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Constructeurs

"Nous avons fait un gros effort de conquête sur la clientèle entreprises"

Publié le 10 février 2011

Par Alexandre Guillet
11 min de lecture
Marc Ouayoun, directeur des ventes Porsche France - Après quelques turbulences, Porsche est repartie de l’avant et l’unité française a connu une année 2010 prolifique. Pour Marc Ouayoun, l’heure n’est pourtant pas au satisfecit dans la mesure où ce n’est qu’un début. Explications.

Journal de l’Automobile. Quel bilan dressez-vous de l’exercice écoulé sachant que le marché a encore évolué dans un contexte riche en soutiens exogènes ?
Marc Ouayoun.
Le marché, en général, était caractérisé par différents dispositifs d’incitation, prime à la casse et remises très élevées, mais cela ne concerne pas notre marque qui évolue sur des micro-segments. Autant nous avons pu souffrir de la mise en place du bonus-malus ou de la crise mondiale, autant 2010 a coïncidé pour nous à un retour à la croissance. Ainsi, l’an passé, nous avons enregistré 2 700 immatriculations, si l’on tient compte du N1, soit une progression de 28 %. Au-delà de notre marché de référence, la France, si nous intégrons le Maghreb et Monaco, nous avons réalisé 2 900 livraisons. Et pour être complet, j’ajouterais que nous avons enregistré 3 600 commandes en 2010 ! Le Cayenne reste à un très haut niveau, avec 2 200 commandes, tandis que la Panamera a représenté plus de 500 commandes. Ce modèle est d’ores et déjà le deuxième de son segment et sans offre Diesel ! Grâce au Spyder, le Boxster a progressé de 23 % et la gamme 911 pèse toujours plus de 30 % de son segment avec environ 600 commandes. Nous continuons d’ailleurs à travailler beaucoup sur notre gamme sportive, par le biais de super cars notamment. Bref, cette année nous a véritablement permis de repartir de l’avant et l’indicateur des commandes en est la plus parfaite illustration, avec une progression de 67 % entre 2009 et 2010.

JA. Comment expliquez-vous ce redressement significatif, alors même que le marché, au sens large, gardait des stigmates d’inquiétudes ?
MO.
Je pense que c’est avant tout le fruit du travail effectué par la marque. Trois leviers de croissance peuvent être mis en exergue. Tout d’abord, le repositionnement social de la marque, qui a su faire sa mue environnementale et devenir plus raisonnable entre guillemets, sans renier son ADN. Ainsi, nous ne sommes plus sanctionnés par le super malus et à titre indicatif, le Cayenne a réduit ses émissions de 40 %. Pour illustrer cette démarche, on peut évoquer le Cayenne hybride, ses versions Diesel ou encore la Panamera dotée d’un V6. Par ailleurs, ce résultat s’explique aussi à l’aune des efforts que nous avons portés sur notre réseau. Un travail de longue haleine, initié il y a dix ans et nettement intensifié ces trois dernières années. Avec nos ouvertures à Roissy, Dijon et Avignon et en attendant celle de Tours dans trois mois, nous avons désormais 35 sites dans l’Hexagone. Mais au-delà de la capillarité, nous avons travaillé rigoureusement sur les méthodes et les process pour passer d’un réseau d’artisans éclairés à un réseau très professionnel et homogène. J’insiste sur le fait que nous l’avons fait de concert avec nos distributeurs et que tout le monde s’est accaparé notre slogan “retail is detail”. Enfin, la croissance s’explique aussi par notre amplitude géographique. Nous sommes désormais une région qui comprend la France, Monaco, mais aussi les pays du Maghreb. Après le Maroc, nous allons ouvrir la Tunisie dans quelques jours, même si le contexte est délicat, et l’Algérie dans quelques semaines. Cette zone devrait représenter 10 % de nos volumes dès 2011, soit environ 300 véhicules.

JA. Doit-on en déduire que la France devient une région à l’échelle du groupe et que cela va vous aider à garder votre poids vis-à-vis du siège et de ses arbitrages budgétaires face à l’impact des pays émergents ?
MO.
Tout à fait, nous devenons une “Regional Office” avec le Maghreb et sans oublier notre présence à la Réunion et notre prochaine ouverture à l’Ile Maurice. Naturellement, nous ne prétendons pas lutter, à terme, face à certains pays dits émergents, comme la Chine par exemple, mais on peut souligner que nous restons le 6e marché du groupe et que nous avons connu une croissance supérieure à celle du groupe en 2010. En fait, notre principal problème est un problème de riches entre guillemets, à savoir obtenir toutes les voitures que nous voulons.

