Grande Panda, la sauveuse de Fiat ?

L'avenir de Fiat passera par la Grande Panda. Ou ne passera pas. Assimilée depuis bientôt 20 ans à un seul modèle, la 500, la marque italienne n’est pas en grande forme. "La 500 a été pendant des années l’arbre qui cachait la forêt", résume Jamel Taganza, fondateur du cabinet Inovev.
Car bien que Fiat soit la première marque du groupe Stellantis avec une part de marché de 21 % du portefeuille du constructeur franco‑italo‑américain, elle n’est plus l’ombre que d’elle‑même.
En 2024, ses ventes mondiales de voitures particulières ont reculé de 8 % pour atteindre 1 142 264 unités* (source Inovev), soit près de 100 000 véhicules de moins qu’en 2023. À part au Brésil, qui est son principal marché, avec une pénétration de près de 50 %, soit 521 325 unités (source Stellantis), pays dans lequel les ventes ont progressé de 9,6 %, la marque a dévissé sur les dix principaux marchés mondiaux où elle est présente.
Rien qu’en France, qui est pour Fiat le troisième marché en Europe et le sixième au niveau mondial, les ventes ont reculé de 18,8 % à 32 770 unités (source AAA DATA), un résultat qui fait passer la marque sous la barre fatidique des 2 % de marché, seuil en dessous duquel les experts en marketing estiment qu’elle n’est plus naturellement visible sur un marché.
Un résultat qui repousse Fiat dans le ventre mou des marques automobiles, alors que le constructeur a été pendant des décennies dans le top 10. "Les difficultés que rencontre aujourd’hui Fiat sont les conséquences de la politique de son ancien président Sergio Marchionne, lâche Jamel Taganza. Pendant des années, la marque a surfé sur le succès de la 500 et ses dérivés, dont certains ont plus ou moins fonctionné, comme le 500X, ou beaucoup moins comme le 500L."
"Les investissements pour renouveler la gamme ont été réduits au strict minimum, avec l’abandon par exemple du premier segment en Europe, le segment B, avec l’arrêt de la Grande Punto depuis 2013", complète de son côté Bernard Jullien, maître de conférence en économie à l’université de Bordeaux.
Une gamme exsangue
"Au fil de la dernière décennie, la marque a, en effet, abandonné quasiment tous les segments pour se concentrer presque exclusivement sur le A, avec la 500 et la Panda", souligne Jamel Taganza.
Et ce n’est pas le rebadgeage de certains modèles, comme le Dodge Journey transformé pour le marché européen en Fiat Freemont pour combler le manque de produits sur un segment aussi important que le C, qui a changé la donne.
"La marque Fiat n’a jamais été abandonnée, mais sur les dix dernières années, FCA et Stellantis ne lui ont jamais donné les moyens de travailler", poursuit‑il. À tel point qu’il se murmure que lorsque Carlos Tavares a intégré FCA, ses équipes ont découvert des cartons vides. "Et nous n’avons pas vraiment eu l’impression que Fiat a été la priorité de Carlos Tavares lorsqu’il a fondé Stellantis", glisse le consultant.
"Nous avons effectivement connu un passage à vide, reconnaît Olivier François, directeur de Fiat. Et ce passage à vide a été encore plus marquant l’année dernière car nous avons dû arrêter la commercialisation d’une partie de la gamme, comme le 500X ou la Tipo à cause des normes GSR2. Nous avons donc besoin de développer notre portfolio de produits pour revenir en Europe."
Sur le continent, la gamme s’est, en effet, réduite comme peau de chagrin : il ne reste plus que la Panda et la 500e, qui semble avoir épuisé son potentiel commercial, sans oublier la petite Topolino ou le retour de la Tipo en version diesel au dernier trimestre 2024.
"La situation de Fiat en 2024 est le résultat d’une stratégie passée, admet de son côté Guillaume Clerc, chef de produit Fiat et Abarth. Nous avons souffert d’un manque d’investissement qui nous a pénalisés."
Un avenir pas remis en cause
Si le passé de Fiat n’est donc pas très glorieux, à part le coup de génie de la 500, son avenir semble avoir été repris en main. "Avec la Grande Panda, nous revenons à nos fondamentaux, à savoir proposer une petite voiture, sympa, astucieuse et économique, souligne Olivier François. Nous voulons revenir en force sur le segment B, où nous avons toute la légitimité. Nous revenons avec un plan produits sain et robuste, parfaitement adapté à notre image de marque et aux besoins de nos clients."
Olivier François, la patron de Fiat. ©Fiat
La Grande Panda est la première pierre de cet édifice et il est à noter qu’elle remplit parfaitement le cahier des charges. Mais si l’on prend de la hauteur, le nouveau positionnement de Fiat avec la Grande Panda soulève un autre problème dans la galaxie Stellantis. Car ses caractéristiques sont, en effet, assez proches de celles de… Citroën.
"La marque Fiat comme d’autres du groupe vont rapidement être confrontées à un problème de taille : leur survie au sein de Stellantis, commente Bernard Jullien. Car contrairement à la fusion entre Fiat et Chrysler qui s’est notamment appuyée sur la disparition de marques, Stellantis a fait tout l’inverse : en conserver le plus possible voire en faire renaître comme Lancia. Une stratégie qui fonctionne quand les marques sont fortes. Mais dans le cas de Stellantis, trop de marques ont des parts de marché très faibles dans des pays clés, ce qui plombe la rentabilité. En outre, les voitures n’ont plus assez de personnalité, tout comme les marques, pour vraiment se démarquer. Stellantis n’a pas su hiérarchiser ses marques comme le groupe Volkswagen l’a fait en son temps, même si cela évolue aujourd’hui avec une forte dynamique chez Skoda."
"Même s’il s’agit d’un produit bien positionné pour le marché européen, avec un capital sympathie indéniable, la Grande Panda arrive sur un marché très concurrentiel, extrêmement tendu et en concurrence directe avec des modèles de chez Stellantis, analyse Jamel Taganza. Il y a trop de marques sans véritable image qui se chevauchent."
Revenir dans la course
Si Fiat est probablement l’une des marques les moins en danger du groupe Stellantis, de par sa forte présence sur des marchés importants, comme, outre l’Italie, le Brésil et la Turquie, il lui faut encore développer une gamme pour revenir en force sur le marché européen, son deuxième marché après l’Amérique du Sud.
"La Grande Panda est le premier modèle d’une nouvelle offensive qui nous permettra de revenir notamment sur le segment C avec une offre en adéquation avec notre image", indique Guillaume Clerc.
"Avec notre offensive produits, nous souhaitons revenir à une part de marché de 5 % en Europe d’ici deux à trois ans", pose Olivier François. Reste à savoir si les clients européens suivront. Car avec les actuelles parts de marché très faibles, penseront‑ils à Fiat pour leur prochain achat ? La Grande Panda a donc cette lourde tâche de replacer la marque au cœur des choix des clients et d’ouvrir le chemin pour les modèles à venir.
Sur le même sujet
Laisser un commentaire
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.