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Constructeurs

Interview : Jean-Claude Debard, Président de Hyundai France

Publié le 21 décembre 2007

Par Christophe Jaussaud
11 min de lecture
Depuis 1992, Hyundai réalise en France un parcours quasiment sans faute. Toutefois, depuis 2006, la croissance est malmenée, mais Jean-Claude Debard annonce son retour en 2008 avec le lancement de 8 nouveaux modèles. Réseau, usine en République Tchèque, plate-forme...

...VN, rivalité avec Kia, bonus-malus, tour d'horizon de l'univers Hyundai.

Journal de l'Automobile. Depuis 1992, Hyundai a connu une période de croissance exceptionnelle, or ces deux dernières années ce ne fut pas le cas. Comment expliquez-vous cela ? Le groupe Hyundai a-t-il privilégié Kia durant cette période ?
Jean Claude Debard. Le groupe n'a pas privilégié Kia au détriment de Hyundai. D'ailleurs, les volumes de Hyundai, que ce soit en France ou dans le monde, sont très nettement supérieurs. Cependant, le groupe a effectivement voulu développer et faire connaître Kia en Europe. Quant à la croissance de la marque Hyundai, depuis 1992, la progression a été spectaculaire dans tous les pays d'Europe Occidentale avec des croissances à deux chiffres chaque année. Toutefois, en partant de rien, il est plus facile d'obtenir ces résultats que lorsqu'une marque est arrivée à une certaine représentativité sur un territoire. Avec Hyundai, nous sommes arrivés très vite à un niveau de part de marché proche de 1,5 % en France et aujourd'hui les points supplémentaires sont plus durs à grignoter. Concernant nos résultats, il faut préciser que l'évolution de notre gamme en 2007 explique que nous marquions légèrement le pas. En effet, pas moins de 7 modèles ont disparu du catalogue au cours de l'année. Sans l'Atos, l'Accent, l'Elentra ou le Trajet, nous ne pouvions pas faire les mêmes volumes qu'auparavant. L'année 2007 restera comme une année de transition car dès 2008, nous allons lancer 8 nouveaux modèles avec notamment les i10, i20, i30 CW, i40, un nouveau SUV, un nouveau MPV, le nouveau Satellite, puis quelques autres petites surprises.

JA. A fin novembre, Hyundai totalise 23 389 (- 5,3 %) immatriculations. Votre objectif affiché en 2007 était de 28 500 unités. Pensez-vous toutefois l'atteindre ?
jcd. Nous devrions être à peine en dessous de l'épaisseur du trait ! Nous nous attendons à enregistrer un très bon mois de décembre.

JA. Pour quelles raisons ?
jcd. L'annonce du bonus-malus a des effets positifs. Après cette annonce, de nombreux clients ont décidé d'anticiper leur achat afin d'éviter un malus. A contrario, la perspective d'un bonus va nous aider sur les segments A, B et C qui n'étaient pas jusqu'ici nos segments les plus porteurs.

JA. Compte tenu de votre plan produit chargé, quelles sont vos ambitions pour l'année 2008 ?
jcd. Trois de nos huit nouveaux modèles, l'i10, l'i30 CW et le Satellite, auront un réel effet sur nos ventes car ils seront commercialisés durant le premier trimestre. L'i10 sera un vrai vecteur de croissance sur le segment A, où nous étions quasiment absents avec l'Atos qui avait déjà 8 ans d'existence. Avec l'i10, nous allons proposer des motorisations Diesel extrêmement économiques, avec de faibles émissions de CO2, positionnant le produit parmi les plus performants du marché sur ce sujet. Notre objectif est de dépasser les 30 000 unités. Mais je ne suis pas Madame Irma !

JA. Comment se porte votre réseau ? Les 270 points de vente souhaités ont-ils été atteints ?
jcd. Effectivement, pour avoir une couverture optimale du territoire français, 250 à 270 points de vente et service sont nécessaires. Cette année, nous avons nommé une dizaine de nouveaux distributeurs et nous allons poursuivre en 2008. D'autant que nous avons beaucoup de candidats. Les nouveautés annoncées ne sont pas étrangères à cet intérêt. A un niveau plus global, les investissements réalisés par la marque en Europe mais aussi en Amérique du Sud, témoigne de sa volonté d'atteindre le Top 5 des constructeurs mondiaux. Tout cela draine des opérateurs. D'ici la fin de l'année 2008, nous devrions avoir atteint ce maillage mais également amélioré la structure du réseau. En effet, nous constatons aujourd'hui que nos distributeurs sont mieux structurés financièrement, mieux localisés, permettant une meilleure adéquation avec les standards de la marque.

