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Constructeurs

Jutta Kleinschmidt : “Avec Volkswagen, mon rêve est devenu réalité !”

Publié le 3 septembre 2004

Par Marc David
8 min de lecture
Seule femme à s'être imposée sur le mythique rallye Paris-Dakar, Jutta Kleinschmidt défend aujourd'hui les couleurs de Volkswagen en rallyes-raids. L'aboutissement d'un parcours né de la passion pour les sports mécaniques, avec en toile de fond l'aventure et les grands espaces. ...
Seule femme à s'être imposée sur le mythique rallye Paris-Dakar, Jutta Kleinschmidt défend aujourd'hui les couleurs de Volkswagen en rallyes-raids. L'aboutissement d'un parcours né de la passion pour les sports mécaniques, avec en toile de fond l'aventure et les grands espaces. ...

... Le Journal de l'Automobile : Impossible de ne pas évoquer votre fantastique victoire acquise au Dakar en 2001 avec le Pajero. Outre la satisfaction personnelle, que vous a-t-elle apporté ? A-t-elle véritablement changé votre vie ?
Jutta Kleinschmidt : Bien sûr, certains bons pilotes ont été un peu "jaloux" de mon succès, et c'est normal quelque part, mais dans l'ensemble, tout le monde était ravi. Cela dit, je crois que bon nombre d'entre eux avaient déjà une bonne idée de mon niveau, et me respectaient. Maintenant, il est clair que cette victoire a joué un rôle déterminant pour la suite de ma carrière. En Allemagne, les retombées ont été excellentes dans la mesure où les rallyes-raids n'étaient pas vraiment sur le devant de la scène ; au contraire de la France, de l'Italie ou de l'Espagne notamment. En fait, les Allemands s'intéressaient surtout à la F1 par l'intermédiaire de Michael Schumacher et, en ce sens, le cru 2001 s'est révélé très bon sur le plan sportif ! Je pense aussi que ma victoire, la première d'une femme sur ce type d'épreuve et aussi plus globalement la première d'un pilote allemand, a influencé certains constructeurs, en particulier Volkswagen qui a décidé de me faire confiance pour son nouveau programme avec le Touareg.


 J.A. : Justement, qu'est-ce qui vous a le plus motivée dans l'aventure Volkswagen ?
J.K. : Le travail de développement. Après 14 participations au Dakar en moto et en auto, et donc une bonne connaissance du terrain, je pense avoir une certaine expérience, capable de faire évoluer les choses sur le plan technique. Et c'est là que se situe la différence avec mon ancienne équipe. Certes, Mitsubishi est une équipe hyper professionnelle et très performante mais, comme bien souvent dans les grandes équipes, peu de latitude est laissée au pilote au niveau des choix techniques (constat que ne renierait pas un grand pilote de rallye français, depuis peu en retraite, NDLR). Ce qui a été testé et surtout validé par les ingénieurs est forcément bon ! Avec Volkswagen, le dialogue est complètement ouvert. Mes idées personnelles sont davantage prises en compte, ce qui est bien plus gratifiant, surtout en cas de succès. Il faut dire aussi que l'équipe est relativement jeune.


J.A. : Hormis cet aspect, comment est l'ambiance au sein du Team Volkswagen ?
J.K. : Très bonne, ce qui à mes yeux est très important. Travailler avec Bruno (Saby, NDLR) est fantastique, et je peux dire qu'une amitié sincère s'est installée entre nous. En fait, nous mettons toutes les idées sur la table, nous travaillons dans la même direction. Pas question de la jouer "perso". S'il gagne, ce sera aussi un peu ma victoire, et vice versa. Ceci dans la mesure où, bien évidemment, l'objectif principal est de gagner. Volkswagen ne s'est pas lancé dans ce programme pour faire de la figuration.


J.A. : Aujourd'hui, quel regard avez-vous sur la discipline ?
J.K. : Je pense que les choses vont dans le bon sens. L'un des points positifs, à mes yeux, est que trois constructeurs, voire quatre en incluant Jean-Louis Schlesser, sont engagés dans la discipline. En fait, la concurrence est bien plus présente que par le passé, ce qui est un plus incontestable. Maintenant, il faut espérer que la coupe du monde FIA des rallyes-raids bénéficie ces prochaines années de l'élan donné par le Dakar, qui demeure la "locomotive".


J.A. : Dans le même registre, et ceci eu égard à vos nombreuses participations en moto, quel regard avez-vous sur les motards ?
J.K. : Même si je suis passée à l'auto, je suis toujours "branchée" moto ! De ce fait, j'adore côtoyer les motards, et suis toujours admirative par rapport à ce qu'ils font. En plus, pour l'avoir vécu, je peux mesurer davantage la grandeur de leurs exploits. Notamment, il est très dur pour un motard de se retrouver seul sur le bord de la piste, face à un problème mécanique. Tout ceci pour dire que je ne manque jamais une occasion de discuter avec eux lorsque cela est possible, notamment avant le départ d'une étape ou au bivouac.





