S'abonner
Constructeurs

Entretien avec Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot : "La 907 restera un concept-car de rêve"

Publié le 15 octobre 2004

Par Tanguy Merrien
7 min de lecture
Avec une progression de 6 % de ses ventes au premier semestre, soit 1,021 million de véhicules vendus dans le monde, Peugeot rassure le marché. L'envol de la 407, la bonne tenue des 206 et des 307, et d'heureuses surprises à l'export concourent à ces bons résultats que l'avenir devrait consolider...

...avec l'arrivée de la 1007. Explications avec Frédéric Saint-Geours, directeur général de Peugeot.


Journal de l'Automobile. Avez-vous atteint aujourd'hui les objectifs d'immatriculation que vous vous étiez fixés en début d'année ?
Frédéric Saint-Geours L'objectif pour 2004 est de battre le record absolu que nous avons enregistré en 2002, c'est-à-dire 1,955 million de ventes. Pour l'atteindre, il nous faut progresser de 3,5 % par rapport à 2003. Si l'on regarde le premier semestre, nous avons progressé de 6 % par rapport à la même période de 2003. Nous sommes donc en phase avec notre objectif, sinon un petit peu en avance. L'année 2004 devrait donc être une année record pour Peugeot en termes de ventes.

JA. Pourtant le marché de l'automobile n'a pas été particulièrement florissant…
FS-G. Tout dépend où ! Je rappellerai qu'aujourd'hui Peugeot vend 30 % de ses véhicules en dehors de l'Europe de l'Ouest, et dans ces destinations existent des marchés qui progressent beaucoup : le marché argentin a doublé, le marché turc également, le marché brésilien a crû de 15 %, le marché chinois progresse aussi et nous y lançons la 307 tricorps dont nous devrions vendre 15 000 exemplaires qui n'existaient pas dans nos référentiels puisque nous n'étions pas alors en Chine, etc. C'est donc aussi parce qu'il y a beaucoup d'endroits en dehors de la France où les marchés avancent que nous avons fait ces 6 % au premier semestre.

JA. Est-ce que vous avez des modèles qui vous ont particulièrement poussés en avant ou d'autres qui vous ont déçus ?
FS-G. Nous sommes plutôt agréablement surpris puisque nous sommes un peu en avance sur nos objectifs alors que nous n'avions plus de 106 ni de 406 et que la 407 est arrivée juste à la fin. Cela signifie que les autres modèles de la gamme ont progressé : nous avons vendu 5 % de plus de 206 au 1er semestre 2004 et 7 % de plus de 307. A cela vont s'ajouter progressivement les berlines 407, les 407 SW et puis les volumes chinois que nous évoquions à l'instant, c'est-à-dire la nouvelle 307 tricorps qui apparaît maintenant.

JA. Quels sont vos objectifs de répartition entre la 407 berline et la 407 SW ? Vous annoncez actuellement 30 % de SW.
FS-G. A terme, notre objectif est de 40 % de SW et de 60 % de berlines. En fonction des zones géographiques, les ratios changent puisque dans certains pays comme l'Allemagne ou l'Italie la silhouette break est plus importante que la berline alors que dans d'autres, elle est moins développée. En France, par exemple, on voit que c'est plutôt 2/3 berlines, 1/3 SW tandis qu'en Europe de l'Ouest on pense que ce sera plutôt 55 % berlines, 45 % SW et qu'en dehors ce sera probablement 75 % berlines, 25 % SW.

JA. Vous avez déjà atteint les 32 000 immatriculations de 407, je crois…
FS-G. Oui et nous sommes à 93 000 commandes ! Nous saturons complètement l'outil de production. Nous atteindrons les 150 000 ventes de 407 comme prévu pour 2004, mais nous ne pourrons pas faire plus. Nous sortons actuellement 1 000 véhicules par jour.

JA. A quoi attribuez-vous ce succès ?
FS-G. Il nous fallait proposer aux clients du segment élevé un style de design différent. En effet, ils étaient assez frustrés par le fait que toutes les voitures de ce segment se ressemblaient plus ou moins. Avec 407, nous avons choisi de nous différencier. Par ailleurs, nous offrons avec 407 un produit comprenant beaucoup de nouveautés, comme les filtres à particules les plus modernes, les limiteurs de vitesse volontaires, 5 étoiles au NCAP, et ce à un prix tout à fait compétitif.

