Le business Logan
...fournisseurs après la Logan ?
La voiture pas chère par excellence est devenue, en un temps record, la référence du marché des véhicules dits "low cost", au point que certains équipementiers en font l'un de leurs vecteurs d'image ! Sur Equip'Auto, ceux là n'hésitaient d'ailleurs pas à communiquer sur le sujet, sans se faire prier. Mais pourquoi cette voiture-là, quand la plupart desdits équipementiers sont présents en première monte sur des véhicules autrement plus prestigieux ?
Au-delà de l'aspect purement marketing, le phénomène Logan est avant tout synonyme de volumes. Car si les équipementiers se plaisent, en général, à mettre en avant leur capacité à innover, ils se doivent également de couvrir du terrain. En d'autres termes, comme le résume Guy Maugis, président de Bosch France : "Nous ne devons pas seulement vendre de l'image, nous devons également vendre du volume." Et quel plus bel outil que la Logan pour, justement, le vendre ce volume ? En annonçant près d'un million de véhicules vendus à l'année à l'horizon 2010 sur quatre des cinq continents, Renault a "défié" la Logan, au point d'en faire la voiture la plus connue en Europe. De ce fait, les équipementiers, qu'ils soient internationaux, et même locaux - pour rappel, 143 équipementiers dont la plupart sont roumains, sont intervenus sur la Dacia Logan - rêvent d'honorer le véhicule de leurs produits. C'est ce qu'explique Thierry Paulet, responsable du compte Dacia en Europe centrale et orientale pour Beru Eyquem : "En gros, tous les 6 mois, les quantités de production des équipements de la Logan explosent. Ce qui nous intéresse, c'est de savoir qu'à terme, cette voiture sera vendue dans le monde entier. C'est une voiture à vocation internationale qui nous permet également à nous, équipementiers, d'être visibles dans des pays où nous ne l'étions pas jusqu'à maintenant." Rappelons en effet que le déploiement international porte au total sur 35 pays et prévoit l'assemblage de la Logan, en plus du site roumain, en Russie, au Maroc, en Colombie, en Iran et probablement en Chine et au Brésil.
Et comme si cela ne suffisait pas, en plus d'être un véhicule du monde, la Logan, si elle est siglée Dacia, signe son appartenance au groupe français grâce au "by Renault" apposé sur le hayon. Le constat n'a pas échappé à Didier Sepulchre de Conde, directeur commercial automobile de SNR : "La Logan est une Renault et il est essentiel pour un équipementier d'accompagner des constructeurs de renom. De plus, les analystes estiment que 25 % du volume de Renault sera, à terme, réalisé par la Logan… Sur un marché ouest européen un peu plat, c'est une chance unique de se démarquer !" Des analystes qui estiment également qu'en termes de croissance de marché, il n'y aura bientôt plus de juste milieu : une augmentation très forte de la demande sur le segment du haut de gamme, une disparition quasi complète du milieu de gamme qui n'offre pas de spécifications particulières, et une augmentation du segment du "bas de gamme" qui base sa valeur ajoutée sur le prix. Certes, cet "effet diabolo" ne concerne que la notion de marché, le volume restant le plus important sur les véhicules de moyenne gamme. Néanmoins, en termes de chiffre d'affaires et de croissance de marché, ce segment du low cost, qui a tendance à se développer rapidement, incite les équipementiers à le suivre de près, bref, à en être.
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
Et ce ne sont pas les développements des produits qui viendront grever ce bénéfice. Car si chaque pièce requiert, pour chaque véhicule, une cohésion parfaite avec le cahier des charges du constructeur, donc, un process de développement quasi unique, il n'en va pas de même sur la Logan. Certes, les produits ont été adaptés pour coller au mieux aux prétentions du véhicule mais ils existaient également bien avant l'avènement de la Logan, c'est ce que les professionnels appellent le "Design to Cost". Citons, à titre d'exemple, les roulements fournis par SNR : "Les roulements de roues avec lesquels nous avons équipé la Logan ont été développés pour la R9, il y a donc 20 ans… Ce qui explique évidemment le côté low cost". Les bougies proposées par Beru Eyquem étaient, quant à elles, présentes sur les applications GPL de Renault et chez Bosch, le déclencheur d'airbag et l'ABS sont parfaitement standards. Enfin, les amortisseurs avant et arrière fournis par Tenneco Automotive ont été, à l'origine, étudiés pour la Clio. Mais Didier Sepulchre de Conde s'empresse d'ajouter : "Cela étant, ce que nous n'avons pas investi en recherche et développement, nous devons le mettre en production", là encore, tout est affaire de volume.
