Entretien avec Hans Dieter Futschik, directeur du design Mercedes-Benz VP.
Journal de l'Automobile. A Detroit, Gorden Wagener nous disait que l'ADN du style Mercedes se situait dans son histoire et son positionnement Premium, y ajouteriez-vous d'autres valeurs ?
Hans Dieter Futschik. Mercedes est la marque la plus ancienne et nous avons effectivement beaucoup de choses à puiser dans cette histoire jalonnée par des modèles mythiques. Nous reprenons régulièrement des motifs anciens pour les réinterpréter. L'histoire se répète, mais elle se régénère. L'héritage dans sa conjugaison contemporaine : voici notre perpétuel défi.
JA. Quels étaient vos principaux objectifs avec le concept Fascination ?
HD.F. De réaliser un concept fascinant ! Plus sérieusement, nous avons effectué un travail formel très important sur les lignes pour susciter l'émotion des clients. C'est une démarche permanente, mais que nous pouvons amplifier à loisir sur les concept-cars qui n'ont pas les contraintes de la série.
JA. Il s'agit d'un véhicule très massif et à la croisée de plusieurs segments : à quel segment correspond-il vraiment ?
HD.F. Quand vous voyez la Classe E que nous venons de présenter, vous pouvez trouver des filiations. Or la Classe E est une berline. Mais les thèmes du concept peuvent aussi renvoyer à un coupé ou à un break. D'autres applications sont peut-être à attendre…
JA. Quelle équipe a travaillé sur ce projet ?
HD.F. Nous avons constitué une petite équipe, comme souvent sur les concept-cars qui n'épousent naturellement pas le même process qu'un modèle de série. C'est un process beaucoup plus court, un an maximum contre quatre ou cinq ans pour un véhicule promis à la production.
JA. Les contraintes liées au poids et à l'environnement sont de plus en plus rudes, comment les gérez-vous ?
HD.F. Les contraintes sont assurément de plus en plus intenses. Par rapport à l'environnement, notre implication dans l'aérodynamique prend ainsi de l'importance. A l'avenir, notre travail sera plus proche des enjeux écologiques, mais nous ne savons pas encore selon quelles modalités précises… Mais l'approche fondamentale de notre métier ne changera pas. Nous sommes sous l'influence du corps humain et de sa perception extérieure. Une voiture a toujours un visage, un volume et des muscles. La forme générale change selon l'angle du regard et l'expression n'est pas la même en statique ou en dynamique.
JA. Cependant, avec l'émergence de nouveaux marchés, n'êtes-vous pas amenés à intégrer de nouvelles influences pour mieux répondre à certaines demandes ?
HD.F. Nous devons, bien entendu, chercher à comprendre précisément les natures de ces différents marchés, car on sait que notre marque n'est pas perçue de la même façon partout dans le monde. Par exemple, en Chine, nous savons que les gens sont moins timides vis-à-vis du luxe qu'en Europe. Ils apprécient les démonstrations de richesse et de réussite sociale, donc vous pouvez exploiter cette veine. En Europe, les clients aiment que le statutaire rime avec discrétion. En outre, les chinois veulent des voitures avec la connotation du luxe à l'européenne ; ils ne veulent pas de Mercedes chinoises. Bref, nous prenons en compte de nouvelles influences et elles conditionneront notre travail à l'avenir.
JA. Quels nouveaux matériaux et quelles nouvelles technologies vous semblent à même d'élargir le champ de votre créativité à l'avenir ?
HD.F. Il y en a beaucoup ! S'il est impossible d'être exhaustif, disons que dans l'habitacle, le développement des nouveaux médias nous ouvrent de belles perspectives. Systèmes d'information, de communication, interfaces avec d'autres objets high-tech nous entraînent à revisiter le rapport du conducteur et des passagers avec l'intérieur de leur voiture. Nous sommes au début d'une révolution de la façon de conduire et d'évoluer dans les voitures, c'est clair. Pour le style extérieur, les perspectives sont moins vastes, malheureusement. Principalement à cause des contraintes croissantes que vous évoquiez. Regardez les conséquences de la législation sur le choc piétons par exemple. En fait, sous l'angle du style, on a moins de liberté qu'il y a vingt ans.
JA. Justement, vous avez supervisé de nombreux projets, quels sont les véhicules dont vous êtes le plus fier ?
HD.F. Ca dépend des jours ! Et puis, vous devez intégrer qu'il y a une distorsion dans notre rapport au temps car quand nous avons le droit de parler des modèles en public, cela fait déjà longtemps que nous sommes passés à autre chose. Mais en prenant du recul, je dirais que j'aime beaucoup la Classe S, surtout pour son concept global, mais aussi la CLS, au langage stylistique très élaboré et subtil. Et puis, j'aime beaucoup le concept Fascination naturellement, surtout qu'avec les concept-cars, la fraîcheur demeure toujours lors de la présentation car le process est court comme je le disais. Votre réaction émotionnelle est d'une certaine manière contemporaine de celle des clients.
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