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Constructeurs

"Geely et Volvo ne sont pas pères et fils, ils sont frères"

Publié le 21 décembre 2012

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Li Shufu, fondateur et président-directeur général de Geely Holding Group et président-directeur général de Volvo Car Corporation - Li Shufu est une véritable star en Chine. D’une part, il s’agit d’un parcours atypique qui s’est mué en success-story et d’autre part, il a réussi à racheter un constructeur étranger et prestigieux, Volvo. Dès son arrivée, le sommet est pris d’une certaine effervescence, même si le patron de Geely et Volvo ne se départit pourtant jamais d’un calme forgé dans une réelle humilité. Entretien exclusif.

JOURNAL DE L’AUTOMOBILE. Avec le rachat de Volvo, vous avez, en quelque sorte, constitué la première multinationale automobile chinoise, quelle est la clé pour réussir son internationalisation ?
Li Shufu.
Réussir son internationalisation, c’est au premier chef devenir une multinationale, le mot voulant bien dire ce qu’il veut dire. Mais on peut devenir global avec une seule marque, plusieurs marques ou des collaborations. Il n’y a pas qu’une voie vers l’internationalisation au même titre qu’il n’y a pas qu’une voie au succès. Le préalable étant de s’assurer d’être prêt à affronter la concurrence mondiale. Il faut bien savoir choisir ses implantations et son rythme de développement. Il faut aussi bien dimensionner sa R&D et le département des études. Il faut encore savoir construire des équipes cosmopolites et rester attrayant pour attirer des talents de tous les horizons. C’est là un point vraiment essentiel : la clé du succès, c’est les hommes et c’est aussi le risque majeur que vous prenez en rachetant une entreprise. Il faut enfin s’imposer, quelles que soient les contraintes et les contingences, de toujours placer le client au centre de l’entreprise et de ses projets.

JA. Comment avez-vous procédé pour articuler Volvo avec Geely et votre groupe ?
LS.
Geely et Volvo ne sont pas pères et fils, ils sont frères, placés sur un pied d’égalité. En revanche, comme dans une relation père-fils, il y a un enjeu de transmission, ce qui se traduit au sens industriel par des synergies. Entendons-nous bien, ces synergies fonctionnent dans les deux sens et tout le monde l’a bien compris au sein du groupe. Je mettrais volontiers en avant un exemple : l’excellent transfert de technologies dans le domaine de la sécurité. Et ce n’est que le début, d’autres synergies sont à venir.

JA. Selon vous, quel est le potentiel de croissance de Volvo en Chine et le fait d’être sous pavillon chinois est-il un avantage ?
LS.
Volvo a un important potentiel de croissance et si nous travaillons bien, la marque va assurément croître sur ce marché. Mais Volvo n’est pas perçue comme une marque domestique en Chine, c’est une marque étrangère. Nous sommes face à un beau défi et nous avons encore beaucoup de travail devant nous pour le relever.

JA. Comme beaucoup d’analystes et d’observateurs, estimez-vous que vous êtes allés vite pour intégrer Volvo au sein du groupe ?
LS.
Je ne suis pas de cet avis. Je crois qu’il n’y a pas de raccourcis dans notre industrie. On peut parfois aller plus ou moins vite pour passer certaines étapes, mais on ne peut en aucun cas sauter une étape. Il nous reste beaucoup de travail et il s’agit d’un travail de longue haleine. Nous avançons donc pas à pas. D’ailleurs, j’ajouterais que dans l’optique d’une internationalisation, cet adage est valable pour tous les constructeurs chinois.

JA. Envisagez-vous d’autres opérations de croissance externe afin d’étoffer votre groupe ?
LS.
Dans le monde du business, les choses vont vite et changent aussi parfois très vite. Nous serons donc peut-être amenés à modifier le périmètre du groupe. Cependant, ce n’est ni sur notre agenda actuel ni à l’étude. En effet, la situation est plutôt positive pour nous actuellement et au risque de me répéter, je dis une nouvelle fois qu’il nous reste encore beaucoup de travail à accomplir en l’état.

JA. Quel regard portez-vous l’épineuse problématique des lieux de production et des surcapacités dans l’industrie automobile ?
LS.
Je crois qu’il faut parfois savoir ne pas toujours regarder par le même côté de la longue-vue. Or, fondamentalement, le client se moque de savoir où le véhicule est produit. Ce sont les constructeurs et surtout les hommes politiques qui s’en soucient. Ces derniers ont d’ailleurs raison de le faire car la question n’est pas économiquement et socialement neutre. Mais dans l’immense majorité des cas, hormis pour quelques inimitiés nationales historiques ou ponctuelles, le client ne s’intéresse pas à cette question. Le client se soucie principalement du produit et des services. L’exemple de la réussite du groupe Volkswagen est édifiant à cet égard : une gigantesque plate-forme et un mélange de lieux de production et de pièces entre différentes marques, mais le client n’en a cure dans la mesure où il y trouve au final son compte.

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