Est-ce à dire que chaque équipementier a dû s'installer auprès de Dacia, en Roumanie, pour permettre une meilleure livraison des produits ? Pour la plupart, l'implantation d'un site dédié à Dacia est loin d'être une évidence. Certes, Renault annonce le million de véhicules par an en 2010. Certes, la Logan est une voiture roumaine. Pour autant, si la production atteint bel et bien le million, il ne fait aucun doute qu'elle sera éclatée sur plusieurs sites, voire sur plusieurs continents. L'implantation locale est donc loin d'être une priorité, même si Thierry Paulet avoue volontiers que "l'intégration locale est une demande forte de Renault-Dacia. D'autre part, l'augmentation des volumes risque fort de faire baisser les prix des équipements. Par conséquent, si l'on veut vraiment rester fournisseur de la Logan, il faudra consentir à faire des efforts". Par conséquent, soit choisir de s'implanter au plus près des sites de production de la voiture pour réduire au maximum les frais logistiques inhérents aux produits, soit faire face à une concurrence locale qui entend, elle aussi, obtenir une plus grosse part du gâteau Logan.
Néanmoins, pour l'heure, si Bosch et Tenneco ne sont pas si éloignés des frontières roumaines, la seule exception à la règle est Valeo. L'équipementier français avait probablement flairé l'aubaine bien avant que le grand public n'ait vent de la Logan. A la suite du rachat de Dacia par Renault en 1999, Valeo a donc repris, en 2002, l'usine Dacia de production de systèmes de câblage pour la Supernova dérivée de la Renault 12. Plus tard, Valeo consolide sa présence sur le sol roumain avec une deuxième usine à Mioveni qui produit des systèmes de climatisation, de chauffage et de ventilation pour la Logan.
Pays de l'Est : le bénéfice de la rechange
Reste enfin la question de la rechange. Qui dit volumes de ventes du véhicule, dit volumes de pièces de rechange en perspective. Certes, il est un peu prématuré de dire dès aujourd'hui, avec certitude, quel sera le potentiel de marché en termes de produits de rechange pour les équipementiers. A peine Didier Sepulchre de Conde avance-t-il : "Si Renault produit en effet 1 million de voitures en 2010, cela signifie qu'en 2018, 8 % du taux de rechange sera détenu par le parc Logan". Un chiffre à considérer avec précaution, d'autant que la France ne profitera évidemment pas de la totalité de ces 8 %. Un état de fait que souligne Guy Maugis : "Dans l'Hexagone, il va se vendre 3 000 à 4 000 Logan par an. Par conséquent, si le volume est important à l'échelle mondiale, il est relativement courant à l'échelle française. Je pense donc que dans les 2 à 3 ans qui viennent, 95 % des garages français n'auront toujours pas vu la Logan". Pour autant, le potentiel en aftermarket ne se résume pas qu'à la France. Il va sans dire que les pays de l'Est, particulièrement attentifs au développement de l'industrie automobile sur leurs territoires, seront ceux qui offriront le plus gros potentiel en rechange. "En effet, souligne Sandro Paparelli, vice-président OE chez Tenneco Automotive Europe, nombre d'équipementiers présents sur la Logan ont du mal à pénétrer ces marchés en rechange. Y être présent en termes d'image c'est se donner la possibilité d'être également présent en aftermarket dans ces pays". Seul risque : l'amalgame. Car tout bien considéré, les équipementiers français et européens présents sur la Logan peuvent courir le risque d'être un peu vite confondus avec leurs homologues "exotiques", pas toujours très à cheval sur les contrôles qualité des pièces. Sans être effrayés par cette probabilité, les équipementiers s'y préparent et philosophent d'ores et déjà sur le sujet. A l'instar de Didier Sepulchre de Conde : "Le revers de la médaille suite à cette internationalisation, c'est que la Logan sera vendue partout, même en Inde. Il y aura donc forcément une ouverture du marché aux équipementiers locaux ce qui va fatalement accroître la concurrence. C'est à ce moment-là qu'il faudra être nettement plus vigilant par rapport à la qualité". La contrefaçon aura-t-elle raison de l'enthousiasme généré par la Dacia-Renault ?
Ambre Delage
ZOOMDes équipementiers roumains à Villepinte |
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