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Constructeurs

Le site de production

Publié le 27 janvier 2006

Par Frédéric Richard
11 min de lecture
Difficile d'imaginer que dans une quarantaine d'heures, ces rouleaux métalliques (1) donneront naissance au fleuron du haut de gamme français. Pourtant, après des centaines d'opérations d'emboutissage, de ferrage, de peinture, de montage, d'essais, la Citroën C6...

...sortira de l'usine de Rennes.

L'emboutissage :

Cette première opération consiste à fabriquer les différentes pièces métalliques constitutives de la structure de l'automobile. Néanmoins, certains éléments ne sont pas fabriqués sur place. Des fournisseurs extérieurs fournissent les capots ou les ailes de la C6 . L'usine a pourtant souhaité conserver sur place l'emboutissage des pièces à forte valeur ajoutée. Ainsi, partant de rouleaux d'aciers livrés par Arcelor ou Thyssen, des presses allant jusqu'à 4 000 tonnes vont fabriquer les côtés d'habitacle, les portières, les ailes arrière et autres. Pour minimiser les risques de déformation durant l'opération très contraignante de l'emboutissage, les plaques métalliques sont huilées. Néanmoins, en sortie de presse, de nombreux opérateurs vérifient déjà la qualité de toutes les pièces, pour s'assurer de l'absence de défauts, qui se révéleraient lourds de conséquences pour la suite des opérations. Un prélèvement ponctuel donnera même lieu à une étude approfondie de la pièce, pour plus de sécurité. Les différents composants sont ensuite stockés en magasin, avec les éléments fournis par des prestataires (5). Pour les parties visibles de la carrosserie, les côtés d'habitacle par exemple, l'usine a mis en place un contrôle exhaustif appelé superfinition. Des opérateurs chevronnés scrutent la pièce d'emboutissage, et retouchent si besoin, ici, avec un coup de ponceuse ou là, d'un coup de lime précis. Tout cela sur la base d'un "gabarit" reprenant les défauts récurrents, mêmes minimes, de la pièce. En ce qui concerne les pièces d'aluminium, une pièce spéciale munie d'aspiration des poussières accueille elle aussi des tôliers de grand talent, qui œuvrent dans un souci du détail hallucinant.

Le Ferrage :

Nous voici maintenant dans le second bâtiment de l'usine, abritant les opérations de ferrage et nécessitant 265 personnes, juste pour le segment haut de gamme. Il s'agit ici de réunir les éléments de structure de la voiture, qui arrivent de l'emboutissage. On traite les C6 bien sûr, mais également les coupés Peugeot 407, considérés eux aussi comme des hauts de gamme dans le groupe.
Tout commence par la mise en forme des planchers avant et arrière de la caisse. Pour l'arrière, on assemble le plancher de coffre, les deux longeronnets, l'assise des sièges. A ce niveau, les structures de 407 et de C6 sont rigoureusement identiques, puisqu'il s'agit d'une plate-forme commune. La différenciation se fait à la pose de la pièce en rouge sur la photo, plus longue de quelques centimètres pour C6. La partie du plancher avant se monte sur le même principe, avant de retrouver la partie arrière. L'opération se fait au moyen d'un robot soudeur. A titre d'information, il faut en tout 4 000 points de soudure pour une C6. La machine assemble donc les deux modules avant et arrière, en leur greffant également le tablier, pièce qui recevra le tableau de bord le moment venu. L'heure est maintenant à la vérification des soudures, MIG (Metal Inert Gas) et PSE (Point de Soudure Electrique). Une opération visuelle et manuelle, effectuée pour une femme d'expérience, qui doit suivre un mode opératoire précis. En supplément, une fois par semaine, on éprouve les soudures, jusqu'à la cassure, pour vérifier leur solidité (contrôle destructif).
A partir de cette étape, la voiture est identifiée. C'est-à-dire que l'on sait déjà chez quel client elle va aller. Toutes les informations relatives à son équipement, ses options et son évolution en cours de montage, les défauts rencontrés et corrigés…, sont enregistrées dans une puce électronique fixée sur sa "luge", châssis artificiel servant au montage. Cette puce sera lue à chaque étape du processus de fabrication. Le procédé de lecture électronique permet également de déclencher le procédé de livraison synchrone des pièces. Cela signifie qu'à chaque étape de l'assemblage, une commande de pièce part chez un équipementier dont l'usine se situe aux alentours. Il devra livrer au bon endroit de la ligne, au bon moment. Cela permet par exemple que les boucliers ou les rétroviseurs, déjà teintés de la bonne couleur, arrivent au bon moment, pour la bonne voiture… Une gestion lourde, mais qui rationalise grandement les postes de travail. Chaque opérateur a forcément en main la bonne pièce au bon endroit. Pas d'erreur possible.
Nous arrivons maintenant à la mise en place des côtés d'habitacle sur la base roulante. L'opération est manuelle, mais on ne soude pas les éléments. Il s'agit juste de les positionner approximativement, à l'aide de pinces. Le soudage final se fait au moyen d'une machine aux allures apocalyptiques, le Géoflexor. Ce robot impressionnant va contrôler et affiner au maximum la géométrie de l'ensemble des pièces, puis brider l'ensemble et pointer les éléments. Les soudures finales à haute résistance s'effectuent juste après, avec, là encore, des robots. A titre d'information, l'usine de Rennes est passée de 2 à 1 075 robots entre 1975 et 2005, cela sans réduction de personnel, mais avec une productivité accrue. En parallèle de ces opérations lourdes de ferrage, une seconde équipe a travaillé sur le montage des portes en aluminium, une première dans le groupe, ainsi que des capots et des coffres arrière. Les ouvrants rejoignent maintenant la caisse. Nouveau contrôle, cette fois pour gérer le plus finement possible les jeux et affleurements entre les éléments (18). Là encore, on "paluche" (caresse) l'ensemble de la voiture afin de ressentir le moindre défaut (20), que l'on corrigera sur place, au moyen de ponceuses très fines. Le souci du détail poussé à son paroxysme ! Ce n'est d'ailleurs qu'à ce prix que les élues peuvent accéder à l'étape suivante, la peinture.