JA. A propos du réseau, la rentabilité est-elle revenue à un meilleur niveau l’an passé, sachant qu’elle s’était un peu dégradée auparavant ?
MO.
Tout est relatif… En 2009, en pleine crise, le réseau affichait tout de même une rentabilité moyenne de 1,8 %. Et c’est meilleur en 2010. Parallèlement, le constructeur a annoncé à fin juillet une rentabilité de 16 %, ce que bien des marques nous envient. J’en profite donc pour saluer nos distributeurs qui ont suivi le mouvement pendant la crise en investissant. Un tiers de nos sites sont ainsi nouveaux et en adéquation avec nos nouvelles exigences standards. Le réseau a aussi compris la nécessité de professionnalisation et a fait les efforts adaptés. Nous l’avons particulièrement mesuré avec le lancement de la Panamera, qui était névralgique dans la mesure où nous allions conquérir des clients issus des marques Premium allemandes qui réalisent entre 40 000 et 50 000 immatriculations par an. Nous avons renforcé nos équipes terrain, multiplié par deux nos jours de formation et mis en place nos nouveaux standards qui seront audités à blanc cette année, puis réellement en 2012. Cela implique un nouveau CRM, de nouveaux critères de marges, sur le CSI par exemple, et in fine des changements de contrats échelonnés entre 2011 et 2013 dans l’ensemble du réseau.

JA. Au niveau des modèles, comment parvenez-vous à maintenir la 911 qui n’a jamais évolué dans un schéma concurrentiel aussi fort ?
MO.
La 911 est effectivement devenue l’ennemi à abattre pour nombre de nos concurrents. Il y a eu beaucoup de lancements de produits sur ce segment. Mais la 911 demeure un mythe, un mythe évolutif de surcroît. D’ailleurs, certains clients vont parfois voir ailleurs, mais beaucoup d’entre eux reviennent ensuite à la marque. Tout simplement parce que nos VR restent très élevées et que les 911 sont mieux adaptées que la concurrence à un usage quotidien. C’est une super sportive, mais elle offre quand même deux petites places à l’arrière qui vous permettent de déposer vos enfants à l’école le matin par exemple. En outre, via notre lien avec les clubs, les opérations circuits, les festivals, etc., nous nourrissons l’univers Porsche, déjà très fort. Nous allons d’ailleurs continuer dans cette voie car la demande est manifeste. Bref, la 911 reste la référence et représente toujours 30 % de son segment.

JA. Dans un autre registre, avez-vous été surpris par l’ampleur du succès de la Panamera ?
MO.
Disons que ce fut une bonne surprise ! La Panamera est en effet 2e sur son segment, derrière la Classe S, et même 1re ex aequo sur le marché des entreprises. Nous avons d’ailleurs fait un gros effort de conquête sur la clientèle entreprises avec la mise en place du département Entreprises chez Porsche depuis deux ans. Plus de 40 % de nos ventes se réalisent par ce canal aujourd’hui. Et nous avons posé des jalons prometteurs chez les Loueurs Longue Durée, en mettant en avant un TCO très compétitif, pour entrer dans leur shopping-liste. Le réseau a aussi effectué un travail essentiel en investissant dans des fichiers de leads, en se positionnant auprès des CCI ou encore en organisant des événements dédiés à cette clientèle, souvent des petits-déjeuners. Nous allons continuer dans cette voie et intensifier nos efforts en 2011 car le potentiel est important, notamment en province.

JA. Dans quelle mesure cette nouvelle donne change-t-elle votre connaissance des clients et votre approche de fidélisation ?
MO.
Si nous connaissons très bien notre clientèle sportive, nous connaissons effectivement moins les clients Cayenne et Panamera. Nous travaillons donc beaucoup dans ce sens, dans un souci de fidélisation. Avec le numérique, les clients sont sur-informés et il faut en tenir compte. C’est un support essentiel. Ainsi, de 6 100 mises en relation en 2009, nous sommes passés à 10 000 en 2010. Et au niveau des configurations de modèles sauvegardées sur le web, nous sommes passés de 2 400 à 3 100 sur la même période. Comme je l’évoquais tout à l’heure, un vaste chantier CRM est en cours de déploiement chez Porsche, sous l’appellation CRM@Porsche. Simultanément, nous sommes toujours très attentifs à l’atmosphère de nos concessions. Porsche, c’est un univers de marque spécifique, comparable à Louis Vuitton ou Nespresso. Dans ce domaine, nous avons une longueur d’avance sur nos concurrents et nous comptons bien la conserver. Par exemple, chez nous, l’organisation de voyages ou le service de conciergerie existent depuis dix ans. Mais on constate que nos clients nous sollicitent beaucoup plus qu’auparavant et nous avons donc encore d’autres projets qui verront le jour prochainement.

