"L’objectif avoué de Hyundai France consiste à être le premier, en termes de qualité clients globale"
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Hyundai se présente comme une marque jeune et dynamique, donc ambitieuse. Quels sont vos objectifs, à moyen terme, pour l’Europe et la France ?
Patrick Gourvennec. Hyundai, en Europe, compte atteindre les 5 % du marché en 2015, cela représente 500 000 voitures, et donc accéder au top 5 des constructeurs. Nous avons immatriculé 370 000 voitures l’an dernier, l’objectif s’entend alors comme un beau challenge puisqu’il va falloir quasiment doubler nos ventes. Pour la France, cela signifie 2,7 % de parts de marché, soit 50 000 voitures. Nous en sommes aujourd’hui à 20 000, nous devons clairement aller chercher la croissance !
JA. Comment comptez-vous croître sur un marché qui tend, lui, à la décroissance ?
PG. Cela passe d’abord par le plan produits sans lequel la marque n’existerait pas. Mais, au-delà du produit pur, cela implique d’aller à la conquête de nouveaux marchés, c’est-à-dire de nouveaux segments sur lesquels nous n’étions pas et, aussi, de développer de nouveaux services, de nouveaux types de motorisations, de l’hybride à l’électrique en passant par l’hydrogène, si la réglementation française nous le permet.
JA. Etes-vous prêts pour les défis de l’hybride et de l’électrique ?
PG. Nous avons, aujourd’hui, toutes les énergies alternatives disponibles. Elles sont produites, puisque l’électrique a été lancée, il y a 3 ans, sur l’i10, l’hybride est sortie, en 2009, avec l’Elantra GPL hybride et, l’an dernier, avec la dernière Sonata, pour le marché US, même si nous ne désespérons pas d’en faire venir quelques-unes sur le marché européen, pour préparer le marché hybride. Comme le design de ce véhicule est très réussi - ce qui est rare pour un hybride - nous pourrions ainsi développer d’autres valeurs. En dehors de la législation, la seule contrainte que nous ayons, encore, aujourd’hui, ce sont les capacités de production, puisque Hyundai est un groupe en pleine croissance, des contraintes que nous sommes en train de résoudre avec l’implantation, dès maintenant, de nouvelles usines en Russie et au Brésil. Et nous sommes aussi “victimes” du succès de l’iX35 en Europe.
JA. Les capacités de production du groupe ne semblent, cependant, pas ralentir votre plan produits, particulièrement riche. Comment s’articule-t-il ?
PG. Nous allons lancer 12 produits d’ici à 2013, sur un rythme d’un produit tous les deux à trois mois, environ. Mieux encore, nous allons créer la surprise en élargissant la gamme vers le monospace segment C, et avec les deux produits “stars” que sont le Veloster et l’i40. Et surtout l’i40 berline parce que nous n’étions pas attendus sur un modèle de cette qualité, sur un segment nouveau pour nous. Nous avons, bien sûr, dû ouvrir le créneau par le break qui représente une tendance lourde du marché et qui est, à mon sens, esthétiquement très réussi. Et surtout, nous disposons désormais d’une vraie identité de gamme.
JA. Sur quels produits comptez-vous vous appuyer pour atteindre vos objectifs ?
PG. Avec l’arrivée de l’i40, nous confirmons définitivement notre rôle de grand constructeur généraliste. L’i40 constitue le chaînon qui nous manquait pour offrir au marché une gamme complète. Ce n’est donc pas sur un produit en particulier que nous allons nous appuyer mais sur un équilibre bien compris entre une gamme généraliste et une gamme spécialiste. Nous poursuivons, ainsi, notre travail sur les segments que couvrent l’i10, l’i20 et l’i30 de manière à asseoir notre présence sur le marché français et nous enfoncerons le clou avec l’entrée en force sur le segment D, avec l’i40, la berline porte-drapeau, en quelque sorte et notre pass sur le marché des entreprises. Notre croissance doit aussi passer par ces ventes-là, un marché sur lequel nous sommes quasiment absents, que ce soit sur les leasers en LLD ou en vente directe auprès des sociétés.
JA. La concurrence est violente sur le segment des généralistes, comment allez-vous vous démarquer ?
PG. En tout premier lieu, nous disposons de produits innovants et jeunes. Nous sommes un constructeur généraliste qui n’a pas de vieux modèles dans sa gamme, c’est déjà exceptionnel. Nous avons été longtemps considérés comme des suiveurs or, depuis quelque temps, nous avons effectué un véritable virage vers des valeurs plus émotionnelles et surtout décalées. Nous sommes passés, avec le iX35 (et la “fluidic sculpture”), le Veloster et maintenant avec l’i40, à une réputation de marque innovante, qui ose, qui repense l’automobile. Cela contribue au renouveau de la perception de la marque par les clients. Et c’est véritablement ce que nous voulons faire passer, une marque abordable, qui satisfait des envies, au travers du design, du taux d’équipement, de la motorisation ou de la qualité. Je citerais, par exemple, le coupé Genesis, qui est à 37 000 euros. Un coupé V6, avec de telles performances, et un véritable agrément de conduite, il n’y a pas d’équivalent, aujourd’hui, à ce prix-là.
