S'abonner
Constructeurs

Les grands défis de Fiat

Publié le 22 juin 2007

Par Tanguy Merrien
4 min de lecture
Si certains prédisaient il y a 5 ans la disparition certaine de Fiat, ils en sont aujourd'hui pour leurs frais. Nouveaux produits, nouvelles stratégies et résultats en hausse, le groupe a prouvé qu'il avait des ressources. Patrick Chiron, directeur adjoint des études et responsable du pôle...

...automobile chez Eurostaf, revient sur les déboires de l'italien et son surprenant retour au premier plan.


L'automobile a toujours été le fleuron de Fiat, son cœur de métier. Pourtant, la diversification progressive du constructeur, pour devenir un véritable empire dans les années 70 et 80, aurait pu avoir raison de la tradition. Les investissements hors automobile (banques, immobiliers…), réalisés dans les années 80 et 90, ont conduit le groupe à envisager très sérieusement de céder la division auto à l'aube de l'an 2000. Celle-ci était en constante perte de vitesse. L'italien était même en pourparlers avec l'américain General Motors, repreneur potentiel, mais dont la santé financière suscitait déjà quelques interrogations. Finalement, l'affaire ne s'est pas conclue. Selon Patrick Chiron, outre le manque d'investissements réalisés dans la branche auto, plusieurs autres facteurs ont également affaibli le groupe. "Tout d'abord, Fiat est parti du principe que le monospace n'était qu'un véhicule de niche. Alors que le constructeur aurait été complètement légitime sur ce créneau, surtout avec sa clientèle traditionnellement utilitariste. Leur modèle fut donc atypique, fabriqué sur une plate-forme particulière. Ensuite, le groupe a établi une stratégie de prix volontairement hauts, afin de donner une image de constructeur moyenne gamme, à l'instar de Renault ou de Peugeot, un positionnement qui ne lui correspondait pas". Selon Patrick Chiron, "la direction a également voulu concilier innovation et bas coûts. Cela s'est traduit dans les faits par de nombreuses pannes, ce qui a véhiculé une image peu fiable de la marque et un désintérêt croissant de la clientèle".

Fiat : une marque encore trop européenne

Ainsi, Fiat s'est progressivement retiré du marché. Il aura fallu attendre 2006 pour voir les résultats du constructeur redevenir profitables, notamment avec l'arrivée de la Grande Punto, l'atout cœur de Fiat. Les nouvelles Bravo et 500 devraient encore améliorer les résultats. "Les nouveautés doivent assurer un avenir meilleur pour le groupe mais ils ne sont pas tirés d'affaire pour autant, estime le directeur d'étude qui poursuit, les deux prochaines années devraient être bonnes pour la marque. Mais celle-ci demeure désespérément une marque européenne, avec une légère orientation vers l'Est et une présence en Asie encore faible. Son alliance avec Tata, dans le cadre du développement conjoint d'un véhicule low-cost, ne dessert que le marché local du constructeur indien. Fiat étudie la possibilité de fabriquer seul son propre véhicule à bas coûts pour l'Europe. Un joint-venture européen n'apporterait rien à Fiat, puisqu'il peut le produire lui-même".
Quant aux autres marques, Patrick Chiron reste dubitatif. "Il n'y a jamais eu de réelle stratégie sur ces marques que je considère marginales. Pour moi, il y a en toujours eu une de trop. Il me semble que ce sont des marques uniquement connues auprès des spécialistes. Le design d'Alfa Romeo reste fort, mais Lancia n'en a plus. Cette dernière n'a plus de vraie nouveauté intéressante depuis longtemps, elle est de plus en plus marginalisée en Europe, même si la marque reste forte en Italie. Mais peut-on survivre dans un seul pays aujourd'hui ? L'image d'Alfa Romeo a baissé en notoriété et le réseau de distribution hors Italie a été fortement réduit après l'application du dernier règlement. Il y a un problème d'image, et une image se travaille en permanence, par le sport par exemple, avec les 24 Heures du Mans".

"La marque possède de bons produits, joue la démarcation et a une bonne vision du marché"

Selon Patrick Chiron, "Fiat était proche du décès clinique et sa remontée peut-être considérée comme spectaculaire. Mais il faut rester prudent. En effet, le succès de la Punto les a "sauvés", mais jouer son va-tout sur un seul modèle peut-être un jeu dangereux", selon le directeur d'études. "Il faut que Fiat soit moins dépendant de la Punto, estime-t-il, que la marque déplace son cœur de gamme vers le segment C, et élargisse son offre sur le D. Ce qui sous-entend une vraie offre en termes de monospaces compacts", ajoute-t-il. Et d'évoquer d'autres défis et perspectives qui s'offrent au groupe : tout d'abord, ne pas se lancer dans l'innovation à tout prix, mais plutôt se concentrer sur la qualité des produits. Il évoque ensuite la production d'un véritable 4x4 et revient sur l'opportunité d'un low-cost en Europe… "Dans les 4 à 5 années à venir, conclut-il, le grand défi de Fiat sera d'évoluer vers une image de généraliste moyen à haut de gamme. La marque possède de bons produits, joue la démarcation, et a une bonne vision du marché. Son management actuel lui assure une certaine stabilité, contrairement au passé. La famille à la tête du groupe a enfin compris tout l'intérêt qu'elle avait d'investir dans l'automobile".


Muriel Blancheton


 

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle