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Constructeurs

Hong Kong, perle de la Chine

Publié le 15 septembre 2006

Par David Paques
9 min de lecture
Emblème de l'occidentalisation chinoise, Hong Kong est, sans conteste, à part dans le tissu économique chinois. A même de profiter du vivier ouvrier de sa "Mère", Hong Kong cultive son esprit d'entreprise et sa compétence technologique. Une alliance qui affuble l'ancienne colonie...

...britannique des mêmes craintes que suscite la Chine.


Depuis de longs mois déjà, les regards de l'industrie automobile s'orientent avec méfiance vers l'Asie, son hyper-productivité et ses constructeurs qui, peu à peu, dévoilent leurs cartes sur les marchés européens. Il y a un an, les Geely, Landwind et autres Brilliance faisaient une entrée remarquée au Salon IAA de Francfort. A quelques heures de l'ouverture du Mondial de l'Automobile parisien, jamais les interrogations, quant à la véritable portée de cette industrie, ne se sont autant posées. L'occasion pour nous de nous pencher sur la situation un peu particulière dont jouit Hong Kong au sein de cette boîte de Pandore qu'est la Chine aux yeux de nombreux industriels européens et nord-américains.
Mélange de tradition et d'ouverture, le succès de Hong Kong est avant tout fondé sur un libéralisme outrancier. Stigmate identitaire des 155 ans de présence britannique. L'an prochain, l'archipel fêtera les 10 ans de sa rétrocession à la République populaire de Chine. Une fête pour certains, un tournant pour les autres. Car depuis 1997, la situation économique a quelque peu évolué, le taux de chômage a significativement augmenté pour atteindre les 5,2 %. Quant à la croissance, celle-ci est "descendue" à 7 %. Aujourd'hui, le temps des "flat factories" est terminé. Ces multitudes d'ateliers qui pullulaient auparavant dans de nombreux appartements de la ville, ont désormais tourné le dos à la cité portuaire. Les petites manufactures s'en sont allées au Nord, de l'autre côté des "nouveaux territoires". Dans ce que les hong kongais nomment encore "Main land". La Chine, cette "Mère" qui truste aujourd'hui les installations industrielles. A une heure de vol d'Hong Kong, Shenzen est, à ce titre, un exemple de ville champignon construite grâce à la vitalité du secteur primaire. A Hong Kong, en revanche, subsistent les services, les centres décisionnels, mais plus l'once d'un ouvrier. Enfin presque. En 2004, les échanges de biens et services ont ainsi atteint 417 milliards d'euros, faisant de Hong Kong, la 10e puissance commerciale du monde. A ce niveau, l'automobile est un exemple. Le commerce, voilà le quotidien de l'ancienne colonie britannique. Une activité économique triomphante, symbolisée par cet enchevêtrement de tours de verre et ce trafic portuaire monumental, le plus important au monde.