JA. A propos des clients, ouvrons une parenthèse : même si ce n’est pas votre politique, on voit de plus en plus de Cayenne tunés. Entre la nécessaire offre de personnalisation et l’écueil de la vulgarité de type “caricature joueur de foot”, où placez-vous le curseur pour ne pas écorner votre image ?
MO.
Entre le réseau et notre département Exclusive, basé en Allemagne, nous avons une offre de personnalisation très large et efficace. Mais il y a des choses que nous ne souhaitons pas faire, comme les peintures mates par exemple. En revanche, il existe des préparateurs pour cela et nous ne pouvons tout de même pas les interdire ! Il faut aussi savoir respecter les goûts de tous les clients. En fait, c’est un épiphénomène et je crois que notre communication et les valeurs que nous mettons en avant seront les plus fortes à long terme. On en revient à la force de l’univers de marque.

JA. Simultanément à la création de votre département Entreprises, vous aviez mis en place une nouvelle cellule VO, avez-vous maintenu votre ratio d’un VN pour un VO, ce qui était l’une de vos priorités ?
MO.
Dans ce domaine, avec le réseau, nous avons pris un virage stratégique déterminé il y a trois ans, avec la mise en place du label “Porsche Approved” qui inclut notamment des garanties de type VN, avec une offre 2 ans qui rencontre un grand succès. Nous avons fortement communiqué sur ce label et mis en place des standards exigeants, audités deux fois par an. Et dès qu’un site sort des clous, pour une raison ou pour une autre, nous mettons en œuvre des plans d’action de type “spin doctor”. Cela porte ses fruits et nous avons réalisé un volume de 1 500 garanties “Porsche Approved”, sachant que cela ne concerne toujours que des véhicules de moins de 9 ans ou de moins de 200 000 km. C’est une progression de 30 % par rapport à 2008. Et notre ratio s’établit désormais à 1 VN pour 1,2 VO.

JA. Le Cajun, un SUV de taille plus modeste que le Cayenne, viendra étoffer votre gamme : où allez-vous placer le curseur de l’entrée de gamme chez Porsche entre ce nouveau modèle et le VO ?
MO.
Le Cajun ne sera pas une entrée de gamme. C’est l’occasion pour Porsche de s’ouvrir un nouveau segment et la demande est significative, notamment en France. Cela correspond aussi à nos ambitions de volume définies par le siège. Mais l’entrée de gamme à proprement parler chez Porsche restera le VO.

JA. Toujours en perspective, quel regard portez-vous sur la bulle VE actuelle et quelles sont pour le groupe les pistes les plus prometteuses pour les énergies alternatives ?
MO.
Au-delà de l’amélioration continue des motorisations thermiques, nous proposons d’ores et déjà le Cayenne hybride et avec la GT3 Hybride, nous démontrons sur circuit que cette technologie n’est pas incompatible avec les valeurs traditionnelles de sportivité. En outre, le programme 918 Spyder, c’est-à-dire du plug-in hybride, constitue un véritable laboratoire. D’ailleurs, le message que nous avons fait passer à Detroit est clair : la compétition est essentielle pour Porsche et c’est un remarquable relais de transfert de technologies. Le volant à inertie est ainsi l’avenir du sport automobile. En fait, au chapitre des nouvelles énergies, aucune piste ne peut être ignorée. Pour le VE, nous avons par exemple trois Boxster électriques en phase test à Stuttgart. Mais il convient avant tout de conserver une vision mondiale de cet enjeu. Enfin, même si on en parle moins dans les médias, le chantier sur l’allégement des véhicules est et sera aussi déterminant. Notons à ce sujet que la Panamera affiche le même poids qu’une Citroën C5 !

JA. Au final, et sans fausse modestie, quels sont vos objectifs pour 2011 ?
MO.
Bien que nous imaginions le seul marché français global à - 10 %, nous comptons distribuer 3 000 Porsche sur notre zone. Le Cayenne devrait représenter 45 % de nos ventes, la 911 700, la Panamera 600 et le duo Boxster Cayman 300.

JA. Pour conclure, n’avez-vous pas le sentiment que l’indice démographique joue en votre faveur, avec plus de seniors notamment ?
MO.
Tout à fait, la démographie est à notre service : plus de seniors, mais aussi un tissu de PME dynamiques, notamment en province. Cependant, nous ne pouvons pas nous exonérer du contexte et l’indice de confiance français reste primordial pour nous, car l’achat d’une Porsche reste avant tout très émotionnel.
 

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