CURRICULUM VITAE

Nom Kleinschmidt
Prénom Jutta
Age 41 ans
Situation Célibataire
Jutta Kleinschmidt obtient son diplôme d'ingénieur en 1986 après quatre années d'études en sciences appliquées et en physique à la faculté d'Isny. En 1987, elle rejoint le département développement d'un grand constructeur (BMW) où elle restera six ans. Depuis 1993, outre son statut de pilote professionnel, elle est instructeur dans le cadre de projets variés mis sur pieds par des constructeurs automobiles ainsi que dans celui de programmes issus de sa propre initiative. Sur le plan sportif, sa carrière débute par la moto en 1987, à l'occasion du rallye des Pharaons. En 1993, à l'UAE Desert Challenge, elle fait ses débuts en automobile en tant que copilote de Jean-Louis Schlesser. Elle devient pilote dans le rallye de Tunisie la saison suivante puis rejoint le Team Mitsubishi en 1998, avec lequel elle connaît la consécration au Dakar 2001. Depuis le 15 mai 2002, elle s'est investie dans le programme Volkswagen. Avec, à la clé, une 3ème place au Rallye d'Orient 2004.


 J.A. : La discipline impose souvent quelques bonnes parties de mécanique sur le bord de la piste. Un problème pour une femme ?
J.K. : Pas le moins du monde. Le fait de disposer d'un diplôme d'ingénieur en physique m'aide grandement au niveau de la compréhension, tout comme le fait de participer au développement des voitures. Par ailleurs, des briefings techniques sont dispensés dans notre équipe. Par exemple, nous nous exerçons à remplacer des triangles de suspension. Cela dit, sur les voitures actuelles, bon nombre de composants ne peuvent être réparés, sans parler des pièces pas forcément disponibles dans le désert !


J.A. : Un mot sur la réglementation relative aux rallyes-raids. Vous convient-elle ? En particulier, que pensez-vous de l'interdiction en 2005 des systèmes de gestion de la pression des pneus ?
J.K. : Globalement, le règlement me convient. Il est nécessaire, dans la mesure où la discipline est devenue très professionnelle et où bon nombre de points n'étaient pas forcément très clairs auparavant. Maintenant, pour ce qui concerne le point particulier que vous évoquez, je suis plutôt favorable aux nouvelles mesures. En effet, le système de dégonflage/regonflage rend très facile le franchissement de dunes. J'irais même jusqu'à dire qu'il diminue très fortement les risques de "plantage". Le supprimer va accroître la difficulté, et redonner plus d'importance aux véritables capacités du pilote. En ce qui me concerne, j'adore la difficulté ! Bon, évidemment, la chance joue un rôle, mais c'est le propre de la discipline.


J.A. : Vous évoquez la difficulté. Finalement, pourquoi une telle fidélité à la discipline ? Quelles sont vos motivations ?
J.K. : A mes yeux, le rallye-raid représente une bonne "mixture". Bien sûr, j'éprouve un certain plaisir à rouler vite avec une voiture, d'autant plus si, comme je l'ai dit précédemment, j'ai participé à son développement. Il y a aussi le fait que le rallye-raid est synonyme de grande aventure. Vous vous levez tôt le matin, vous partez... Sans savoir ce qui vous arrivera durant la journée. Et pour cause. Vous ne connaissez pas précisément les obstacles que vous allez affronter : dunes, gués, pistes accidentées, etc., les difficultés ne manquent pas, qui plus est dans un cadre magnifique. D'ailleurs, toutes les éditions du Dakar ont au moins amené une grosse surprise sur le plan du terrain. A ce niveau, la concentration du pilote et aussi du copilote (en l'occurrence l'Italienne Fabrizia Pons, NDLR) joue un rôle déterminant. Il faut être bien dans sa tête, prendre les choses calmement. Devant la difficulté, je pense qu'hommes et femmes sont à égalité. Rien à voir avec le circuit, sur lequel tout est (théoriquement) écrit d'avance sauf, malheureusement, un accident. Autre aspect des choses, le fait de rencontrer des problèmes resserre les liens au sein de l'équipe. Tout le monde est dans la même galère, et se serre les coudes. Partant de là, à un moment ou à un autre, la vraie personnalité de chacun éclate au grand jour. La triche n'a pas sa place !


J.A. : Avez-vous un modèle chez les hommes ? Si oui, de qui s'agit-il ?
J.K. : Sans hésiter, Stéphane Peterhansel… Peut-être en raison de ses nombreux succès obtenus en moto. Il est très fort et son passé de motard l'aide énormément au niveau de la connaissance du terrain ; ceci sans sous-évaluer le rôle de son copilote. En plus, il est bien dans sa tête... Des ingrédients qui font qu'il connaît une réussite exceptionnelle.


J.A. : Imaginons que vous mettiez un terme à votre carrière de pilote. Qu'aimeriez-vous faire ?
J.K. : Il est encore un peu tôt pour parler de reconversion dans la mesure où j'éprouve toujours le même plaisir à piloter. Je pense courir pendant encore un bon moment ! Cela dit, beaucoup de choses m'intéressent. Notamment, j'étudierais de près la possibilité de créer ma propre équipe en rallyes-raids. Le milieu du cyclisme m'intéresse aussi…


Propos recueillis par Marc David






  • L'automobile : hasard ou choix ?
    Assurément, un choix.
  • Votre voiture ?
    Une Volkswagen Touareg.
  • L'avantage d'être une femme ?
    A partir du moment où nous sommes minoritaires, nous sommes sans doute plus sollicitées par les médias que les hommes. A condition d'être performantes, bien sûr. Une situation non négligeable, surtout au moment de chercher des sponsors.
  • L'inconvénient d'être une femme ?
    La difficulté d'obtenir le meilleur matériel, atout nécessaire pour viser la victoire. Bien sûr, en ce qui me concerne, ce n'est plus vraiment un problème dans la mesure où ma victoire au Dakar a montré mon niveau de compétitivité.

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