Les défis de Nissan en quête de survie

Le 11 mars 2025, Makoto Uchida, président sortant de Nissan, apparaît face aux caméras avec une expression grave, illustrant l’ampleur de la crise que traverse le constructeur japonais. À ses côtés, son successeur, Ivan Espinosa, peine à afficher plus d’optimisme. Leur message est clair : Nissan est en grande difficulté et doit engager une restructuration drastique pour espérer survivre.
Un plan de redressement jugé insuffisant
"Nissan vit, en pire, ce que bien d’autres constructeurs subissent", lance Bernard Jullien, analyste économiste et maître de conférences à l’université de Bordeaux. "C’est un problème de surdimensionnement de l’intégralité de leur appareil de production." Dès novembre 2024, Makoto Uchida avait lancé un plan de restructuration visant à supprimer 9 000 emplois et à réduire la capacité de production de Nissan de 5 millions à 3,5 millions de véhicules par an, afin de générer 2,5 milliards d’euros d’économies d’ici l’exercice 2025-2026.
Mais le conseil d’administration a jugé ces mesures insuffisantes face à une perte anticipée de 500 millions d’euros pour 2024-2025, un chiffre que certains analystes, cités par Bloomberg, estiment en réalité trois fois plus élevé.
Bernard Jullien souligne que Nissan fait face à un problème structurel de surdimensionnement de son appareil industriel. Toutefois, il insiste sur un autre point critique : le manque de vision stratégique et d’innovation du constructeur. "Si Nissan avait un projet pleinement convaincant, la taille ne serait pas un problème", poursuit Bernard Jullien. "Mais on voit bien que le constructeur est en manque total d'inspiration sur ses projets."
Un effondrement sur ses marchés clés
Outre sa surcapacité de production, Nissan subit un recul alarmant de ses ventes sur ses marchés principaux.
Aux États-Unis, les ventes ont chuté de 5 % entre janvier 2024 et janvier 2025, obligeant Nissan à écouler massivement ses stocks. De plus, la menace de l’administration Trump d’instaurer de nouveaux droits de douane sur les importations automobiles, y compris depuis le Japon, pourrait aggraver la situation. Actuellement, 55 % des ventes de Nissan aux États-Unis proviennent d’importations.
En Chine, la situation est encore plus critique, avec 30 % de ventes en moins sur un an. Nissan, autrefois un acteur majeur du marché chinois aux côtés des constructeurs allemands, subit de plein fouet la stratégie industrielle de Pékin qui favorise désormais les marques locales.
Face à ces défis, Nissan se retrouve dans une position similaire à celle qui avait justifié la création de l’Alliance avec Renault il y a 25 ans : un manque de ressources technologiques et financières pour rivaliser avec la concurrence. "Ils n’ont pas d’autres solutions que de réduire la voilure avec un plan assez douloureux", selon Bernard Jullien.
Un partenaire ou la disparition ?
Dans ce contexte, trouver un nouveau partenaire devient essentiel pour la survie de Nissan. L’option Honda, évoquée par le passé mais abandonnée, refait surface. Les autorités japonaises, notamment le ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie (METI), privilégient une solution nationale pour éviter qu’un acteur étranger ne prenne le contrôle de Nissan.
D'autres pistes sont évoquées, comme Foxconn, mais elles restent floues. Par ailleurs, la détérioration des relations avec Renault laisse peu d'espoir d'un renforcement de l'Alliance. Ironiquement, Nissan a passé ces dernières années à vouloir s’éloigner de Renault, sans pour autant proposer de projet structurant pour son propre avenir.
Le constructeur taïwanais d'IPhone a, le 17 mars 2025, annoncé être proche de conclure un accord avec deux constructeurs automobiles japonais, sans citer leurs noms. Mais de fait, un partenariat avec Nissan et Honda pourrait refaire surface.
Un avenir sombre pour Nissan
La crise de Nissan semble être le résultat d'une gestion à court terme visant à masquer ses difficultés financières au détriment de l'innovation. La réduction des investissements dans la R&D et la faiblesse de son portefeuille produits illustrent un constructeur en panne de stratégie.
Avec une restructuration inévitable, Nissan est aujourd’hui au bord du précipice. La seule issue viable semble être une absorption par un acteur plus solide, mais reste à savoir qui sera prêt à prendre ce risque et pour quels bénéfices.
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