La peinture :

Dans ce troisième bâtiment c'est la guerre ! On traque ici la poussière sous toutes ses formes. Plusieurs SAS d'entrée, papier collant devant les cabines pour retenir les saletés sous les chaussures… Bref, il faut montrer patte blanche pour entrer dans le salon de beauté des C6. Surtout quand on sait qu'une poussière de 25 microns, totalement invisible à l'œil humain, se révélera après peinture sur une carrosserie.
Les carrosseries sont tout d'abord plongées dans un bain de cataphorèse (21). Une première opération ayant pour but de préparer la tôle à recevoir apprêt, peinture et enfin vernis. on dépose 20 microns d'une peinture spéciale par électrodéposition, selon une différence de potentiel de 340 volts entre le bain et la caisse. Après un premier étuvage, les futures voitures arrivent en zone de nettoyage où des doigts de fée astiquent les surfaces au chiffon résineux, pour retenir les microscopiques poussières. Des robots peintres déposent maintenant la première couche d'apprêt sur un mode électrostatique. Cela signifie que la peinture est chargée positivement, et que la carrosserie est à la masse. Ainsi, le support attire littéralement la laque, ce qui autorise le dépôt d'une couche plus importante, tout en évitant le brouillard, appelé voile. On sèche maintenant au moyen d'un système "Blow Off", comprenez soufflerie géante, puis avec un rouleau constitué de plumes d'émeus! Vous avez bien lu ! Nous sommes en 2006, des machines hyper sophistiquées peignent les voitures, mais ce sont des plumes d'émeus qui retirent les poussières sur les carrosseries de la manière la plus efficace…
En ce qui concerne les zones intérieures, difficiles d'accès pour un robot, la main de l'homme reste une référence. Mais les automates électrostatiques prennent rapidement le relais (25), suivis par un second passage, cette fois avec des pistolets standard, ce qui explique l'important brouillard sur la photo. Vous remarquerez que les peintres ne portent pas de masque. Ceci est dû à la conception même des cabines, dotées d'une aspiration suffisante pour absorber les vapeurs nocives avant qu'elles ne pénètrent dans les voies nasales de l'opérateur. La ligne se termine par la pose du vernis. Une couche intérieure à la main, une couche électrostatique puis une couche au pistolet. Et maintenant, tout le monde dans l'étuve à 145 °C pendant 20 minutes !
A ce stade, un service spécifique, appelé démérite, est chargé d'évaluer la qualité de rendu des laques, par une vérification aléatoire de véhicules. Mais C6 bénéficie là encore d'un traitement de faveur. Tous ces véhicules haut de gamme passeront dans une cabine spéciale sous les yeux d'un expert, qui validera ou non le tendu de la peinture, quitte à opérer des retouches locales, ou même à faire repeindre entièrement le véhicule.