Un PNB par habitant supérieur à la France

Loin des quelques quartiers populaires du Nord de Kowloon où l'automobile se résume à la circulation et aux étals de gadgets, les larges trottoirs bordant les colossales avenues de l'île principale, abritent des concessionnaires aux standards draconiens. Les mêmes que les constructeurs entretiennent partout dans le monde. Nous sommes ici bien loin de Canton, de Shanghai ou de Gangzhou. A Hong Kong, ces marques chinoises qui abreuvent en quantité industrielle le marché local n'ont pas le droit de cité. Pas de Landwind, de Tianjin, Chang'An et consort. "Nous ne vendons pas de voitures ici. Cela ne sert à rien. Nos véhicules ne sont pas assez chers !", ironise Daniel Daï, directeur du bureau de Geely à Hong Kong. Le constat est plutôt sévère pour le principal constructeur chinois, mais il est aussi tout à fait symbolique. Ici, si les leaders du marché sont Toyota, Nissan ou Mazda, ce sont en effet les Jaguar, Rolls Royce, Daimler et autres marques de luxe qui tirent leur épingle du jeu. Surprenant ? Pas tout à fait. Il s'agit de préciser que Hong Kong affiche un PNB par habitant supérieur à celui de la France. Soit un PNB de 28 745 euros par habitants en 2005, contre 25 100 euros à la France. Bien loin, une nouvelle fois, de la Chine et de ses 4 840 euros par habitant, dans cette même année. On comprendra donc aisément que les habitudes de consommation des quelque 7 millions de hong kongais diffèrent "légèrement" de celles des 1,3 milliard de chinois.
Sur le modèle de l'économie locale, le marché automobile hong kongais s'est lui aussi ralenti ces derniers temps. Entre 2003 et 2004, celui-ci affichait encore une croissance annuelle de plus de 18 %. L'an dernier, le marché était en recul de 1 %, portant le total des immatriculations à un peu plus de 30 000. A Hong Kong, seuls 12 % des foyers possèdent une automobile. Un chiffre qui peut notamment s'expliquer par la fiscalité prohibitive imposée à l'automobile. Hong Kong est, en effet, une zone franche, il n'y a donc pas de droit de douane à acquitter à l'entrée. En revanche, l'Etat perçoit des droits indirects sur certains produits, au nombre desquels figure l'automobile. L'importation d'un véhicule donne lieu, en conséquence, au paiement d'une taxe d'enregistrement. Taxe qui, en réalité, s'applique à l'ensemble des véhicules vendus sur le territoire. De 35 % pour un véhicule de moins de 150 000 de dollars hong kongais, cette taxe peut s'élever à 65, 85 voire 100 % du prix du véhicule lorsque celui-ci dépasse les 500 000 dollars hong kongais (environ 50 100 e). Des mesures qui donnent, par ailleurs, une importance toute particulière au marché du véhicule d'occasion.

Luxe, famille et gros moteurs

A Hong Kong, les véhicules à succès se nomment Toyota Alphard, Nissan Elgrand, Toyota Crown ou Camry, Nissan Cefiro… Des monospaces, des berlines… des voitures familiales en somme. Au milieu des quelques voitures sportives allemandes ou italiennes, des modèles grands luxes de constructeurs prestigieux, la typologie du parc est assez caricaturale. Les vans croisent les routières. Et, toujours, les modèles jouissent d'un équipement maximum. S'il est un fait qu'Hong Kong partage avec le reste de l'Asie, c'est le goût pour l'équipement. La seule différence est, qu'ici, on achète équipé. Dans d'autres pays asiatiques, et notamment en Chine, le post-équipement est une culture. Dans les rues, le visage automobile est donc pour le moins homogène. Et derrière les apparences, chacun nourrit le même goût pour les gros moteurs. "Les motorisations en deçà de 1,5 l n'intéressent pas l'automobiliste hong kongais", commente le directeur d'une des trois concessions Nissan basées à Hong Kong. La grande majorité des véhicules vendus oscillent alors entre 2 et 3 litres. "Nous vendons des autos Fun", explique à son tour un commercial de la concession Mazda de Wanchaï. Le maître mot pour évoquer la relation de la clientèle locale à l'automobile est "plaisir". Une notion qui ne laisse visiblement pas sa place au Diesel dans le parc local. "Ce carburant n'a pas une bonne image ici. Il n'est pas très populaire parce que les gens l'assimilent souvent aux véhicules commerciaux", explique Ada Tsang, directrice marketing de Jaguar à Hong Kong. En réalité, ce n'est pas là la seule raison de l'impopularité du gazole. A Honk Kong, le Diesel est en effet surtaxé. Même les 19 000 taxis de la ville ne l'utilisent pas. Peu à peu, ces derniers se tournent d'ailleurs vers le GPL. Une mutation que va devoir gérer Toyota puisque la quasi-totalité des taxis de la ville ont choisi le japonais. Les "Crown Confort" rouge et blanc du constructeur nippon inondent en effet les boulevards, rues et allées du centre névralgique comme de la vieille ville.