JA. Justement pour témoigner de l'évolution de votre réseau, pourrait-on avoir un rapport entre l'investissement nécessaire à l'obtention du panneau Hyundai il y a quelques années et aujourd'hui ?
jcd. En 1999, le prix moyen d'une Hyundai était de 7 000 euros. Aujourd'hui, il est de 17 000 euros. Vendre 150 unités facturées en moyenne 17 000 euros, contre une centaine à 7 000 euros il y a quelques années, fait naître de nouvelles contraintes, qu'elles soient financières ou humaines. Clairement, aujourd'hui un client Santa Fe n'a plus du tout le même profil que celui que nous avions avant 1999 lorsque la marque était considérée comme une alternative à la voiture d'occasion. Aujourd'hui, un client capable de payer près de 40 000 euros sa Hyundai est en droit d'attendre une certaine qualité de services de la part de son distributeur, même si je considère que tous les clients, quelle que soit la valeur de la voiture, doivent être aussi bien traités. Pour cela, les entreprises doivent être mieux structurées, les collaborateurs mieux formés puisque les produits ont évolué.

JA. Le multimarquisme a été indissociable de la constitution de votre réseau. Aujourd'hui ne seriez-vous pas tenté par plus d'exclusivité ?
jcd. Il faut savoir raison garder ! On ne peut pas installer un réseau exclusif avec 1,5 % de part de marché. Toutefois, il faut tenir compte du potentiel des affaires. Certains de nos distributeurs sont capables de vendre 800 VN par an donc l'exclusivité n'est pas un problème pour eux. Et ils le sont. En revanche, d'autres avec des contrats moyens de 80 ou 150 voitures ne peuvent pas faire vivre dans de bonnes conditions leur concession. Le multimarquisme vient alors assurer la pérennité de leur entreprise. Une pérennité indispensable pour bien représenter la marque, pour qu'il y ait une vraie continuité dans le service.

JA. Comment fonctionne la concession parisienne exclusive Hyundai ? Vous visiez 400 VN pas an qu'en est-il ?
jcd. Pour Paris, comme pour les grandes villes d'une manière générale, les investissements sont importants (NDLR : le groupe Frey a acheté 3 millions d'euros le bâtiment et réalisé 1,3 million de travaux) mais nécessaires pour la représentation de la marque. Cette concession peut d'ailleurs être considérée comme une vitrine. Notre activité sur ce site a très bien démarré, nous sommes sur le trend annoncé de 400 VN. Mais les résultats seront bien meilleurs en 2008.

JA. Le gouvernement vient d'annoncer le bonus-malus. Quels seront les effets de cette mesure selon vous ?
jcd. D'abord je dirais que je n'ai pas le choix ! Les constructeurs étrangers n'ont pas été consultés. J'imagine que les constructeurs français l'ont été si j'en juge par la définition de certaines catégories comme la tranche 161-165 g/km dans laquelle, par hasard, on retrouve certains de leurs produits de volume. Toutefois, je trouve qu'il est légitime de se préoccuper de la protection de l'environnement, mais je ne pense pas que faire payer des malus améliore considérablement notre univers ou la qualité de l'air de nos villes. Il faut plutôt y voir une mesure pour inciter les constructeurs à développer plus rapidement des produits encore plus écologiques. Cependant, il ne faut pas oublier que les constructeurs, tous autant qu'ils sont, ont déjà fait des investissements énormes en la matière, sans toutefois reporter le coût réel des technologies mises en place. Car la conscience environnementale collective est souvent très forte dans les dîners mais dès que cette conscience s'attache au porte-monnaie cela devient plus compliqué.
Par ailleurs, je crains que l'équilibre soit dur à trouver entre bonus et malus. Les ventes des produits "malussés" vont sûrement subir une érosion car tous les constructeurs vont mettre en avant les produits "bonussés". Imaginez qu'un ratio 90/10 voire 95/5 soit atteint. Dans ce contexte les 5 % issus des malus ne pourront financer les bonus.

JA. Ne va-t-on pas vers un appauvrissement du marché ?
jcd. Il y a plusieurs effets induits. Cela va effectivement tirer le marché vers le bas. Dans ce contexte, le constructeur n'aura de choix, pour conserver une certaine rentabilité, que de délocaliser sa production. Dès lors que les segments hauts ne se vendront plus, ou moins bien, sans une réelle compensation venant des segments A ou B, les financiers vont juger les coûts de production trop importants.

