Entretien avec Jochen Funk, directeur de Seat France : "Notre réseau est de nouveau bénéficiaire"
...Avec 35 005 unités vendues à + 6,92 %, Seat n'a pas démérité sur le marché français en 2006 puisqu'elle est aussi une des seules marques à progresser ?
Jochen Funk. Nous avons en effet atteint l'objectif que nous nous étions fixé avec notre maison mère et le réseau. Nous l'avons même dépassé mais sans nous forcer. Notre mois de décembre a été bon, nos immatriculations ont été "naturelles". Au final, notre part de marché est de 1,75 %, un taux stable depuis une dizaine d'années pour la marque. Seule la période située entre 2001 et 2003 a été difficile pour nous. Depuis, nous avons su rebondir avec une nouvelle équipe. Au global, l'année 2006 a, c'est vrai, été une bonne année puisque Seat est la quatrième marque sur le marché français en termes de progression.
JA. Les ambitions de la marque sont timides pour 2007, puisque vous espérez atteindre les 35 000 unités, pas plus. Pourquoi ?
JF. Deux facteurs peuvent expliquer cette relative prudence quant aux ambitions pour l'année 2007. Le premier est un facteur externe dû aux élections présidentielles. Le comportement des clients est difficile à percevoir et nous ne saurons pas si le marché sera bon. Probablement entre 2 et 2,1 millions d'unités mais il ne serait pas judicieux de voir au-delà.
Quand au second facteur, il concerne la marque Seat plus directement. 2007 devrait être pour notre marque une année de consolidation avant une offensive produit en 2008. Pour l'heure, nous travaillons avec la gamme actuelle avec un potentiel limité. Après un cycle de 6 ans, les Cordoba et Ibiza sont vieillissantes et il existe une inconnue quand à leurs ventes cette année. Nous allons d'ailleurs lancer la Cordoba Pulsion à un tarif de 11 000 euros pour en faire une offre type Logan. Mais, effectivement, notre pronostic de ventes pour l'année 2007 reste prudent tout en sachant que nous avons un bon potentiel.
JA. Lorsqu'on s'arrête sur les ventes modèles par modèles de la marque, on s'aperçoit que trois modèles, l'Ibiza, la Leon et l'Altea constituent la gamme. N'est-ce pas risqué en cas de contre-performances de l'un de ces modèles ?
JF. Vous avez raison. Notre gamme est basée sur les performances de trois modèles, de leurs produits dérivés et des autres véhicules constituant les ventes additionnelles. Les rumeurs et fausses idées sur la marque proviennent également de ce constat. Toutefois, nous sommes convaincus que ces trois modèles, nos trois piliers, fonctionnent. Nous avons commis une erreur avec la nouvelle Cordoba, qui pourtant représentait 10 000 unités dans ses meilleures années. Mais nous avons été trop optimistes pour ce type de véhicules, les tricorps, qui ne marchent pas en France. Nos trois
CURRICULUM VITAEAprès avoir obtenu son diplôme de l'European Business School, Jochen Funk commence sa carrière en 1996 chez Arthur D. Little International à Düsseldorf, en tant qu'analyste. Il gravit ensuite les échelons et passe de consultant à directeur de projet jusqu'à devenir associé du cabinet ADL Allemagne. Il intègre en 2002 le groupe Volkswagen à Wolfsburg où il occupe la fonction de directeur de stratégie marketing groupe. C'est en septembre 2003 que Jochen Funk est nommé directeur de la marque Seat en France. |
JA. Ne craignez-vous pas une certaine confusion sur la gamme Altea ?
JF. Pour l'instant, on ne pourrait pas être rentable avec un nouveau produit. Quant à la possible confusion, c'est également aux distributeurs de faire ce qu'il faut pour bien éclairer nos clients sur nos différents produits.
JA. Permettez-moi d'insister mais existe-t-il des projets en cours quant à l'évolution de la gamme ?
JF. Je ne vous cacherai pas que nous sommes en pleine réflexion sur le sujet. Notre stratégie restera articulée autour de nos trois produits phares actuels avec lesquels nous allons constituer des produits "dérivés", en essayant d'avoir deux à trois véhicules par segments comme par exemple la future Ibiza qui existera en 3 et 5 portes. En outre, le conseil de surveillance va se réunir bientôt pour étudier la question. Une piste se dégage avec la probable arrivée d'un nouveau produit sur le segment des berlines (segment M1), en conservant toujours les mêmes valeurs de la marque.
Deux autres segments nous intéressent également. Il s'agit des SUV et des coupés cabriolets. Rien n'est encore défini quant à savoir sur quelles bases ils seront produits. Une fois que cette stratégie sera définitivement lancée, nous pourrons alors dire qu'avec 8-9 produits nous couvrirons 75 % du marché.
JA. Quel est le positionnement de Seat aujourd'hui dans le groupe Volkswagen depuis que Martin Winterkorn a fait savoir qu'il souhaitait repositionner les marques dans un seul et même pôle ?
