jusqu'où pourrait aller Renew en matière de couverture. Elle passera de huit à dix ans et de 120 000 à 150 000 km sur l'ensemble de nos labels.

 

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J.A. : Avez-vous un autre projet en tête ?

P. J.-G. : En effet, nous voulons plus de transparence sur les voitures d'occasion. Renault est en train de préparer un système de rapport d'historique du véhicule. Il sera construit avec les données comprises dans nos bases. Au-delà des rapports fournis par Histovec, nous voulons plus de traçabilité sur les entretiens.

 

J.A. : Comment allez -vous gérer les voitures d'autres marques et les exemplaires plus âgés qui sont souvent sortis des radars ?

P. J.-G. : Ce sera une deuxième étape dans notre projet qui consiste, pour l'heure, à se concentrer sur le parc roulant que nous maîtrisons, de Renault, Dacia et Alpine. Nous serons parmi les tout premiers à effectuer ce travail et à communiquer sur ce service auprès des clients. Nous espérons alors que cela impulse une dynamique chez les autres constructeurs pour parvenir un jour à un meilleur partage des informations entre professionnels pour le plus grand bénéfice des consommateurs.

 

J.A. : Un projet concerne-t-il le parcours d'achat ?

P. J.-G. : La période Covid a initié un vrai élan vers la digitalisation. Les clients ont aujourd’hui des attentes en termes de parcours digitaux. En tant que constructeur et acteur majeur du marché, Renew se doit d’y répondre et d’être à un niveau élevé. Le site va donc subir des évolutions. Parmi les nouvelles dispositions, nous allons afficher tous les prix des VO en loyer dès décembre 2023. Puis rapidement ensuite, nous allons ouvrir l'intégralité du parc exposé en ligne à la réservation. Les clients pourront verser un acompte afin de bloquer une offre. En plus de capitaliser sur notre expérience du digital, nous montons donc en compétence. L'outil Trade-in, dédié à l'estimation de reprise à distance, profitera aussi d'améliorations pour faciliter la vie des clients et s'aligner sur ce que propose désormais la concurrence. Il est encore un peu tôt pour faire des annonces plus claires.

 

J.A. : Le rachat cash suppose du reconditionnement. Quelles sont vos convictions en la matière ?

P. J.-G. : Je l'ai vécu chez RRG, la préparation est un point central du marché de l'occasion. Et ce, que le véhicule provienne du rachat cash ou d'un autre canal d'approvisionnement. J'accorderai beaucoup d'attention aux sujets de l'inspection et de la préparation pour vendre des voitures d'occasion prêtes à partir sur nos parcs. Il existe différents niveaux de maturité. Certains distributeurs sont très avancés et d'autres commencent à peine à s'organiser. Nous n'aurons ni l'ambition de nous substituer au rôle du distributeur ni d'imposer une méthode de préparation. Renault va les accompagner en démontrant que certains schémas fonctionnent et sont profitables.

 

Nous venons de franchir la barre des 100 000 Renault Zoe revendues d'occasion depuis son lancement

 

JA. Quelle est votre explication au fait que le marché des voitures électriques d'occasion tarde toujours à démarrer en France ?

P. J.-G. : Je pense qu'il est un peu dur de dire que le marché tarde à démarrer. Cela fait plusieurs années que l'offre s'est densifiée sous notre label Renew Electric. Nous exposons les Zoe, les Kangoo, la Megane e-Tech ou encore les Dacia Spring en attendant d'autres modèles de la gamme et ceux de marques concurrentes. Le constat peut donc être positif. À titre d'exemple, en octobre 2023, nous avons vendu 1 600 VE sous le label Renew. Ce qui a été notre deuxième meilleure performance après le mois de mars 2022. Nous estimons que les VE auront une pénétration de 5 % dans nos ventes cette année et de 7 % l'an prochain.

 

J.A. : Mais la pénétration de 25 % de la Zoe à fin octobre témoigne d'un manque de compétition…

P. J.-G. : Avec trois générations désormais disponibles, la Zoe répond évidemment à une grande part de la demande. Nous venons d'ailleurs de franchir la barre des 100 000 unités revendues d'occasion depuis son lancement. Sa pénétration a tout de même reculé de dix points par rapport à l'an passé du fait de la diversification de l'offre, chez nous comme chez les concurrents. Pour maintenir son attractivité en fin d'année 2023, nous avons fait évoluer notre offre sur la version 52 kW. Le montant du loyer mensuel a été abaissé, passant de 149 euros à 99 euros. La Zoe perdra encore des parts en 2024, car nous aurons davantage de Twingo, de Mégane E-Tech et de Dacia Spring.

 

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J.A. : Que peut-on dire du marché au travers de la clientèle ?

P. J.-G. : Nous avons deux types de profils. D'une part, il y a ceux qui recherchent une équation économique au travers d'un véhicule au faible coût d'usage. D'autre part, nous avons des acheteurs motivés par des convictions environnementales sinon technologiques. Le segment est en pleine croissance. Nous avons la palette la plus large, mais je me réjouis de voir des concurrents arriver.

 

J.A. : Quelles sont les clés de la croissance pour les mois à venir ?

P. J.-G. : Nous avons les outils pour accompagner les clients dans leur achat et notre réseau fait preuve de maturité. Le travail n'est cependant pas terminé et la formation doit rester centrale. La dynamique tient aussi aux aides gouvernementales. Le bonus écologique et la prime à la conversion sont de véritables leviers. Je pense qu'il y a encore un grand décalage entre les soutiens apportés aux VN et aux VO. Une politique plus volontariste serait bénéfique pour accélérer les ventes.

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