JA. Vous avez évoqué le taux d’équipements sinon supérieur, à tout le moins plus abordable, est-ce que cela entre dans le “Modern Premium”, la nouvelle identité de la marque ?
PG. Nous démontrons au client potentiel qu’il a accès à des équipements premium à des prix abordables. C’est, effectivement, ce que nous appelons le “Modern Premium” mais nous allons plus loin en rendant accessible par le client ce qui ne l’était pas avant, comme nous l’avons prouvé avec le 4X4. Avec l’i40, nous donnons accès à des produits premium sans que les tarifs soient inabordables. Par ailleurs, nous rassurons le client grâce à une garantie inégalée, de 5 ans au kilométrage illimité. Et nous rassurons le réseau en nous adaptant sans arrêt aux besoins du marché. Au fur et mesure de l’arrivée des nouveaux produits et des nouveaux moteurs, nous baissons à chaque fois le niveau de CO2, parce que c’est une exigence et une particularité du marché français, à la fois pour la clientèle des particuliers, et pour les ventes à sociétés.
JA. Quel est le profil-type de votre investisseur ?
PG. Nous n’avons pas de profil type et, en même temps, il est très lié à l’historique de Hyundai France. Nous avons démarré avec une structure appuyée sur Sonauto, avec des marques comme Chrysler et Mitsubishi. Nous avons beaucoup recruté de distributeurs issus du véhicule d’occasion, qui s’étaient bien développés au niveau local et qui aspiraient à une certaine pérennité. Puis d’autres sont venus nous rejoindre, d’abord attirés par les produits 4X4, ensuite par les produits généralistes différenciés. En général, nous privilégions les petits groupes familiaux, ou des groupes qui ont une culture du management à long terme. Il faut qu’à travers le manager du site, soit véhiculée l’image de la marque, de la société.
JA. Face à la profusion de l’offre automobile aujourd’hui, qu’est-ce qui fait qu’un investisseur ait encore de la place pour Hyundai, parce qu’il reste des zones à couvrir, des entreprises ou des places à reprendre ?
PG. Les investisseurs ont envie de suivre parce qu’il y a une combinaison des deux. Aujourd’hui, nous avons des zones libres dans le grand quart Nord-Est (Rouen, Lyon, Est) et en région parisienne. Et puis, il y a des gens en fin de carrière, qui n’ont pas forcément de successeurs. D’autre part, nous notons des départs de distributeurs, qui sont souvent multimarques, avec des marques qui souffrent énormément, et qui n’ont pas forcément les moyens de poursuivre.
JA. Quelle est la panoplie d’aides que vous offrez au distributeur ?
PG. Le principe de l’aide existe mais le plus important consiste à faire vivre les entreprises qui peuvent travailler sans cela. Il est important que le réseau ne dépende pas des subsides d’un constructeur. C’est nocif pour les deux et encore plus pour le distributeur parce que cela le met en position d’infériorité. Nous privilégions un vrai dialogue de partenaires qui n’occulte pas la réalité du terrain, et qui ne soit pas inféodé aux primes ou aux aides de toutes sortes. Plus on se masque la réalité du terrain (c’est-à-dire le consommateur final) plus on risque de commettre des erreurs stratégiques.
JA. Quels sont les outils de la marque mis à la disposition du distributeur pour qu’il puisse se développer ?
PG. Nous avons travaillé énormément sur l’organisation de tout ce qui est e-commerce, notamment sur des sites de fidélisation et aussi de relances, de prospection. La rentabilité du réseau dépasse la seule activité VN, elle passe par le service après-vente, par le VO, par la vente de services, de financement, elle doit donc être accompagnée au fur et à mesure de notre développement et surtout quand nous allons chercher, avec l’i40, d’autres types de consommateurs, avec d’autres attentes. Il faut que nous soyons adaptables aux réalités du marché et c’est justement là que réside notre force. Aujourd’hui, si nous devions définir les raisons de la réussite de Hyundai, ce serait justement cette flexibilité, cette écoute du marché, cette capacité à réagir, que nous évoquerions.
JA. La souplesse dont vous parlez tient plus à l’équipe, à l’esprit de la marque ou à sa jeunesse ?
