“Les collectionneurs ont besoin d’identifier clairement les spécialistes de la restauration”
JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Cette étude que vous avez compilée présente des résultats et des chiffres tout à fait étonnants. Comment avez-vous réagi ?
ERWAN BAUDIMANT. Nous avons été les premiers surpris des résultats. Aujourd’hui, cette étude constitue un argument de poids pour faire comprendre combien le secteur est porteur, chiffres à l’appui, et combien il est nécessaire de mettre en avant une compétence spécifique sur le véhicule ancien, afin d’être identifié comme tel.
JA. D’où vient Classic Car Colors ?
EB. Quand nous avons créé le concept Classic Car Colors, nous nous sommes focalisés sur la colorimétrie, ou comment démocratiser notre expertise en la matière, pour les anciennes, en rendant accessible notre base de données de formules. D’où la création du site Internet qui répertorie les 300 000 formules dont nous disposons chez Glasurit, glanées depuis deux cent quinze ans. Ce n’est que dans un second temps que nous nous sommes posé la question de savoir si le véhicule ancien pouvait être une source de business pour la marque. Car les collectionneurs, bien contents d’avoir les formules à leur disposition, se plaignaient de ne pouvoir les utiliser réellement, en raison de l’interdiction de vente des peintures aux particuliers, depuis la directive Reach. Alors, nous avons réfléchi sur la possibilité d’un label, sanctionnant les capacités du professionnel à travailler sur des voitures de plus de 25 ans… Ainsi, la marque pouvait proposer aux collectionneurs un spécialiste pour faire le travail dans les règles… On sait qu’environ 33 000 véhicules anciens sont en cours ou en attente de rénovation, et vont donc avoir besoin de peinture. Cela représente des volumes et stigmatise un vrai besoin !
JA. Nous parlons donc bien d’un besoin criant d’identification des professionnels ?
EB. C’est cela. Il y a deux ans, les collectionneurs manquaient d’informations leur permettant de trouver des réparateurs avec une culture et des compétences sur les anciennes. Ils récupèrent parfois une voiture en contrepartie d’une facture considérable, dont ils ne sont pas toujours capables d’évaluer la pertinence, sans même savoir si les réparations ont été effectuées dans les règles de l’art. Car de nombreuses disciplines se côtoient (sellerie, moteur, transmissions, tôlerie…) et il est souvent difficile d’identifier les professionnels de sa région quand on n’appartient pas à un club. Notre première démarche a donc consisté à isoler dans notre base les professionnels capables de travailler sur ces véhicules et dans quelles disciplines. Le label est aussi créé pour ça, pour valoriser le travail des bons réparateurs ! Car tous les collectionneurs ne sont pas dans des clubs avec des bons carnets d’adresses.
JA. Pouvez-vous nous présenter brièvement le concept ?
EB. C’est un programme vraiment orienté client, et non marketing. Pour Glasurit, le propos consiste à faire de l’image plus que des volumes de peintures. Le label n’est pas une simple récompense à un réparateur avec qui Glasurit a de bonnes relations au plan local. Il comporte des obligations très claires, comme par exemple le suivi obligatoire d’un module de formation peinture spécifique. Car les véhicules anciens ne se traitent pas de la même façon que les modernes. Ainsi, le cursus Glasurit les forme aux produits utilisés à l’époque, et aux bonnes méthodes d’applications, garantissant un résultat optimal, dans le respect de l’origine. Enfin, en termes de colorimétrie, ils sont formés à cette donnée essentielle, grâce à notre outil Classic Car Colors bien sûr, mais également en étant accompagnés sur leur connaissance des nuances, du contretypage, la reconnaissance des peintures anciennes… Enfin, nous vérifierons très régulièrement que nos ateliers labellisés sont toujours performants, car il peut y avoir du turnover en interne, et il faut s’assurer que la compétence est toujours là.
JA. Allez-vous également les aider à se faire connaître ?
EB. Bien entendu, c’est aussi un axe fort de la démarche. Les carrossiers labellisés seront répertoriés sur le site de Glasurit, géolocalisés afin d’être facilement trouvés. Puis nous travaillons aussi sur l’exposition de ces carrossiers, par le biais des clubs, peut-être de la FFVE, des musées, de la presse, de sorte que tout le monde les identifie au mieux. Enfin, le carrossier arborera une signalétique spécifique. Le label Classic Car Colors est avant tout un facilitateur de mise en relation.
JA. Où en êtes-vous du déploiement de ce label ?
EB. A ce jour, nous avons 13 carrosseries labellisées. Et l’on remarque que plusieurs carrossiers qui ne travaillent pas avec Glasurit ont eu vent du concept par le bouche-à-oreille ou sur des salons, et nous contactent pour nous rejoindre. On ne s’y attendait pas du tout et c’est une bonne nouvelle ! Mais quoi qu’il arrive, nous ne dépasserons pas la cinquantaine de professionnels labellisés. Il ne sert à rien de recruter 150 carrossiers, qui ne vont pas assez pratiquer et vont, au final, perdre leur compétence et générer de l’insatisfaction.
JA. Comment parvenez-vous à retrouver ces teintes anciennes répertoriées dans le système Classic Car Colors et disparues parfois depuis des dizaines d’années ?
EB. La base de données de Glasurit est mondiale et alimentée par les équipes de tous les pays, depuis toujours. Nous disposons d’armoires pleines à craquer de plaquettes de teintes, précieusement conservées à travers les époques. La colorimétrie constitue clairement l’ADN de notre marque. Mais cela peut aussi se faire de façon plus étonnante. Par exemple, un collectionneur a récemment retrouvé les 12 teintes originales Facel Vega et voulait les partager avec d’autres passionnés. Nous lui avons emprunté ses documents, travaillé en labo, reproduit les teintes avec des produits et des références Glasurit modernes et les avons intégrées au système Classic Car Colors. Enfin, nous travaillons beaucoup sur le parc existant, par contretypage. Et nous misons d’ailleurs aussi sur le label pour enrichir la base. Car, à mesure qu’un peintre interviendra en recomposant une teinte d’époque, il pourra soumettre la formule à Glasurit, qui vérifiera sa conformité, et l’intégrera dans sa base globale.
JA. Est-ce qu’un label de ce type, mettant en avant les compétences d’un professionnel sur les véhicules anciens, ne pourrait intéresser un constructeur ?
EB. Clairement oui, nous l’avons identifié et en avons même discuté avec certains constructeurs, sans rentrer dans les détails. Par exemple, Porsche, un partenaire historique de Glasurit, communique beaucoup sur son patrimoine, et aura peut-être à moyen terme besoin de passer à la pratique dans les ateliers, pour proposer des interventions de qualité à ses clients, car il dispose d’un parc roulant ancien considérable.
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