S'abonner
Constructeurs

Pékin au centre du monde

Publié le 18 juin 2004

Par Alexandre Guillet
7 min de lecture
La 8e édition du Salon de l'automobile de Pékin vient de fermer ses portes et s'est révélée à la hauteur des espérances de l'industrie envers ce marché. Plus grand et plus fourni que l'édition précédente, le Salon a donné l'occasion aux constructeurs occidentaux d'annoncer de nouveaux investissements...

...en Chine.

Pendant près d'une semaine et encore plus que d'habitude si cela était possible, la Chine s'est retrouvée au cœur de toutes les préoccupations des acteurs de l'automobile. La huitième édition du Salon de l'automobile de Pékin s'est en effet déroulée du 10 au 16 juin dernier en présence de tous les acteurs majeurs de l'industrie automobile mondiale. Pas moins de 1 600 entreprises, constructeurs et équipementiers, chinois et étrangers, ont décidé d'exposer leur savoir-faire et leurs nouveautés à Pékin et, en tout, ce sont quelque 600 véhicules venus de tous les horizons qui auront été présentés au public chinois. Signe de l'intérêt croissant de l'industrie automobile à l'égard de ce marché, l'augmentation record du nombre d'exposants : lors de la précédente édition, en 2002, les organisateurs de la manifestation n'avaient enregistré que 1 200 participants. Face à cette recrudescence, il a même fallu changer le lieu du Salon, le Centre international des expositions de Pékin étant devenu trop exigu. La surface totale a ainsi été portée à 120 000 m2, en augmentation de 50 % par rapport à 2002.

Bientôt le 3e plus grand marché mondial

Il faut dire que cette véritable mine d'or de nouveaux consommateurs a de quoi attirer toutes les grandes entreprises mondiales, qui vont chercher dans l'Empire du Milieu une source de revenus supplémentaires. Sur une population totale d'environ 1,3 milliard d'individus, le nombre de consommateurs potentiels est estimé à l'heure actuelle à environ 200 millions, des personnes qui ne demandent qu'à pouvoir s'acheter une voiture, étrangère de préférence. Les débuts prudents de la libéralisation du marché ont fait grimper progressivement les chiffres de la consommation et, aujourd'hui, la Chine est en passe de se hisser au troisième rang des plus grands marchés automobiles, après les Etats-Unis et le Japon. En 2003, l'association des constructeurs chinois a annoncé des ventes VP de plus de 2 millions d'unités, en hausse de près de 75 % par rapport à l'année précédente et, sur les trois premiers mois de l'année 2004, la croissance du marché automobile s'est située aux alentours de 44 %. Depuis le mois d'avril, les ventes de voitures semblent connaître un léger ralentissement, mais les constructeurs demeurent néanmoins optimistes. "On est dans un cycle de croissance qui continue", déclarait ainsi à l'AFP, le 7 juin dernier, Jean-Claude Germain, délégué général pour la Chine du groupe PSA Peugeot-Citroën. "Le marché marque une pause, mais c'est marginal", temporisait-il. D'ailleurs, bon nombre de constructeurs ont choisi l'occasion du Salon de Pékin pour annoncer de nouveaux investissements industriels sur le sol chinois. C'est le cas de General Motors qui a prévu un programme d'investissement de l'ordre de 3 milliards de dollars en Chine, réparti sur trois ans. De même, DaimlerChrysler souhaite doubler ses capacités de production et compte pour cela investir un milliard d'euros dans les deux ans à venir. Cet investissement concerne à la fois la branche poids lourds du groupe, qui bénéficiera d'une nouvelle unité de production, et les 4x4, pour lesquels le groupe germano-américain s'est fixé un objectif de 60 000 ventes en 2004, en progression de 75 % par rapport à 2003. Par ailleurs, ce sont bientôt les Mercedes Classe E et C qui seront produites sur le sol chinois, le constructeur ayant reçu en mai l'accord du gouvernement. Ford, quant à lui, qui ne dispose pas d'une position très forte en Asie, a déclaré vouloir produire la Focus dans plusieurs sites de la région Asie-Pacifique d'ici un an. Il a ainsi exposé au Salon de Pékin la nouvelle Ford Focus en première mondiale. Volkswagen n'est pas en reste et annonce également un investissement massif dans la région, de l'ordre de 5,3 milliards d'euros. Le numéro 1 du marché chinois, qui a totalisé 36 % des ventes en 2003, souhaite en effet augmenter ses capacités de production pour passer de 700 000 véhicules par an à 1,6 million d'ici 2006 ou 2008. De même, la firme de Wolfsburg va créer deux nouvelles usines dédiées à la fabrication de moteurs et de boîtes de vitesses, pour un investissement de 540 millions d'euros. Soucieux de conserver sa position de leader des ventes, Volkswagen va lancer en 2004 plusieurs nouveaux modèles sur le marché chinois, dont le VW Touran, les Audi A3 et A6, et la Skoda Octavia. Du côté des Français, Renault est le grand absent du marché chinois. Il n'avait d'ailleurs pas de stand sur le Salon de Pékin. PSA, en revanche, continue de développer sa présence et la marque Citroën compte vendre quelque 124 000 voitures en 2004, contre 104 000 l'année précédente, avec un objectif de 150 000 véhicules en 2005. La marque Peugeot a quant à elle présenté la 307 Sedan, produite à Wuhan, qui devrait totaliser 15 000 ventes en 2004 et 50 000 ventes en année pleine.





