“Notre problématique n’est pas d’augmenter les prix, mais de réduire les remises”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. En guise de préambule, pourriez-vous nous brosser un rapide tableau du monde automobile en ce début d’année 2013 ?
JEROME STOLL. Comme annoncé, le marché planétaire reste bien orienté, avec une croissance de 3 %. La surprise relative vient d’Europe où la chute en ce début d’année est plus forte que prévue. Nous nous attendions cependant à une baisse, le début d’année 2012 avait été meilleur, en comparaison. Cependant, nous ne changeons pas notre prévision de marché au niveau continental avec un repli envisagé de 3 à 4 % et de 4 à 5 % pour la France. Pourquoi cela ? Parce que le second semestre 2013, toujours en comparaison avec celui de l’année précédente, sera au moins au même niveau, voire meilleur.
Maintenant, dans ce contexte, le groupe Renault gagne, de mois en mois, des parts de marché grâce à l’effet de nos lancements récents comme la Clio, les Sandero et Logan, etc. Puis cela va se poursuivre notamment avec les Zoé, Captur, Scénic ou Scénic XMod. Nous avions terminé l’exercice 2012 avec une part de marché européenne d’environ 9 % et nous sommes déjà à 10 % sur le mois de février. Sur l’ensemble de l’année 2013, nous voulons reconquérir les parts de marché perdues en 2012.
JA. Vous venez d’évoquer la Clio et son bon démarrage, mais celui-ci correspond-il à votre feuille de route ?
JS. Avec plus de 115 000 commandes déjà enregistrées à ce jour, nous respectons effectivement notre feuille de route. Cependant, ce démarrage n’a pas été homogène, mêlant de très bons résultats dans les pays du pourtour méditerranéen, comme la Turquie par exemple, et un décollage plus lent en Europe de l’Ouest, comme en Italie ou en France. Cette tendance est aujourd’hui gommée et nous allons donner, dès ce mois de mars, une nouvelle impulsion avec l’arrivée de la Clio Estate et de la Clio RS. Les volumes enregistrés jusqu’ici sont donc satisfaisants mais, au-delà de ces chiffres, l’autre bonne nouvelle est que les finitions les plus hautes dominent le mix et que les clients personnalisent largement leur véhicule.
JA. Pouvez-vous chiffrer l’apport de cette personnalisation ? Quant aux finitions hautes en phase de lancement, ce n’est pas une surprise, le plus dur est de faire durer cette tendance. Comment allez-vous essayer de le faire ?
JS. Concernant l’évolution du prix, jusqu’ici, par rapport à une Clio 3, le tarif net encaissé est supérieur de 200 euros. Quant au mix élevé, effectivement, les premiers acheteurs choisissent davantage des finitions hautes, mais cette tendance semble pérenne, d’après les retours du réseau. Avec la Clio, nous revenons sur le territoire de la valeur, avec un vrai contenu technologique qui éclaire les tarifs. Le réseau doit expliquer cela, doit faire comprendre et accepter cette valeur aux clients. C’est un long travail, mais nous en constatons les premiers résultats. Notre problématique n’est pas d’augmenter les prix, mais de réduire les remises. Je pense d’ailleurs qu’il s’agit d’une tendance de fond qui ne s’applique pas qu’à Renault.
JA. Finalement, cette acceptation de valeur ne vient-elle pas du design ?
JS. C’est effectivement un élément fondamental. Souvenez-vous de la Vel Satis, avant de penser à l’intérieur, il faut proposer un design extérieur qui séduise.
JA. Avec le SUV Captur, êtes-vous dans cette même logique ? Pensez-vous que la conquête va être importante avec ce modèle ?
JS. Le Captur arrive dans l’univers très porteur des crossovers du segment B, en substitution de la Modus. Ainsi, nous répondons parfaitement à la tendance du marché en termes de produit, avec un caractère fort, mais aussi une large offre de personnalisations, sans oublier la praticité, la modularité, etc. Autant d’éléments qui font, finalement, partie des gènes de Renault.
