Entretien avec Francois Le Clec’ h, directeur général de Mercedes-Benz Cars.
Journal de l'Automobile. Quel est votre sentiment pour cette fin d'année 2008 et quelle sera la performance de Mercedes sur cet exercice ?
François le Clec'h. Après un premier semestre déséquilibré, nous pensons toutefois être au rendez-vous de l'année dernière, ce qui serait déjà une belle performance, compte tenu d'un marché automobile haut de gamme en repli de près de 40 %. Les Classe A et B après leur face-lift, mais aussi la Classe C en année pleine, qui évoluent en revanche sur un marché en progression, sont autant d'arguments. Nous en avons vu les bénéfices en septembre. N'oublions pas Smart qui est une réussite avec 16 % de progression. De plus, avec la diffusion en grande série dès 2010 de sa version électrique, présentée ici, la Smart est promise à un bel avenir. Toutefois, d'une manière plus large, l'évolution du marché français est préoccupante. En effet, il est tiré vers le bas et il y aura des conséquences pour tout le monde.
JA. Cette évolution du mix va-t-elle avoir une incidence sur votre rentabilité ?
FL. Si le volume devrait être préservé, il est possible que la rentabilité soit affectée. Voici un aspect néfaste pour l'avenir. Les innovations majeures apparaissent toujours sur le haut de gamme, comme en témoignent l'ESP, les airbags, etc. Les exemples sont nombreux. Ce sont ces véhicules qui permettent de financer la recherche et le développement des constructeurs ; ce n'est pas avec des véhicules dégageant une rentabilité minimum que vous allez pouvoir réinvestir des sommes importantes. La première conséquence est de réduire de fait les budgets R&D au moment, justement, où face aux défis des énergies renouvelables, les investissements devraient être massifs.
JA. Qu'en sera-t-il pour votre réseau ?
FL. L'effet volume des petits véhicules, moins rémunérateurs, ne compensera pas totalement le déficit de marge. Nous devrions sans doute reculer légèrement, mais notre réseau est solide et nous resterons au sommet de la hiérarchie sur ce critère de la rentabilité. En évoquant les petits véhicules, je ne parle pas des low-cost. Là, je pense que si on veut mettre à terre l'industrie automobile, il faut continuer ! Même le gouvernement ne semble pas prendre la mesure de sa politique, disons pour le moins curieuse. Il va perdre entre 200 et 300 millions d'euros du fait du déséquilibre du système bonus-malus, mais aussi perdre des recettes fiscales, notamment sur la TVA, et au final, en subira les conséquences sur l'emploi !
JA. Craignez-vous un réajustement de l'écotaxe pour l'année 2009 ?
FL. Je crois que le gouvernement commence à comprendre qu'il ne faut pas être plus écologiste que les écologistes ! Pour autant, il ne faudrait pas s'attarder que sur le CO2, il faudrait également prendre en compte les particules, les NOx, etc. Ce qui se passe d'ailleurs aux Etats-Unis. Alors, ils ne détiennent pas la vérité absolue pour autant, l'Europe non plus d'ailleurs, mais il serait judicieux de réfléchir sur l'ensemble des émissions. Mais surtout, arrêtons de se focaliser sur l'industrie automobile. Entre 1990 et aujourd'hui, l'automobile a divisé ses émissions de CO2 par 10 ! Y a-t-il une industrie qui a fait aussi bien sur la planète ? Et dans 20 ans, l'automobile ne polluera sûrement quasiment plus ! J'ai l'impression, aujourd'hui, que nous sommes à rebours, à contre-courant. Encore un exemple : les low-cost. C'est fabriquer des voitures qui ont 10 ans de retard technologique !
JA. En France, où le Diesel est devenu roi même sur ce segment des limousines, quel est le potentiel de cette S 400 BlueHybrid ?
FL. Nous vendons environ 1 000 Classe S chaque année en France et avec cette version hybride nous voulons démontrer que ce marché n'est pas appelé à disparaître avec des véhicules d'avenir. Cette Classe S hybride doit également être vue comme le premier maillon d'une chaîne qui va conduire cette technologie sur toute notre gamme. Parallèlement, nous présentons la C 250 CDi BlueEfficiency qui inaugure une nouvelle mécanique Diesel remarquable qui se contente de 5,4 litres aux 100 km. Cette première édition, fabriquée à 6 000 exemplaires, a pour but de faire découvrir cette technologie. Nous en aurons 600 exemplaires en France avant qu'elle ne soit diffusée plus largement l'année prochaine. Enfin, un mot sur le GLK, notre nouveau SUV compact qui, en plus de répondre à une vraie attente de la clientèle, prouve si besoin était les progrès réalisés, avec notamment une consommation inférieure à 7 litres sur la version 220 CDi qui sera commercialisée en avril prochain.
JA. Après le concret, place au concept Fascination. Que faut-il y voir ?
F.LC. Le concept Fascination est avant tout une étude de style, comme nous avions pu le faire avec le concept Vision CLS à Francfort il y a quelques années. Ici, nous proposons un break coupé qui a aussi pour ambition de nous aiguiller vers le futur design de Mercedes.
Photo : "L'effet volume des petits véhicules ne compensera pas totalement le déficit de marge".
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