Le Salon en bref

  • Dates : du 10 au 16 juin 2004
  • Superficie : 120 000 m2
  • Nombre d'exposants : 1 600
  •  "L'automobile est encore un luxe récent"

     C'est une véritable bataille que se livrent les constructeurs mondiaux pour tenter d'accéder à ce marché encore immature. Les consommateurs chinois semblent d'ailleurs se jeter sur les nouveautés, particulièrement si elles sont étrangères. "Aujourd'hui, l'automobile est encore un luxe récent", explique Kham Vorapheth, directeur associé responsable Asie de Stratorg, un cabinet de consultants. "Quel que soit le modèle que le constructeur sortira, les Chinois l'achèteront, continue-t-il. Je crois d'ailleurs que, dans les prochaines années, il y aura beaucoup plus de lancements de nouveaux modèles en Chine qu'ailleurs car il y a un véritable attrait de la nouveauté." Selon lui, les consommateurs chinois ont des comportements qui frisent l'irrationnel du point de vue des Occidentaux. Ils sont capables d'acheter une voiture 20 % plus chère parce qu'elle est importée plutôt qu'une voiture fabriquée localement, l'achat comportant une très forte connotation statutaire. Par ailleurs, l'entrée de la Chine dans l'Organisation mondiale du commerce laisse entrevoir pour les entreprises étrangères une libéralisation encore plus forte du marché. Les autorités chinoises ont ainsi annoncé que les quotas d'importations sur les véhicules seraient abolis en 2005, permettant aux constructeurs d'inonder le marché. De plus, les droits de douanes seront abaissés de moitié d'ici 2006, pour passer de 20 % à 10 %, ce qui permettra de continuer à réduire le prix des voitures. Enfin, l'obligation pour un constructeur de s'allier au travers d'un joint-venture avec un industriel local pourrait également disparaître cette année, laissant le champ libre aux investisseurs. Toutefois, l'engouement pour le marché chinois ne doit pas masquer certaines ombres qui viennent ternir le tableau. Le représentant de Stratorg confie ainsi que "les prix baissent de 10 % environ tous les ans". La concurrence est de plus en plus vive et la rentabilité des constructeurs pourrait s'en trouver, à terme, diminuée.

     Gare à la surchauffe !

    Cette pression sur les prix risque de ne pas s'arrêter là, d'autant plus que la demande commence à fléchir légèrement et que, selon Nicolas Bouzou, responsable conjoncture internationale chez Xerfi, "il commence à y avoir des invendus" : une conséquence des mesures gouvernementales visant à limiter le crédit à la consommation qui aurait tendance à s'emballer. "L'emballement du crédit est risqué, explique Nicolas Bouzou, car les banques chinoises sont encore jeunes et ne savent pas forcément évaluer les risques pour les prêts." Les autorités chinoises ont clairement affiché leur intention de ralentir la croissance du pays afin qu'elle ne retombe pas comme un soufflé. Leur objectif est ainsi de la limiter à 7 % en 2004, alors qu'elle se situait entre 9,5 et 10 % en 2003. "Ils n'y arriveront pas, tranche néanmoins le représentant de Xerfi. Statistiquement, il faudrait un net ralentissement dans les prochains mois pour y arriver ; à l'heure actuelle, la croissance devrait se situer aux alentours de 8 ou 8,5 % en 2004." Aujourd'hui, subsiste donc un risque de surcapacité pour l'industrie automobile chinoise. "Les constructeurs occidentaux financent leurs investissements sur les marchés occidentaux où les taux sont très faibles", reprend Nicolas Bouzou, avant de prévenir : "Mais ces investissements risquent de ne pas être rentables." Pour autant, s'il modère l'enthousiasme des entreprises étrangères, il ne nie pas l'intérêt d'investir sur le marché chinois. "Au contraire, les constructeurs ne peuvent pas ne pas y être présents, mais cela signifie qu'il ne s'agit pas d'un Eldorado où tout est possible", conclut-il.


    Arnaud Dumas

    Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
    Partager :

    Sur le même sujet

    Laisser un commentaire

    cross-circle