Le Montage :

Lorsqu'elles arrivent sur les lieux, les carrosseries sont tout d'abord dépouillées de leurs portières, qui chemineront parallèlement, pour recevoir leur équipement sans entraver le reste du montage (30). Les voitures sont, en tout premier lieu, équipées de leur faisceau électrique, ainsi que quelques éléments d'insonorisation, la moquette… Sous le capot moteur, deux opérateurs travaillent à l'implantation des premiers organes mécaniques, tuyaux de climatisation, bloc d'assistance de freinage… Soulignons que toutes les lignes de montage sont parées d'un splendide parquet massif en chêne, pour le confort des techniciens. Si ce n'est pas du luxe, ça ! (32) Dans le même temps, profitant du système de livraison synchrone évoqué plus haut, une autre ligne prépare la planche de bord, incluant le groupe de climatisation, le bloc de la fameuse VTH (Vision Tête Haute). Deux techniciens réunissent les éléments (voiture et tableau de bord) grâce à un bras mécanique. Pas une seconde ni une goutte de sueur n'est gaspillée. Le montage se poursuit par la pose des pare-brise, lunette concave et custodes. L'heure est maintenant au travail sous caisse. La voiture passe sur une ligne surélevée, pour recevoir les canalisations de frein, le système de freinage électrique…
Sur une autre ligne parallèle, la partie mécanique de l'auto s'est préparée. Sur un faux châssis, de nombreux spécialistes ont préparé berceau, transmissions, trains roulant avant et arrière, pour qu'ils rejoignent la caisse au moment précis où elle arrive sur son lieu de coiffage. Cette opération magique donne la vie à la voiture. La carrosserie arrive par le dessus, et rejoint la mécanique…  Mais pas le temps de s'attendrir plus longtemps. Déjà les portières cheminent sur leur ligne de montage. Elles sont équipées de leur vitre, puis passent entre les mains du sorcier de l'étanchéité. En guise de baguette magique, il utilise une grosse machine lui permettant d'aligner parfaitement la vitre dans son rail, et s'assurer de son réglage. Précisons l'importance de cette opération, puisque les portières de C6 n'ont pas de montant, de cadre. Elles doivent donc faire l'objet d'un calage draconien pour assurer l'étanchéité sur la voiture, sans trop presser le joint, de manière à pouvoir être remontées même sur autoroute, à 130 km/h. La suite voit l'arrivée des panneaux de portes. Elles sont maintenant prêtes à rejoindre le reste de la caisse. Le cheminement de la voiture se poursuit ensuite, avec la pose des projecteurs, des historiques chevrons à l'avant, des sièges. Il ne manque plus à notre C6 que ses roues et ses portes, qui arrivent maintenant d'ailleurs, parfaitement synchronisées. Ouf, le marathon du montage est terminé. Les voitures sont toutes démarrées maintenant, et rejoignent un tunnel de lumière (46), dédié à un ultime contrôle d'aspect, des jeux, des affleurements. L'on profite également de cette étape pour reprendre la fiche d'identification des défauts qui a suivi le véhicule pendant toute sa construction. L'occasion en effet de vérifier une dernière fois que tous les éventuels défauts ont bien été corrigés dans les règles de l'art.

Les essais :

Les véhicules "bons pour le service" à l'issue de l'opération précédente accèdent à la dernière étape, à savoir les essais. Mais avant, un service spécial s'occupe d'effectuer un contrôle exhaustif de toutes les C6 et coupés 407. Ces "chimpanzés", comme on les appelle dans l'usine, sont totalement détachés du service qualité. Leur métier est de tester toutes les fonctionnalités d'une part, mais également de mettre en défaut les équipements de la voiture. Très pointilleux et particulièrement formés, ils font tout pour piéger les ingénieurs à l'origine du projet et chercher des poux dans la tête de notre C6. C'est à ce prix que l'on fait évoluer l'automobile au cours de sa vie. Si l'on découvre une avarie potentielle, si minime soit elle, un rapport est édité. Libre ensuite aux hautes instances de corriger le problème.
Juste avant de réaliser les derniers tests fonctionnels sur piste et sur route ouverte ensuite, on place la C6 sous des trombes d'eau artificielles, censées représenter une énorme averse. Les spécialistes testent ainsi l'étanchéité de la voiture. Puis vient enfin le moment tant attendu. Un essayeur professionnel mène la belle sur la piste d'essais privée du site. Suspension, la tenue de route, éléments de sécurité, rien n'est laissé au hasard (51). Le conducteur dispose d'un système électronique embarqué, lui permettant à tout moment de mémoriser l'ensemble des paramètres de la voiture, s'il décèle une anomalie. Rentré à l'atelier, il analysera cette "boîte noire" avec précision. Voilà, c'est comme ça que l'on fabrique le haut de gamme à la française. Notre C6 peut rejoindre le parc de véhicules neufs. Elle partira bientôt en concession sur un camion, et fera le bonheur d'un riche acheteur.



Frédéric Richard

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