L'électrique, seule voie possible pour le poids lourd selon Transport & Environment
Transport & Environment (T&E) en est convaincu : 2023 pourrait marquer un tournant pour la filière du véhicule industriel. Plusieurs raisons à cela. Tout d'abord, les agendas politiques européen et français vont s'ajuster autour des normes CO2 des poids lourds.
Rappelons que Bruxelles devrait entamer son travail autour de la révision de ces normes (actuellement fixées -15 % en 2025 et -30 % en 2030) pour adopter des mesures plus strictes. En parallèle, la France engagera des discussions autour des applications sectorielles de la loi climat et résilience, qui planifie la stratégie de décarbonation du transport.
Un camion neuf sur deux "zéro émission" d'ici à 2030 ?
Compte tenu de ce contexte réglementaire, et d'une crise énergétique inédite, Transport & Environment entend favoriser l'adoption de l'électrique qui reste, à ses yeux, la technologie la plus efficace pour décarboner le secteur. Et ce, même sur des applications longue distance. Pour justifier cette position, l'ONG s'appuie sur plusieurs études récentes, dont une analyse récente de TNO pour T&E, qui prévoient une parité des TCO des camions longue distance électriques et diesel dès le milieu des années 2020, en fonction des incitations politiques.
"Les camions électriques à batterie sont plus chers à l'achat mais ils seront en mesure d'atteindre un coût total de possession inférieur au fil de leur utilisation", confirme Lucien Mathieu, directeur de Transport & Environment France. Ce dernier rappelle que les camions parcourent plus d'un million de kilomètres au cours de leur durée de vie, rendant certains coûts d'exploitation tels que le carburant et la maintenance plus favorable à l'électrique dans la durée. "Dès lors, la différence de coût entre l’électricité et le diesel rend l’utilisation du camion électrique d’autant plus pertinente économiquement que les distances parcourues s’allongent", ajoute Lucien Mathieu.
Même le coût des batteries, qui ne baissera pas aussi vite que prévu, ne devrait pas constituer un frein à l'achat, en particulier sur les véhicules à faibles tonnages qui bénéficient de packs de batteries plus réduits.
Autre facteur favorable à l'électrique selon T&E : les niveaux d'autonomie plus importants annoncés par les constructeurs (400 à 500 km à partir de 2024). Alors que 97 % de la flotte européenne de camions ne parcourt pas plus de 800 km par jour, l'ONG estime que les arrêts de véhicules pourraient être mis à profit pour recharger les batteries.
Fort de ces différents éléments, T&E juge que le potentiel d'adoption des camions électriques pour des livraisons urbaines est déjà "très élevés", et atteindra pratiquement 100 % en 2030. Pour la longue distance, la progression sera plus lente et s'élèvera à 80 % en 2026 et 99,5 % en 2030. "On estime que 4 à 9 % des ventes totales de camions seront zéro émission en 2025, ce chiffre passant à 42/48 % en moyenne d'ici 2030 et à 60 % pour certains constructeurs individuels", complète l'ONG.
L’infrastructure de recharge pas au rendez-vous
Restent toutefois plusieurs points de blocage qui pourraient entraver la conversion du parc. Le premier concerne le maillage d'infrastructures de recharge. "Ce réseau est très largement insuffisant, ce qui implique des investissements pour accélérer la mise en place de nouvelles bornes", insiste Marie Chéron, responsable des politiques véhicules de Transport & Environment. Cette dernière rappelle que le règlement sur l'infrastructure pour les carburants de substitution (Afir) vise le déploiement d'un premier réseau de stations de recharge pour camions à travers l'Europe (tous les 60 km le long des principales autoroutes) d'ici à 2025.
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Autre problématique à résoudre : les impacts environnementaux liés à l’extraction des matières premières nécessaires à la fabrication des batterie. Or cette industrie, principalement localisée en Chine aujourd'hui, provoque de la pollution minière… Là encore, T&E se montre rassurant. "Il faut aujourd'hui relocaliser la production de batteries en Europe avec de meilleures normales sociales, éthiques et environnementales tout au long de la chaîne de valeur", souligne Lucien Mathieu.
Des alternatives "surestimées"
Quid des autres alternatives, en particulier du gaz ou des biocarburants, sur lesquelles avaient misées certains constructeurs ?
Selon l'organisation, elles seraient "surestimées", que ce soit quant à leur disponibilité ou leur atout environnemental. "La production de biodiesel présente plusieurs inconvénients, liés notamment au conflits d’usage des terres ou à la déforestation. […] De son côté, le biogaz représente une alternative intéressante mais les capacités de production sont insuffisantes aujourd'hui. Les moyens doivent être investis dans les technologies de décarbonation les plus massives", estime Marie Chéron.
T&A rappelle, enfin, que miser sur ces technologies, alors que les camions ont une durée de vie de 15 à 20 ans, ferait peser un risque de verrouillage du parc, avec pour conséquence de ralentir la décarbonation du secteur.
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