JA. Qu'en est-il aujourd'hui de la plate-forme d'approvisionnement en VN de Sète ?
jcd. Nous avons pris cette décision pour une question de coûts. Je m'explique. Cinq semaines de bateaux sont nécessaires à un véhicule pour arriver de Corée. Après s'être arrêtées en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, puis en Angleterre, nos voitures étaient enfin débarquées à Anvers en Belgique. Ensuite, après une préparation dans le Nord de la France, elles étaient dispatchées par camion chez nos concessionnaires. 7 à 8 semaines s'écoulent entre la sortie de l'usine et l'entrée dans les showrooms. Compte tenu de l'augmentation du coût du transport, mais aussi du fait que 90 % des voitures importées sur notre continent arrivent à Anvers ou dans cette région d'Europe, nous avons décidé d'utiliser la plate-forme de Sète pour environ la moitié de nos véhicules. Le trajet maritime est plus court mais il est également plus simple de trouver des camions, qui plus est moins cher car à vide, pour livrer les véhicules. Au final, nous gagnons deux semaines. Ce n'est pas neutre notamment sur le financement. Malheureusement, le gain intrinsèque a été annihilé par l'augmentation du pétrole. Mais cela reste tout de même positif. Renault Samsung Motors (NDLR : pour l'importation du Koleos) va d'ailleurs utiliser cette plate-forme et d'autres constructeurs y réfléchissent également.

JA. Cette plate-forme peut-elle vous servir pour écouler des VO ?
jcd. Nous n'exportons pas de VO. Toutefois, si nous devions le faire, nous le ferions à partir d'Anvers, car suivant la même logique que pour les camions dans le Sud de la France, les bateaux y seraient alors vides, nombreux et donc moins chers.
Une fois l'usine de Nosovice, en République Tchèque, ouverte en 2009, la problématique va changer.
L'approvisionnement se fera via le rail vers l'Est de la France. Strasbourg ou Lyon, le lieu reste à définir, mais nous choisirons le plus direct. Mais cela ne concernera que l'i30 et ses dérivés.

JA. L'implantation de cette usine en Europe sera-t-elle, à l'image de celle de Kia, un vecteur de croissance mais aussi de communication important ?
jcd. Depuis l'implantation d'une usine à Valenciennes, Toyota n'en finit pas de croître. Certes, ce n'est pas la seule raison mais l'usine a clairement joué un rôle. Notre nouvelle usine aura vraisemblablement un impact mais principalement dans les pays d'Europe de l'Est. J'ai déjà pu constater de tels effets à Istanbul où nous avons une usine. Pour nous, l'avantage sera administratif et financier avec notamment seulement 5 jours de transport. Nous allons encore gagner en compétitivité et en réactivité.

JA. L'arrivée de cette usine en Europe ne pourrait-elle pas pousser l'état-major du groupe à filialiser la France ?
jcd. Peut-être ! Mais je ne pense pas que ce soit à l'ordre du jour. D'autant que nous faisons aujourd'hui la démonstration que nous valons deux fois la filiale Kia sur le territoire français.

JA. Comment jugez-vous les constructeurs chinois et indiens ?
jcd. D'abord, les machines industrielles chinoise et indienne sont colossales, avec une force de frappe extraordinaire. Ces deux pays sont plus dangereux que le Japon et la Corée réunis car contrairement à eux, qui étaient quasiment en faillite, ils disposent d'une capacité financière importante pour appuyer leur développement. Notre chance pour l'instant est que leur propre marché absorbe la majorité de leur production. Les exportations ne sont pas encore une priorité mais cela ne va pas durer plus de 2 ou 3 années.

JA. Je vous laisse conclure avec votre regard sur la Corée et Hyundai
jcd. Les coréens ont une imagination et une créativité que l'on a tendance à sous-estimer. Dans l'histoire de l'automobile, rares ont été les constructeurs à avoir connu un tel succès en si peu de temps. Hyundai est présent en Europe depuis 1992, c'était la semaine dernière. Aujourd'hui, la marque est incontournable sur notre continent, mais également aux Etats-Unis ou en Amérique du Sud. Hyundai est devenu un constructeur planétaire présent dans 198 pays ! Leur adaptation a été leur force. Très tôt, ils ont compris qu'il fallait produire chez eux compte tenu de leur coût de production. Puis il s'agissait de la seule solution pour relever le pays qui ne faisait même pas partie de l'OCDE à l'époque. La consommation nationale étant toutefois exclue, dans un premier temps, l'ensemble de ce travail a été destiné à l'exportation. Dès le départ, leur marché a été le monde. La nation entière s'est tournée vers la production et l'exportation. Très vite, les coûts de production en Corée ne leur permettaient plus d'être aussi compétitifs, les forçant à délocaliser en Chine, en Turquie ou en Inde. Parallèlement à cela, l'écoute de la clientèle les a poussés à installer des centres de R&D et de design aux Etats-Unis, en Europe ou encore au Japon. Le style est ainsi devenu essentiel dès la première génération du Santa Fe. De plus, personne ne remet en cause la qualité technologique de nos produits. Nous sommes sur le podium des tests comparatifs réalisés dans le monde entier. Nous souffrons même d'un décalage entre la qualité que nous offrons à nos clients, nos prix et la perception qu'ils en ont. Mais nous travaillons sur cela.

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