Guillaume de Boudemange, Jeep : "Dans le réseau, la marge unitaire par véhicule a été multipliée par trois en un an"
Le Journal de l'Automobile : Comment se porte la marque Jeep en France ?
Guillaume de Boudemange : À fin octobre 2024, nos ventes ont progressé de 56 % par rapport à la même période l'année dernière. 2023 était déjà une année de progression avec +30 %. En volume, cela représente 9 663 véhicules. À la fin de l'année, nous allons terminer à 12 000 immatriculations, un record depuis 2008. Cela équivaut à une part de marché de 0,7 %.
J. A. : Quelles sont les raisons de cette performance ?
G. de B. : L'Avenger ! Il représente les deux tiers de nos ventes, à savoir 6 552 unités, mais le Renegade, qui entre dans sa onzième année, se défend très bien avec 1 517 unités et une progression de 12,9 %. Nous notons d'ailleurs qu'il profite, par ruissellement, des performances de l'Avenger en s'adressant à des clients qui cherchent finalement un véhicule un peu plus grand.
J. A. : L'Avenger a été une nouvelle offre dans votre gamme, puisque c'est la première fois que Jeep propose un véhicule du segment B. Quel est le profil type de l'acheteur ?
G. de B. : L'Avenger représente un taux de conquête de 70 à 80 %. Parmi les reprises, nous avons des véhicules qui viennent de toutes les marques du segment des B-SUV, notamment des Mini Countryman, des modèles de chez Volkswagen ou des Citroën C3 Aircross. L'Avenger, ayant également bénéficié du leasing social, nous a également permis de toucher une nouvelle clientèle qui découvrait la marque Jeep. Car, même si Jeep est rentré dans le langage commun, son taux de notoriété en tant que marque automobile est de seulement 5 ou 6 %. Ce modèle nous a surtout apporté de l'accessibilité auprès d'une certaine clientèle qui pensait auparavant que Jeep n'était pas forcément une marque pour elle.
J. A. : En lançant l'Avenger, Jeep s'est présenté comme une marque électrique. Où en sommes-nous aujourd'hui ?
G. de B. : Pour l'instant, le mix de l'électrique est très élevé, puisqu'il représente 42 % des ventes de Jeep. Je rappelle que la part de l'électrique est de 17 % toutes marques confondues. L'électrique est portée par l'Avenger dont le mix électrique couvre 60 % des ventes. Mais il est vrai que si l'on regarde les commandes, la part de l'électrique a tendance à diminuer. Désormais, le mild hybrid, lancé en mai 2024, représente deux tiers des commandes. Cette offre est venue en complément du thermique. Elle a été mise sur le marché en septembre 2023 et fonctionne très bien.
J. A. : Quelle est la répartition des canaux de ventes de Jeep ?
G. de B. : D'une manière générale, Jeep est une marque qui est fortement implantée dans le BtoC, car ce canal représente 54 % de notre mix, alors que le marché est à 46 % toutes marques confondues. Cette forte proportion permet au réseau d'avoir un marché plus sain. Cependant, nous nous sommes fortement développés auprès des flottes, grâce à la force de Stellantis, qui nous a ouvert de nombreuses portes, notamment au niveau des grands comptes. Beaucoup sont séduits par l'Avenger électrique.
J. A. : Et concernant les autres modèles de la gamme ?
G. de B. : C'est plus compliqué pour le Compass, qui représente environ 1 200 ventes, et pour les Grand Cherokee et Wrangler, des volumes moindres (à fin octobre 2024, 1 214 Compass, 307 Wrangler et 73 Grand Cherokee en immatriculations VP, NDLR). Nous pensons d'ailleurs que le Compass aura un effet d'aubaine pour ces deux derniers véhicules, car ils souffriront de la taxe au poids qui sera respectivement de 15 000 et 10 000 euros. Le Compass sera remplacé l'année prochaine, au troisième trimestre. Il reposera sur la plateforme STLA Medium de Stellantis (la même que celle du Peugeot 3008 et du futur Citroën C5 Aircross, NDLR) et il sera disponible dans un premier temps en électrique et en hybride rechargeable. Une version mild hybrid arrivera par la suite.
Le Compass sera remplacé l'année prochaine, au troisième trimestre
J. A. : Quelle est la rentabilité du réseau ?
G. de B. : Avec l'Avenger, nous avons profondément remanié notre politique commerciale. Le réseau dispose de 5 % de marge nette sur le véhicule. En contrepartie, les distributeurs n'ont pas un seul centime à dépenser en support commercial. Résultat, la marge unitaire est passée, en moyenne et pour l'ensemble de la gamme Jeep, de 558 euros en 2023 à 1 755 euros en 2024. Cette stratégie permet donc de sécuriser la rentabilité sur le VN.
J. A. : Et sur les autres postes ?
G. de B. : Par la nature même de notre réseau, nous n'avons pas de rentabilité globale à communiquer, car les concessions n'ont pas d'entité juridique indépendante pour Jeep. La marque est toujours mélangée avec d'autres marques, que ce soit celles ex-FCA ou, dans le cas d'une dizaine de groupes, avec Mercedes-Benz, dans le cadre de contrats qui remontent à l'époque de la fusion entre Chrysler et Daimler.
Nous disposons d'un réseau stable qui comprend environ 140 points de vente
J. A. : Avec la réorganisation de la distribution des marques du groupe Stellantis, le réseau a-t-il évolué ?
G. de B. : Par rapport aux autres marques du groupe, nous sommes assez à part, du fait de notre histoire, comme je l'ai indiqué avec Daimler. Nous disposons d'un réseau stable qui comprend environ 140 points de vente. Ils sont détenus par 65 investisseurs, qui ont en moyenne 2,1 établissements. Nous avons couvert récemment quelques zones blanches, comme Cergy-Pontoise (95) et Saint-Germain-en-Laye (78), concessions qui sont détenues par le groupe Vauban, ou Grenoble (38), par le groupe Sud-Est Auto Moto. Cette ouverture montre d'ailleurs bien l'éclectisme de notre réseau. Dans cette ville, nous avions le choix entre d'importants distributeurs du top 10, qui sont déjà présents avec des marques du groupe Stellantis, mais nous avons préféré un indépendant. Nous avons ainsi retenu Damien Vendramini, un distributeur venant du monde de la moto et qui est très fortement impliqué localement. Résultat, il réalise 450 Jeep et est présent également à Chambéry et Albertville (73).
J. A. : D'autres zones blanches seront-elles couvertes ?
G. de B. : Nous sommes présents sur 92 % du territoire. Les quelques zones qu'il nous reste à couvrir ont un potentiel inférieur à 50 à 60 véhicules par an, seuil en dessous duquel la rentabilité n'existe pas.
L'Avenger bénéficie du bonus, mais tout dépendra de la fiscalité
J. A. : Même dans le cadre de mise en commun avec d'autres marques du groupe Stellantis ?
G. de B. : Nous demandons un minimum de 150 m² et un vendeur dédié. Les distributeurs ont également des obligations en termes d'investissements, notamment dans la communication. Il faut donc un volume minimum pour être rentable.
J. A. : Comment abordez-vous 2025 ?
G. de B. : Nous sommes fin novembre 2024 et nous n'avons aucune visibilité sur ce qui se passera dans cinq semaines ! L'Avenger bénéficie du bonus, mais tout dépendra de la fiscalité. Mais au-delà de la politique fiscale, nous allons capitaliser sur nos bons résultats de 2024 en attendant le lancement au premier semestre de l'Avenger quatre roues motrices et l'arrivée du Compass.
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