Entretien avec : Robert Peugeot , directeur innovation et qualité, membre du directoire et comité exécutif de PSA Peugeot-Citroën : "Plus jamais ça!"
...et "discours corporate". Extraits d'une causerie aussi informelle que féconde.
Journal de l'Automobile. Comment concevez-vous l'activité design au sein du groupe PSA Peugeot-Citroën ?
Robert Peugeot. D'une manière très générale, nous intégrons cette activité au sein d'un schéma triangulaire qui se géométrise comme suit : produits-technique-style. La liberté de création n'est pas isolée, mai fait bel et bien partie prenante d'un dialogue. D'ailleurs, ce triangle entre marketing, technique et style est loin d'être de tout repos ! Disons que, parfois, c'est un peu le triangle des Bermudes !
JA. Quel impact peut avoir la création de l'ADN (Automotive Design Network) sur l'activité design chez PSA ?
RP. La mise en place de l'ADN représente un grand pas en avant technologique pour le design. Par exemple, la salle virtuelle baptisée Cave est un formidable outil de travail. Par ailleurs, l'ADN rassemble près de 1 000 stations de CAO ! Mais attention, nous restons fidèles à notre philosophie qui consiste notamment à croire qu'on ne peut pas concevoir un modèle uniquement avec des ordinateurs et le mode virtuel. Un modèle, c'est aussi et avant tout une sculpture, sculpture qu'il faut pouvoir juger de visu à l'échelle 1.
JA. Alors que l'ADN réunit sur un même lieu les bureaux de style Peugeot et Citroën, comment envisagez-vous la poursuite de votre politique de nette différenciation entre les deux marques ?
RP. Les deux unités de style se trouvent certes réunies sur un même lieu, mais je puis vous assurer qu'il existe des cloisons bien étanches entre les deux. Ce qui n'exclut nullement une nécessaire communication entre elles deux, entendons-nous bien. En fait, Gérard Welter, Jean-Pierre Ploué et moi-même travaillons en permanence pour garantir une différenciation stylistique claire. Cette volonté du groupe remonte notamment aux lancements de la Saxo et de la 106… Nous nous étions alors dit : "Plus jamais ça !" A l'époque, les équipes de design des deux marques ne se parlaient pas et concevaient leurs modèles chacune dans leur coin. Résultat : la 106 et la Saxo présentaient une forte ressemblance alors qu'elles avaient peu de pièces communes. Bref, l'exact contraire de ce qu'il faut faire ! Par ailleurs, les équipes de design Peugeot et Citroën tirent bénéfice de l'ADN car elles ont ainsi une meilleure proximité avec les équipes "carrosserie" et "plates-formes".
JA. A ce propos, l'optimisation de la politique de plates-formes reste toujours une priorité du groupe, n'est-ce pas ?
RP. Tout à fait. Et vous en avez deux parfaites illustrations récentes. Chez Citroën, avec la gamme C4, fruit d'une belle recherche sur la communauté de pièces entre les différentes versions. Et chez Peugeot, avec la 407, qui exploite la plate-forme dite "haute" du groupe.
JA. La politique de partenariats ponctuels avec d'autres constructeurs est-elle vraiment enrichissante pour les bureaux de style Peugeot et Citroën ?
RP. Cette politique d'accords ponctuels et concrets sans prise de participation chez nos partenaires sert aussi les unités de design du groupe. Tout simplement parce qu'elle libère des fonds et du temps pour créer des silhouettes.
JA. A propos de partenariat, que vous a appris votre collaboration avec Toyota en termes de process de design ?
RP. Je crois que nous nous sommes mutuellement appris des choses. Sur ce projet, nous avons d'abord concentré nos efforts pour aboutir à des styles extérieurs très différents. Mission réussie. C'est un peu moins vrai pour l'intérieur des véhicules où les différences tiennent principalement à des variations de couleurs et de garnissage. En fait, pour le design, nous travaillons grosso modo comme Toyota, même si nous pouvons intervenir plus tard dans le process. En clair, nous sommes capables de changer certaines choses et de procéder à des ajustements en cours de projet. Chez Toyota, le temps dédié au design est défini à l'avance et intervient surtout au début du projet.
JA. Passons au chapitre des produits, vous venez d'annoncer le lancement d'un 4x4 en partenariat avec Mitsubishi. Pourquoi maintenant ?
RP. Auparavant, nous estimions que l'investissement sur cette niche était trop coûteux. Aujourd'hui, par rapport à l'évolution du marché, ce n'est plus le cas. Il convient de préciser que ce 4x4 aura une silhouette Peugeot et une silhouette Citroën. Nous travaillons actuellement sur l'intégration des moteurs Hdi sur ce véhicule que nous comptons présenter à Genève en 2007.
JA. Le concept 907 a eu un fort retentissement, pourquoi ne pas avoir tenté l'aventure de la production de série ?
RP. La 907 est avant tout un véhicule d'image mis au service de la marque. Cependant, son succès a été tel que nous allons bientôt l'essayer sur circuit avec Frédéric Saint-Geours pour voir ce que nous en pensons vraiment en dynamique. Mais n'allez pas tirer des conclusions hâtives de ce que je vous dis.
JA. Juste une petite incidente, que vous inspire l'échec de la Vel Satis, un modèle au design très affirmé ?
RB. La Vel Satis n'est pas une ambulance et je ne vais donc pas tirer dessus… Je tiens à rester neutre. Disons que Renault est peut-être allé trop loin dans son traité stylistique par rapport à la cible de clientèle haut de gamme. C'est d'ailleurs un risque qui menace tout le monde. Nous l'avons aussi vécu, et fort heureusement identifié à temps, par rapport à une autre clientèle, avec la 307.
JA. Pour conclure sur la Chine, un grand défi qui est aussi un grand écueil, que pensez-vous du risque de plagiat stylistique de la part des constructeurs chinois ?
RP. Il va falloir faire attention aux copies, c'est certain. J'en veux pour preuve le modèle Chery Kiu Kiu qui est une copie éhontée de la Daewoo commercialisée sous le nom de Chevrolet Spark ! Donc, une extrême vigilance s'impose. D'ailleurs, sur la base de cet exemple, on peut se demander ce que vont faire les juristes de GM si Chery décide de vendre ce véhicule à l'étranger comme annoncé… On peut aussi se demander ce que va faire la Commission européenne… En tous cas, cela montre que Bruxelles fait fausse route sur le dossier de la protection des dessins et modèles.
Propos recueillis par Alexandre Guillet
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