N’enrichissez pas Logan
...Mondial, nous allons nous occuper de Logan. Il ne s'agit pas d'une obsession, mais de la prise en compte d'un fait commercial attendu et logique, encore que surprenant, semble-t-il, pour pas mal de monde. Le fait commercial est le suivant : puisqu'il existe en Europe occidentale, et notamment en France, une clientèle potentielle pour ce modèle, une clientèle, chiffrable à plusieurs centaines de milliers de personnes, il fallait bien s'attendre à ce que des milliers d'entre eux décident un jour ou l'autre de passer à l'acte. C'est maintenant chose faite, et le constructeur s'apprête à vendre nettement plus de Logan cette année (20 000 sur le seul marché français) qu'en 2005. Si c'est bien celui-là, l'objectif est modeste, mais il peut s'expliquer de plusieurs façons. Le pragmatisme aidant, nous sommes convaincus que le constructeur n'hésitera pas à revoir ses volumes à la hausse à mesure que le temps passe. A moins que…
Résumé des épisodes précédents
Comme il nous arrive d'écrire des évidences, nous ne revendiquons aucun mérite pour l'analyse que nous avons faite et publiée depuis longtemps, et que nous allons rappeler ici ; mais comme il s'agit, précisément, d'évidences, il est regrettable que tant de temps ait été perdu. La clientèle potentielle de Logan est enfermée dans le ghetto des véhicules d'occasion, pour une raison bien simple : ce qu'elle peut dépenser pour l'achat d'une voiture ne lui permet pas de trouver ce dont elle a besoin sur le marché du neuf. Il lui faut un véhicule qui puisse contenir toute la famille, plus les bagages : on est loin des petites et charmantes voitures de ville, où l'on n'entre que si on laisse sa valise sur le trottoir. Il faut, à cette même clientèle, un véhicule simple à entretenir et à réparer, pour éviter de dépenser des sommes folles au garage : on est très loin des petites merveilles pleines d'électronique pour lesquelles la note de l'atelier ressemble à celle du dentiste. Renault a su (ré) inventer la Simca 1 000 du 21ème siècle (moins chère, en équivalent pouvoir d'achat, que l'archétype cité) et c'est exactement ce que de nombreux consommateurs contraints économiquement attendaient. Dans un marché VO hypertrophié qui se situe aux alentours de six millions d'unités, comment penser qu'il puisse y avoir moins que plusieurs centaines de milliers ? Fin de l'analyse précédente.
Les pièges de l'avenir
Il est possible que le constructeur n'ait pas vraiment envie de vendre "trop" de Logan, compte tenu des faibles marges de celle-ci et des éventuels investissements nécessaires. Ce serait, à notre humble avis, une erreur. D'abord, parce que quelqu'un d'autre s'en occupera (suivez notre regard qui se dirige vers le levant) et réalisera les bénéfices correspondants, certes minces, mais pas inexistants. Ensuite, parce que Renault renoncerait à un rôle de promotion sociale (des consommateurs les moins fortunés) qui devrait être le sien, sauf si les racines sont une illusion. Enfin, parce que l'ouverture vers une clientèle peu habituée à fréquenter ces cathédrales non consacrées que sont les concessions pourrait permettre au constructeur de développer une gamme Logan cohérente, et de mieux comprendre le mécanisme qui permettra de faire émerger d'autres couches de clientèles potentielles, aujourd'hui prisonnières du VO. A ce propos, le choix du réseau étant fait, il reste à lui apprendre à accueillir de façon humaine et efficace à la fois une clientèle qui, au départ, n'était pas forcément désirée, et qui pourrait redevenir indésirable lorsque les vaches seront moins maigres. Enfin, la gamme Logan. Il est bon qu'on ait prévu de l'élargir, mais il serait vraisemblablement contreproductif de trop enrichir, voire de "normaliser" un produit qui a du génie tel qu'il est. Ce modèle doit continuer à déplaire aux consommateurs VN traditionnels, et à déplaire fortement aux plus raffinés d'entre eux. Il y aura toujours des franges hors cible parmi les acquéreurs, bien entendu. Mais les suivre, essayer de les conquérir, reviendrait à renoncer à la forte caractérisation du modèle, et à retomber dans la mêlée générale du marché. On ferait le lit d'un concurrent plus attentif.
Ernest Ferrari, Consultant*
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sur le site ernestferrarifirst. com
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