JF. C'est une décision qui a été prise au plus haut niveau. Désormais, la question des investissements est désormais directement traitée à Wolfsburg, ce qui est une bonne chose pour la marque. Seat se retrouve dans le même pôle que les autres marques du groupe mais en conserve néanmoins ses spécificités.
JA. Que pensez-vous des rumeurs qui parlaient d'une éventuelle vente de Seat ?
JF. Cela fait 5 ans que Seat est en difficulté, que l'on parle de sa vente mais au final la marque est toujours là et ressort d'ailleurs de ces troubles encore plus forts. Ces rumeurs et ces difficultés ont aussi profité à la concurrence. Mais Seat est toujours là, même s'il est vrai, nous ne sommes pas encore très profitables pour le groupe et nous devons encore progresser. Toutefois, en France, la marque est rentable à tous les niveaux. Il n'existe aucune surcapacité de ventes, chaque produit commandé est écoulé.
JA. Comment se porte le réseau Seat aujourd'hui ?
JF. Il va très bien. Nous n'avons jamais eu une si bonne ambiance entre nos distributeurs et le constructeur. Notre réseau est de nouveau bénéficiaire c'est important. D'ailleurs à la Cote d'Amour des constructeurs en 2006, Seat a gagné 10 rangs, ce qui est encourageant. Mais l'ensemble reste encore fragile car nous nous devons de maintenir à la fois les ventes et une bonne rentabilité.
JA. Quelle a été sa rentabilité justement ?
JF. Elle a atteint les 1 % en 2006. Un niveau qui n'est pas encore tout à fait satisfaisant. Néanmoins, nous avons simplifié le système de rémunération de nos distributeurs afin que ceux-ci puissent gagner plus d'argent. Certains paliers ont été supprimés, nos distributeurs peuvent désormais être rémunérés sur facture, l'obtention de primes a été simplifiée… Nous avons tout essayé pour que le réseau s'y retrouve en rentabilité.
JA. Quelle est la composition du réseau aujourd'hui ?
JF. A la fin 2006, notre réseau se composait de 130 points de vente et 35 relais détenus par 108 investisseurs. Au total, nous disposons de 205 points services. Notre réseau est globalement homogène avec des distributeurs de taille moyenne mais également trois grands groupes comme Schuller (6 % du total des ventes), Kroely ou encore Delorme. Notre couverture territoriale est quasiment aboutie, il ne nous reste que 8 ou 9 open points à couvrir dans les villes comme Auch, Millau, ou en Franche Comté.
JA. Ces nouveaux points de vente passeront-ils obligatoirement par les réseaux du groupe Volkswagen ?
JF. Pas forcément. Le développement de notre réseau ne passe plus obligatoirement par les distributeurs du groupe en place. Si notre premier réflexe reste de regarder "chez nous", nous prenons avant tout en compte le business plan du concessionnaire, sa trésorerie, ses capacités financières. Je tiens à dire que nous obtenons de très bons résultats avec des distributeurs hors groupe VW, je suis également très satisfait d'eux.
JA. Quels sont les objectifs qui sont assignés au réseau à court terme ?
JF. Nous allons nous attarder sur la satisfaction client après-vente, c'est notre grand chantier pour cette année 2007. Nous allons déployer toutes nos forces dans ce domaine et y consacrer d'énormes moyens. Il faut que nous optimisions les processus, les comportements et la formation et nous devons nous y mettre dès maintenant. En outre, nous souhaitons développer les ventes sociétés au sein du réseau. Pour l'heure, seuls 40 points de vente s'y sont mis. Enfin, la politique en matière de VO est insuffisante et le réseau doit se professionnaliser dans ce domaine.
Tous ces chantiers sont étudiés et élaborés en collaboration avec le groupe Expert, l'équivalent chez Seat du groupement des concessionnaires. Les deux parties travaillent en parfaite adéquation, nous sommes d'accord sur les priorités et les stratégies à développer pour le bien du réseau.
JA. Quelle est la place de Seat France par rapport aux pays européens ?
JF. La France est à une très bonne place sur l'échiquier européen puisqu'elle se situe au troisième rang derrière l'Espagne (146 000 unités) et l'Allemagne (50 000 unités). En termes de rentabilité, la France se situe même au deuxième rang, ce dont je suis le plus fier.
JA. Un dernier mot sur la communication de la marque où Seat semble attacher beaucoup d'importance à l'événementiel.
JF. En effet, Seat est, je l'ai dit, une marque où les notions de sportivité, de jeunesse, d'attitude, sont très importantes. Ainsi, Seat a ciblé une clientèle précise et c'est également pourquoi la marque souhaite se retrouver dans certains événements qui lui ressemblent comme le All Star Game (Basket), le Décanation (Athlétisme), les concerts (tournée de Shakira), ou encore le WTCC. En outre, la marque a également ciblé quelques séries télévisées, c'est pourquoi on nous retrouve sur les écrans avant la série 24 Heures Chrono sur Canal +... Notre clientèle se retrouve dans ces événements et nous voulons qu'elle nous y retrouve également.
Propos recueillis
par Tanguy Merrien
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