Les constructeurs préfèrent les paradis fiscaux aux émergents ?
Les grands groupes européens ne s'intéressent pas qu'aux pays émergents ! Ils ont aussi un très fort intérêt pour les paradis fiscaux. C'est en tout cas ce qui ressort de l'enquête réalisée par l'ONG CCFD-Terre Solidaire et effectuée en partenariat avec la revue Projet ("Aux paradis des impôts perdus : enquête sur l'opacité des 50 premières entreprises européennes"). Elle révèle que les 50 premiers groupes européens – sur le plan du chiffre d'affaires et cotés – totalisent près de 5000 filiales dans les paradis fiscaux, leur présence sur ces territoires ne constituant bien sûr pas une preuve d'évasion fiscale.
Toutes les entreprises intéressées
"Aucune entreprise n'échappe à l'attrait des paradis fiscaux", souligne CCFD-Terre Solidaire. Pour preuve : selon l'enquête, elles y détiennent en moyenne 117 filiales chacune, soit 29% de leurs filiales étrangères. "Les 50 groupes étudiés ont aux Iles Caïman davantage de filiales qu'au Brésil et deux fois plus qu'en Inde, poursuit l'ONG. Même la Chine n'attire guère davantage que le Luxembourg."
Et les constructeurs automobiles n'échappent pas vraiment à cet attrait. Les groupes Volkswagen, Daimler, BMW et PSA Peugeot Citroën compteraient respectivement 226, 75, 61 et 42 filiales dans des paradis fiscaux, selon l'enquête de CCFD-Terre Solidaire. "Au total, Brésil, Chine, Inde et Mexique totalisent 1299 filiales, ce qui est moins que celles situées dans les territoires les plus opaques du globe avec 1386 unités", ajoute CCFD-Terre Solidaire.
Des secteurs et territoires à la "pointe"
Certains secteurs ont pourtant plus recours que d'autres aux paradis fiscaux et certains territoires "opaques" sont préférés à d'autres. "Les banques et assurances restent de loin les premiers clients des paradis fiscaux, affirme l'enquête. Les principaux groupes européens du secteur y détiennent, en moyenne, respectivement, 35% et 36% de leurs filiales étrangères." Dans l'automobile, cette proportion n'est que de 22%.
Les destinations préférées des groupes européens présents dans des paradis fiscaux ? Dans l'ordre décroissant, les Pays-Bas, l'Etat du Delaware (Etats-Unis), le Luxembourg, l'Irlande et les Iles Caïman (à eux seuls, ces cinq territoires concentrent plus de la moitié des filiales que les firmes européennes détiennent dans des paradis fiscaux).
Des champions par secteur
Chaque secteur a en outre son champion dans le recours aux paradis fiscaux. Dans le secteur automobile, ce serait le groupe BMW qui arriverait en tête avec 35% de filiales étrangères situées dans des paradis fiscaux (21% pour Volkswagen, 19% pour Daimler et 14% pour PSA Peugeot Citroën). Disposer d'un minimum d'informations sur des filiales étrangères offshore n'est en outre pas une mince affaire : aucun grand groupe européen ne pratique le reporting pays par pays, révèle aussi l'enquête.
Mais rien d'étonnant à cela, notamment dans le seul secteur de l'automobile. "[Si] les entreprises allemandes ont l'obligation légale de fournir le résultat de chacune de leurs filiales, la loi allemande prévoit [aussi] des régimes d'exception suffisamment larges pour que, par exemple, Volkswagen puisse «oublier» de fournir l'information pour ses filiales à Panama et aux Iles Caïman", souligne CCFD-Terre Solidaire.
"Les entreprises françaises fournissent un peu plus d'informations que les autres, mais l'information est souvent très parcellaire, note aussi l'ONG. EDF ne donne le résultat que pour onze filiales, France Télécom et PSA Peugeot Citroën pour treize d'entre elles, et BPCE pour dix-neuf." Rien d'étonnant, dès lors, si l'ONG souhaite généraliser la transparence comptable pays par pays dans tous les secteurs d'activité.
Morcellement de la valeur ajoutée
"La structuration des groupes s’est considérablement complexifiée, explique CCFD-Terre Solidaire. Les entreprises travaillent sur la chaîne de valeur ajoutée pour isoler, au moins sur le plan comptable, chaque activité, et la localiser là où la fiscalité [est] la plus avantageuse." La richesse créée, c’est-à-dire l’assiette fiscale de l’entreprise, serait ainsi répartie indépendamment de sa géographie opérationnelle (lieux d’extraction des ressources, des usines de transformation ou des marchés de distribution).
Résultat : elle peut être délocalisée artificiellement par le truchement de transactions intragroupes, notamment sur l’immatériel (brevets et propriété intellectuelle, fonctions de financement, d’assurance ou de management). "Ces transactions internes aux entreprises multinationales pèseraient aujourd’hui pour plus de la moitié du commerce international, multipliant ainsi les opportunités de transferts de bénéfices", indique aussi l'ONG.
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