JA. Qu'attendez-vous, en termes de volume, avec la 1007 ?
FS-G. L'objectif de production en année pleine est d'atteindre 130 000 unités. L'atout principal de la 1007 réside dans son concept global de praticité et son originalité. Ses portes coulissantes électriques permettent d'entrer et de sortir très facilement en ville ou dans un parking étroit ; on peut changer l'intérieur du véhicule en un quart d'heure sans outils, et donc changer d'ambiance ; elle a une modularité très grande et très simple à mettre en œuvre ; elle a une boîte robotisée, une position de conduite haute, donc une grande luminosité et une grande visibilité…

JA. Comptez-vous commercialiser un jour la 907 ou vous lancer dans la réalisation d'une voiture de sport ?
FS-G. La 907 est une voiture qui restera unique, un concept-car de rêve qui montre qu'on peut allier la plus grande modernité et la plus grande tradition automobile. En revanche, vous retrouverez dans les Peugeot futures beaucoup d'innovations que vous aurez vues dans la 907 en termes de style ou de concept, mais il n'y aura pas de 907 vendue. Et nous n'avons pas le projet de faire une voiture de sport.

JA. Parlons maintenant de votre réseau ; comment se porte-t-il à l'heure actuelle ? Est-ce qu'il a bien vécu le remue ménage causé par le nouveau règlement ? Il faudrait lui poser la question. Je pense que oui et c'est assez compréhensible parce qu'en fait, nous avions préparé notre organisation bien avant la mise en place du nouveau règlement ; nous voulions que la commercialisation et l'après-vente de nos voitures soient réalisés dans un réseau de marque. Nous avions pris cette option puis nous avions travaillé dans ce sens avec notre réseau pour que la structuration et le maillage soient déjà bien au point. Lorsque le nouveau règlement est arrivé, nous permettant d'avoir une distribution sélective, nous avons très naturellement retravaillé avec les partenaires d'avant pour faire les partenaires d'après. Il y a eu très peu de mouvements parce que nous avions déjà bien réfléchi avant.

JA. Certains membres de votre réseau en difficultés financières craignent que le groupe n'en profite pour développer des succursales. Que leur répondez-vous ?
FS-G. Ce n'est pas notre stratégie. Il est nécessaire d'en implanter dans un certain nombre d'endroits stratégiques ou parce qu'il n'y a pas de concessionnaires prêts à distribuer nos voitures. Il y a des cas où nous n'avons d'autre choix que de reprendre une affaire en difficulté et d'autres cas où nous cédons des affaires à nos concessionnaires. En revanche, nous n'avons absolument pas l'ambition d'accroître la part de nos filiales dans la distribution de nos voitures. C'est vrai en France et hors de France.

JA. Sur le plan social, est-ce que votre groupe s'inscrit dans la démarche qui consiste à remettre en cause la loi sur les 35 heures ? Dès que les projets de 35 heures ont commencé à circuler, nous avons travaillé avec l'ensemble du personnel et avec les syndicats sur une organisation nouvelle du travail à l'intérieur du groupe, et pas seulement sur les 35 heures. Celles-ci ont été intégrées à un processus beaucoup plus global qui a fait l'objet dès 1999 de modifications assez importantes. Toucher aujourd'hui aux 35 heures reviendrait à remettre en cause un certain nombre de choses qui fonctionnent très bien. Et au regard des compensations, c'est changer les règles du jeu en milieu de partie, ce qui n'est pas très correct.

JA. Que pensez-vous de la décision de la Commission européenne de libéraliser les pièces détachées dites visibles ?
FS-G. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, d'abord parce que l'Union européenne est engagée dans un grand combat dans le monde pour la protection de la propriété intellectuelle et de la propriété industrielle, et qu'elle donne là un signe contradictoire. Ces changements ne bénéficient pas aux clients, ne nous faisons pas d'illusions, ils profitent aux intermédiaires qui ne répercutent pas les baisses de prix qui pourraient être faites. Par ailleurs, comme ces pièces participent directement à la sécurité, notamment des piétons, et qu'elles pourraient être faites sans que le cahier des charges des constructeurs ne soit rigoureusement respecté, cela reviendrait à négliger la sécurité des clients. Enfin, en termes industriels, cela n'est pas un bon choix pour l'Europe parce qu'on sait bien qu'en ouvrant la porte ainsi, on facilite le travail de producteurs qui ne sont pas en Europe. Mais la messe n'est pas dite, il y a encore tout un trajet pour que les textes deviennent définitifs et nous continuerons à expliquer que ce n'est pas une bonne idée, ni pour l'Union, ni pour les clients, ni pour le tissu économique européen. 


 Propos recueillis par Hervé Daigueperce

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Sur le même sujet

Laisser un commentaire

cross-circle