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Interview : Jean-Charles Lievens, Senior Vice-Président Kia Motors Europe.

Publié le 21 décembre 2007

Par David Paques
5 min de lecture
Le réseau n'a pas fait la restructuration que nécessite la réalisation de nos objectifs 2010.En plein développement sur le Vieux Continent, Kia tente aujourd'hui de composer avec la diversité des marchés locaux tout en continuant sa marche en avant,...

...quitte à heurter les distributeurs de la première heure. Jean-Charles Lievens, senior vice président, témoigne.

Journal de l'Automobile. Comment la distribution de Kia est-elle organisée en Europe ?
Jean-Charles Lievens. Kia Motors Europe assure la gestion de 29 pays. Depuis trois ans désormais, nous avons douze filiales. Auparavant, notre seule filiale était l'Allemagne. Puis, en l'espace de 18 mois, nous en avons racheté onze. Aujourd'hui, ces douze filiales (Allemagne, France, Royaume-Uni, Irlande, Espagne, Belgique, Suède, Pologne, Autriche, République Tchèque, Slovaquie et Hongrie), réalisent 65 % de nos ventes en Europe. Les 17 importateurs privés réalisent donc les 35 % restants.

JA. Aucun projet de filialisation en cours ?
J-CL. Non. Et cela n'a rien à voir avec notre niveau de satisfaction. Il y a bien d'autres critères qui entrent en jeu. Nous savions par exemple qu'avec l'implantation de notre usine en Slovaquie, nous avions besoin de stabiliser l'Europe centrale. C'était donc une décision stratégique qui n'avait rien à voir avec les performances. Les questions de filialisation sont souvent liées davantage à des problématiques logistiques d'efficacité et d'optimisation des systèmes. Il suffit d'ailleurs de regarder les résultats de certains petits pays. Aux Pays-Bas, au Danemark ou en Grèce, nous sommes entre 3,5 et 4 % de parts de marché alors que dans nos filiales, la moyenne est à 1,8 %. Pour moi, notre situation dans ces pays est une illustration de ce que doit devenir la marque à moyen terme.

JA. Concrètement, de quelle direction s'agit-il ?
J-CL. Avec notre plan à trois ans, nous allons opérer un basculement stratégique vers les véhicules particuliers. Aujourd'hui, la structure du marché européen nous incite à le faire. Ce qui n'était pas le cas auparavant. Jusqu'à présent, nous faisions 50 % de nos ventes avec des VP, quand le marché était à près de 77 %. Nous avons donc un gros potentiel en la matière. D'ailleurs nous progressons en permanence. Et l'usine de Zilina va nous permettre de continuer en ce sens, tout comme le plan produit du constructeur.

JA. La Corée vous laisse-t-elle les coudées franches en matière de stratégie de développement ?
J-CL. La Corée est notre principal actionnaire. Ce sont eux qui financent notre expansion et qui valident donc nos plans. A long terme, ils doivent d'ailleurs coordonner les plans des divers marchés sur les différents continents. Au final, ce sont donc eux qui ont la mainmise.
Au début, la Corée dirigeait davantage. Mais aujourd'hui, elle n'a plus un rôle d'orchestration mais de validation. Le siège transfert de plus en plus de responsabilités vers les marchés locaux. Il n'y a qu'à voir notre développement récent avec le siège européen et notre usine inaugurés cette année.

JA. Le réseau a pourtant parfois la sensation que la Corée impose sans connaître les spécificités des marchés locaux. Comment l'expliquez-vous ?
J-CL. Nous le savons. Mais l'outil industriel a une flexibilité relative. Les marchés évoluent très vite. Certains changent même de taxation sur les véhicules deux fois par an. Il nous faut donc réagir en permanence avec un outil industriel qui ne peut s'adapter aussi rapidement. Nous concevons donc parfaitement que les changements structurels des marchés font que nous pouvons nous retrouver moins proches du consommateur.

JA. La France est-elle la seule à émettre ce genre de remarques ?
J-CL. Le réseau français est très récent. Nous avons filialisé en 2004, après les stratégies diverses qui se sont enchaînées. Il ne faut pas oublier qu'avant notre arrivée, Kia avait connu trois importateurs privés différents en cinq ans. Il nous a donc fallu adapter le réseau à de nouveaux standards, à de nouvelles ambitions, à de nouveaux volumes ! Or, aujourd'hui, le réseau n'a pas encore fait la restructuration que nécessite la réalisation de nos objectifs 2010 de 37 000 immatriculations en France. Nous avons hérité d'un réseau qui n'était pas prêt à aller aussi vite. Cela ne peut pas être le même réseau qui vend 3 000 voitures et qui en vend 37 000 quelques années plus tard. Certains nous suivent, d'autres non. Nous devons harmoniser les prestations et la proximité avec le client. C'est notre rôle de constructeur d'adapter ces 30 % de distributeurs non performants à la dimension nouvelle que prend la marque.

JA. La France n'a pas su se restructurer aussi vite que ses voisins ?
J-CL. Le travail a été fait plus tôt dans les autres pays. Quand nous avons filialisé, l'Espagne vendait par exemple 14 000 véhicules, quand la France en écoulait 3 000, alors que le marché français était 50 % plus importants que le marché espagnol. De l'autre côté des Pyrénées, la restructuration a donc été beaucoup plus rapide qu'ici. Autre exemple, l'Allemagne arrive aujourd'hui à la 2e phase de sa restructuration. Nous devons y passer de 40 000 à 70 000 ventes. Au niveau européen, notre objectif est d'atteindre les 300 000 immatriculations en 2008, puis les 500 000 en 2010.

JA. Avec de telles ambitions, votre appareil logistique actuel vous met-il à l'abri de problèmes de livraison ?
J-CL. Nous allons avoir une grosse concentration sur les segments B et C. Ce qui est tout à fait naturel pour l'Europe. Certains véhicules viendront de Corée et d'autres de Zilina. En Europe, les 4 à 5 mois de stock que nous avons nous préservent de quelconque problème de cette nature. Sauf peut-être lors des phases de lancement, où nous pourrons parfois atteindre les 2 à 3 mois de délais. En outre, notre usine tournera à 300 000 unités produites par an dès 2009. Ce qui veut dire qu'elle pèsera alors 60 % de nos ventes européennes. Les délais seront donc courts. Et ce sera pour nous, en plus, une certaine garantie de compétitivité puisque cela veut dire que nous serons payés à 60 % en euros. Nous serons donc à l'abri des fluctuations monétaires.

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