JA. N’est-ce pas finalement le retour de la Voiture à Vivre ?
JS. Notre slogan pourrait être “Innovation for better life”, c’est-à-dire proposer de la technologie pour rendre la vie de nos clients plus simple. Renault a retrouvé ses fondamentaux. Le Captur sera un atout indéniable pour nous comme pour le réseau, dans cette période délicate où l’achat automobile fait l’objet d’arbitrage budgétaire. Il pourra être un déclencheur. Ce nouveau fer de lance sera commercialisé dès le mois d’avril.
JA. Dacia affiche des résultats positifs en Europe depuis le début de l’année, est-ce le signe d’une belle année pour la marque ?
JS. Au regard de la structure de la consommation automobile aujourd’hui en Europe, Dacia s’adresse à une clientèle au budget contraint ou qui n’en veut pas davantage, et force est de constater que ce courant de consommation est fort. Nous demeurons les seuls depuis sept ans sur ce marché, malgré les tentatives ou annonces de certains concurrents. Nous avons su trouver le juste équilibre afin de construire ce business model très spécifique. Quant à nos ambitions en 2013, nous voulons tirer le meilleur profit d’une gamme de 7 véhicules qui, je le rappelle, est la plus jeune du marché. Nous avons beaucoup semé ces derniers mois en renouvelant et élargissant cette gamme, et aujourd’hui, nous voulons récolter les fruits de ce travail. Le Duster, malgré ses trois ans, reste un succès, comme la nouvelle Sandero qui dépasse tous ses objectifs. Nous allons aussi travailler sur les produits qui n’ont pas encore donné leur pleine mesure, comme le Dokker par exemple.
JA. Le low cost est effectivement devenu incontournable. Nissan va lancer Datsun, d’autres constructeurs y réfléchissent et vous, vous travaillez sur une offre positionnée sous la marque Dacia. Cette nouvelle offre a-t-elle une place en Europe ?
JS. Nous sommes effectivement convaincus qu’en dessous de la gamme Logan et Sandero, il y a aujourd’hui encore de la place. Y compris en Europe. Prenons l’exemple du Brésil où une classe émergente, baptisée “la classe C”, commence à largement acheter des véhicules neufs. Aujourd’hui, nous leur proposons une Clio Campus, mais ils recherchent plus de modernité pour un prix tout aussi mesuré. Le potentiel est donc très important. Nous pourrions évoquer d’autres exemples avec l’Inde ou même certains pays d’Afrique. La croissance future du marché mondial passera par là et nous voulons être capables de l’accompagner. Nous travaillons donc sur ce sujet, dans le cadre de l’Alliance, et le projet est dirigé par Gérard Detourbet, qui a déjà développé la plate-forme M0 (N.D.L.R. : la plate-forme des Dacia).
JA. Justement, la gamme M0, aussi appelée Entry, devait vous permettre, au départ, de conquérir de nouveaux marchés, de bâtir un réseau solide avant de déployer d’autres modèles Renault. Aujourd’hui, on ne voit finalement que peu de Mégane, Scénic ou Laguna côtoyer des Duster ou des Sandero sur les nouveaux marchés.
JS. Pour l’instant, notre problématique sur les marchés émergents est d’être capables de localiser la production pour être compétitifs et rentables. Dans ces pays-là, nous voulons atteindre 80 % de localisation, nous ne pouvons donc pas nous disperser. Mais je dois avouer qu’il y a eu un grand débat dans l’entreprise : doit-on avoir une offre plus large avec de petits volumes s’additionnant, ou doit-on se concentrer sur quelques segments qui font la croissance du marché ? D’un point de vue économique, la deuxième solution est naturellement la meilleure car nous pouvons concentrer notre gamme sur un nombre réduit de plates-formes. Nous avions fait différemment à une époque au Brésil, et nous avions perdu énormément d’argent. Alors, effectivement, il y a des produits qui ne seront jamais commercialisés au Brésil, comme la Clio 4 par exemple. Elle y serait trop chère, et donc très difficile à vendre.
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