229 milliards d'euros de pièces exportées vers la France

Bien difficile en revanche d'apercevoir, ne serait-ce qu'en ombre chinoise, l'esquisse d'un modèle français. Si PSA ou Renault développent leur présence industrielle en Chine et en Asie du Sud-Est, les performances commerciales tardent à venir. L'an dernier, par exemple, Renault a vendu un peu plus de 2 000 véhicules en Chine, s'appropriant au passage une part de marché de 0,04 %. A Hong Kong, cette part a chuté à 0 % en 2005. Importé par Wearnes Motors Ltd, le constructeur français écoulait encore 92 véhicules en 2003, 67 en 2004, pour finalement vendre une quantité insignifiante de modèles l'an dernier. Côté Peugeot, c'est le même constat. "Nos véhicules sont très appréciés", nous garantit pourtant le distributeur exclusif de la marque. "Surtout la petite 1007", insiste-t-il. Dans les faits, AutoFrance Hong Kong Ltd, filiale du groupe Sime Darby China Limited (SDCL), réalise davantage d'affaires avec les autres marques qu'il distribue, telles Rolls Royce, BMW, Mini, Land Rover, Mitsubishi, Ford ou Suzuki. Même les quelque 6 000 français vivant à Hong Kong ne chérissent pas la cocarde tricolore. Pas plus, d'ailleurs, que les 567 entreprises françaises recensées là-bas l'an dernier. A l'instar des relations sino-françaises, des liens commerciaux existent pourtant bel et bien entre Paris et Hong Kong. La France occupe même la 9e place au niveau des destinataires d'exportations de pièces automobiles locales. En 2005, Hong Kong a en effet exporté 22,9 millions d'euros de pièces vers la France. A y regarder de plus près, il s'agit, en réalité de réexportation. Mais Hong Kong est un carrefour commercial historique. Et, il ne s'agit pas là d'une spécificité réservée à la France. "Commercialement parlant, l'automobile n'est pas le secteur où les entreprises françaises sont le plus prisées", reconnaîtra d'ailleurs Ariane Desaedeleer, économiste attachée au consulat général de France.
Ce qui n'empêche pas certains industriels hexagonaux de venir prospecter à Hong Kong, comme en Chine.

Une compétence technologique reconnue

En termes d'équipements, la Chine est un catalogue géant de pièces en tous genres et de toutes qualités. Une culture qui confère souvent, à tort, une mauvaise réputation à l'industrie locale. L'Asie, terre de gadgets. Certes, mais pas uniquement. Hong Kong lui préfère l'électronique. Une spécialité locale reconnue qui lui vaut de bénéficier d'une meilleure image de marque auprès des industriels. L'innovation en leitmotiv, les producteurs locaux rivalisent d'ingéniosité. Et le Salon de l'électronique qui s'y tient attire tous les ans de nombreux sourceurs du monde automobile.
Il y a trois ans, le Comité pour le développement commercial de Hong Kong a ainsi mis en place un site Internet réservé aux sourceurs du monde entier, "www.tdctrade.com". Une interface qui recense des produits provenant, à 90 %, de Hong Kong et dont la grande majorité des références concernent inévitablement l'électronique. Si Américains, Allemands ou Anglais sont les visiteurs les plus récurrents, les Français, font encore une fois pâle figure. "Sur notre site, les Français ont d'avantage l'habitude d'acheter des souvenirs, des cadeaux ou des petits appareils électriques. Les pièces automobiles ne les attirent pas beaucoup", confirme Lawrence Yau, directeur de communication du comité. D'ailleurs, les "chercheurs d'or" industriels, venus d'Hexagone, n'étaient aussi que très peu nombreux à avoir fait le déplacement pour le 1er salon de la pièce automobile qu'Hong Kong organisait du 8 au 11 avril dernier. Une manifestation en marge, à l'instar de cette relation particulière entre la Chine et Hong Kong. Un événement chinois, par la multitude des produits présentés, mais néanmoins hong kongais, par les quelques perles technologiques répertoriées. Une première en forme de "Warning", annoncent déjà certains.


David Paques

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