PG. Que le réseau ait la possibilité de parler à quelqu’un susceptible de prendre une décision rapidement demeure primordial et cela est défini par notre politique. Sur le plan organisationnel, je donne beaucoup de responsabilités aux dirigeants de secteur qui, quand ils sont face à un distributeur, disposent d’une grande autonomie pour que la décision soit prise quasiment immédiatement. Il faut savoir prendre des risques, et responsabiliser. Les personnes qui m’entourent sont tous des entrepreneurs.
JA. La marque s’appuie de plus en plus sur les services, et communique beaucoup sur la question, quels sont ceux qui priment ?
PG. L’objectif avoué de Hyundai France consiste à être le premier, en termes de qualité clients globale. Nous ne pourrons jamais égaler les volumes de ventes des constructeurs français en France et cela n’aurait aucun sens. En revanche, notre volonté, très liée à notre politique de développement réseau, se définit par un partenariat fort avec des entreprises de taille familiale, bien ancrées dans leur région, et surtout, dont la proximité avec le client fait la différence, c’est-à-dire se traduisant par une reconnaissance du client et une adaptation des structures aux besoins du client. La notion de service prend alors une importance capitale. Quand nous mettons en place une garantie 5 ans kilométrage illimité, nous engageons la crédibilité du constructeur et légitimons l’action du distributeur. Et quand nous instaurons un contrôle gratuit pour rassurer les clients sur l’état du véhicule, nous recréons un lien avec le réseau. Toujours en termes de service, nous avons mis en place, il y a presque un an, des contrôles qualité réguliers, assortis d’un indice de satisfaction clients, qui permet à la fois sur le service VN, et sur l’après-vente, de gérer et de mettre en place des plans d’action et d’amélioration de la qualité.
JA. Avec i-Best, vous apportez un nouveau label VO, un label de plus ?
PG. Ce qui est le plus important, ce n’est pas le label, c’est ce qui se présente dans la boîte, c’est l’organisationnel, les valeurs de reprise, les coûts, les délais de rétention, donc la rotation… une vraie maîtrise de l’activité VO. Qu’on l’appelle Hyundai VO ou i-Best, prendra son sens plus tard, mais cela passe derrière la professionnalisation de l’activité, de manière à ce que le VN ne souffre pas d’une problématique VO, voire même que le VO soit une source de rentabilité. Dans le même registre, nous avons étayé le financement grâce à la création d’une filiale, la SEFIA, (51 % CGI, 49 % Groupe Frey), avec laquelle nous essayons d’étendre notre rayon d’action vers les entreprises.
JA. Quels sont les messages que vous voulez faire passer au client final ?
PG. Depuis le premier janvier, nous avons décidé de changer notre manière de dialoguer avec le client, il fallait qu’on la fasse évoluer avec le produit. Cela a été initié par la garantie 5 ans, étendue à l’ensemble de la gamme, puis par des produits novateurs. Mais au-delà du produit, il fallait que ce soit une promesse de la marque. C’est pourquoi, nous mettons plus en avant les valeurs du design en complément de la garantie. De même, nous préférons communiquer sur les offres de reprise plutôt que sur le prix du véhicule. Le prix doit être présent dans l’idée du Modern Premium, c’est-à-dire un produit bien équipé à tarif accessible, mais doit rester secondaire voire même tertiaire. Nous rassurons par d’autres valeurs, 5 ans de garantie et des véhicules créateurs d’émotions. En mars, nous avons poursuivi notre démarche de mutation de la communication vers les valeurs d’innovation, interprétées par le Veloster et soutenues par la campagne “New Thinking. New Possibilities”. Tout est innovant, la garantie comme le Veloster et bientôt l’i40. Nous montons d’un cran à l’arrivée de chaque nouveau produit. A chaque fois, nous prouvons que nous anticipons sur le marché. Ce n’est pas le slogan lui-même qui fait la marque, c’est la matérialisation écrite de ce qu’est la marque aujourd’hui. Je partage cette vision de la marque avec les investisseurs, dans cette phase où il faut multiplier par deux fois et demi les volumes en quatre ans.
JA. Etes-vous exigeant en matière de normes, de showrooms, de standards ?
PG. Nous sommes exigeants au niveau du respect du standard mais le niveau d’exigence est très lié à la rentabilisation du projet. En clair, nous demandons un investissement net moyen chez un distributeur, entre 40 000 et 50 000 euros, cela comprend toute la partie mobilier, enseigne, carrelage, éclairage, donc des éléments relativement modestes par rapport à d’autres constructeurs. Cependant, 100 % des distributeurs qui ont fini la mise en place, sont surpris de la perception du client entre “avant” et “après”, et par l’arrivée de nouveaux clients qu’ils n’avaient jamais vus jusque-là. Nous avons, certes, des exigences, mais nous regardons de manière systématique la cohérence de ces exigences avec la rentabilisation des structures, et nous aidons les distributeurs à passer le cap. Encore une fois, cela se fait dans un climat de partenariat.
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